Ce lundi 24 octobre, pour la première fois dans l’histoire des relations souvent conflictuelles des relations entre les religions et la République socialiste du Vietnam, un projet de loi sur la religion était présenté aux députés de l’Assemblée nationale. Voilà un peu plus d’un an que le projet est en cours.
À la veille de l’ouverture de l’ouverture de la deuxième session de l’Assemblée nationale, le Conseil interreligieux avait fait paraître un retentissant communiqué demandant d’abandonner purement et simplement le projet de loi en question. Les représentants de diverses religions (catholicisme, protestantisme, bouddhisme unifié, bouddhisme Hoa Hao religion Cao Dai…) regroupés dans cette association créée il y a quelques années affirment que cette loi est inutile et dangereuse. Récemment, Radio Vatican relevait les préoccupations de l’Eglise locale face à ce projet de loi sur les croyances et la religion.
Le projet, élaboré par le personnel du bureau des Affaires religieuses, est brusquement apparu au mois d’avril 2015. Il s’agissait déjà d’une quatrième version (les précédentes n’ont pas été connues du grand public). La future loi en est aujourd’hui à sa cinquième version.
Le premier débat parlementaire a eu lieu le 24 octobre. Selon les indications données par la presse officielle, la discussion ne devait porter que sur les questions encore « sujettes à controverse ». En fait, deux sujets principaux ont été abordés.
Une première controverse portait sur la question de savoir s’il fallait inscrire dans la loi les tâches non proprement religieuses assumées par les organisations religieuses, comme l’éducation, les actions caritatives, les soins de santé, les services sociaux etc., autant d’activités qui pour le moment sont très limitées et souvent absentes. La seconde controverse liste des interdictions stipulées par la loi qui est jugée trop négative par certains. En outre, au cours de cette même séance de l’Assemblée nationale, on a précisé que l’examen de la loi serait achevé le 17 novembre et que son option serait proposée au vote dès ce jour-là.
C’est le président de la commission parlementaire de la culture et de l’éducation qui dans un rapport a abordé le problème des tâches « non religieuses » des organisations religieuses. Selon lui, de nombreux députés réclament que soient précisés dans la loi la possibilité pour les organisations religieuses de participer aux activités éducatives, hospitalières, à la protection sociale, aux activités caritatives et humanitaires. La commission permanente de l’Assemblée nationale a fait alors remarquer qu’il était en effet traditionnel que la religion participe à ce genre d’œuvre. Cependant, a-t-il ajouté, pour sauvegarder la cohérence de la loi, il est bon que ces prescriptions ne concernent que la liberté de croyances et de religion ainsi que les organisations et les activités religieuses.
Le deuxième point mis en cause par certains députés était une liste des actions interdites aux organisations religieuses. Le projet se contente de citer quelques-unes des attitudes et activités strictement interdites aux religions, comme par exemple la discrimination au nom de valeurs religieuses ou encore l’utilisation de la religion à des fins intéressées… Il a été demandé au comité de rédaction du projet de loi de se remettre au travail sur ce sujet et de définir concrètement les activités interdites aux religions.
Dans le même temps, le groupe de travail conjoint du Vietnam et du Saint-Siège s’est réuni du 24 au 26 octobre au Vatican. Co-présidée par Mgr Antoine Camilleri, sous-secrétaire pour les relations avec les Etats et le vice-ministre des Affaires étrangères vietnamien, Bui Thanh Son, cette réunion a été l’occasion d’évoquer la question de la liberté religieuse.
Cordialité, franchise et respect mutuel. C’est ce qui a caractérisé cette rencontre, deux ans après la dernière à Hanoï en septembre 2014. Les deux parties, explique un communiqué publié au dernier jour, ont eu « un échange de vue large et profond » sur leurs relations mutuelles.
La partie vietnamienne a « confirmé l’amélioration constante et concrète de la promotion et de la protection de la liberté religieuse (…) des citoyens, sur le plan législatif et politique ». Elle a aussi fait état de sa volonté de faciliter l’engagement actif de l’Eglise catholique dans « le développement socio-économique » du pays.
Le Saint-Siège a quant à lui réaffirmé « que le pape François s’intéresse vivement » au développement des relations bilatérales. Il a plaidé pour « la liberté de l’Eglise de poursuivre sa mission pour le bien de toute la société », en « collaborant avec les autres acteurs dans la société vietnamienne, et en accord avec les lois pertinentes, pour le développement national et la promotion du bien commun ». Il a aussi exprimé son appréciation au gouvernement vietnamien « pour l’attention accordée aux nécessités de l’Eglise catholique ». Et de citer l’inauguration en septembre dernier de « l’Institut catholique du Vietnam », première université catholique autorisée depuis 1975.
Les deux parties ont convenu que l’Eglise catholique au Vietnam « continuera à être inspirée par le magistère de l’Eglise » qui recommande d’être à la fois « bons catholiques et bons citoyens ». Elles ont reconnu « le progrès » des relations mutuelles, au moyen « de contacts et d’entretiens réguliers, d’échange de délégations à haut niveau, et des fréquentes visites pastorales au Vietnam du représentant pontifical (…) non résident, Mgr Leopoldo Girelli ».
Enfin, le Vietnam et le Saint-Siège ont résolu de maintenir « un dialogue constructif, dans un esprit de bonne volonté, dans le but de faire grandir la compréhension mutuelle et de promouvoir ultérieurement les relations entre les deux parties ».
Avant de repartir, la délégation vietnamienne a rendu visite au cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin et au secrétaire pour les relations avec les Etats Mgr Paul Gallagher. La prochaine rencontre du groupe de travail conjoint sera fixée à une date ultérieure.
Ces rencontres devraient permettre d’aboutir à l’établissement de relations diplomatiques complètes entre le Saint-Siège et le Vietnam. Ces dernières années, les relations ont été marquées par des signaux de détente : en 2011, le Vietnam a accueilli le premier représentant officiel – non résident – du Saint-Siège depuis 1975. En octobre 2014, le pape François a reçu le premier ministre vietnamien, Nguyên Tân Déng.
Sources : Eglises d’Asie et Zenit