“La vie éternelle, c’est d’aimer…maintenant !” – Homélie de Mgr Gobilliard pour l’Assomption

“La vie éternelle, c’est d’aimer…maintenant !” – Homélie de Mgr Gobilliard pour l’Assomption

Homélie prononcée par Mgr Gobilliard pour la fête de l’Assomption de la Vierge Marie : 

Pourquoi aimons-nous à ce point cette fête de l’Assomption ? A quels désirs profonds de notre humanité cette fête répond-elle au point que des millions de catholiques à travers le monde se précipitent dans tous les sanctuaires marials de la planète pour rendre hommage à la Vierge Marie élevée avec son corps et son âme dans la gloire du ciel. Il y a pourtant, dans notre calendrier liturgique, d’autres fêtes en l’honneur de notre mère du ciel, mais aucune ne suscite un tel enthousiasme. Même la célébration de l’Immaculée Conception, que nous aimons tant ici à Lyon, est loin de déplacer autant de foules. Le 15 août, elles viennent en pèlerinage, parfois sur de longues distances. Elles sont prêtes à marcher pendant plusieurs jours, comme à Fatima ou à Notre Dame de Guadalupe. Au Vietnam, dans le sanctuaire Notre Dame de La Vang, 500 000 personnes sont actuellement rassemblées et portent en procession, comme au Puy-en-Velay, la statue de la mère de Dieu dans les rues de la ville. La dévotion populaire s’est rarement aussi bien portée et elle se manifeste de manière éclatante aujourd’hui par des chants, des invocations, des processions, des bénédictions. On veut toucher, on veut sentir les odeurs des cierges et de l’encens, on veut voir et entendre.

Cette fête parle à notre humanité qui souffre d’un mal étrange, d’une forme de déshumanisation involontairement encouragée dans les années 70-80 par une spiritualité intellectualiste qui méprisait les images et la prière du chapelet, jugées trop simples, trop superstitieuses. Mais quand notre humanité est privée de quelque chose, elle réagit. Et c’est ce que nous constatons aujourd’hui. Elle réagit contre deux excès : les excès d’une société matérialiste qui s’imagine que le rejet du spirituel est une libération alors qu’il est une régression grave et une déshumanisation, et les excès d’une spiritualité désincarnée qui croyait rendre hommage à l’esprit en négligeant le corps.

La vérité, c’est que notre belle humanité ne peut se passer ni de l’esprit, ni du corps ni de l’âme. Nous sommes ces êtres complexes dont la grandeur s’exprime dans le fait qu’ils sont toujours en tension, en recherche, en mouvement. Nous ne pouvons supporter qu’on nous réduise à un amas de cellules que le hasard aurait mystérieusement organisé. A la question pourquoi la vie, la beauté de la création, pourquoi un monde aussi complexe ? Il n’y a pas de réponse aussi peu scientifique que de dire qu’il s’est fait tout seul ! Mais dans le même temps nous nous éloignons poliment de ceux qui veulent tout spiritualiser à outrance, comme si nous ne pouvions nous satisfaire d’aucune de ces orientations.

Finalement cette belle fête de l’Assomption répond, en nous, à un intense besoin d’unité. Notre personne aspire à cette unité féconde de l’âme et du corps qui est à la fois un appel gratuit de Dieu et une orientation de tout notre être. Nous sommes appelés à cette unité de notre personne que la célébration d’aujourd’hui exprime. L’Evangile de la Visitation exprime l’empressement de Marie à aimer, à exercer la charité, à se dépenser pour les autres, à sortir de soi. Pour réaliser notre unité de vie, nous devons l’imiter. C’est la charité qui nous unifie. Notre vocation, c’est le ciel ! Dieu créateur a déposé dans notre nature, une aspiration à la gloire ! Tous, nous portons dans notre être un germe d’éternité. Nous sommes Capax Dei, attirés par lui, irrésistiblement, assoiffé de la vie éternelle. Mais elle ne peut se réaliser qu’à travers un appel unique, propre à chacun, qu’à travers un appel concret. Comme pour Marie à l’Annonciation, notre Dieu nous appelle à la vie, de façon personnelle. Il nous invite au bonheur d’une manière unique et nous propose de mettre tout notre être, notre âme, notre corps, notre intelligence, toutes nos facultés et nos puissances, au service de ce dessein de son amour qu’est la vocation. Comment allez-vous réaliser cette unité profonde de tout votre être à laquelle vous aspirez ? En aimant ! Jeunes, qui ne savez pas encore comment se réalisera votre vocation, adressez au Seigneur cette prière : « Montre-moi quel est, pour moi, le chemin du plus grand amour ! » Ecoutez-le ! Il vous parle dans les événements, dans la prière mais aussi dans l’exercice humble et laborieux de votre devoir d’Etat. Vous saurez où Dieu vous appelle, d’abord si vous vivez, c’est-à-dire si vous respectez votre corps, mais aussi si vous vous formez intellectuellement et si vous puisez dans la prière et les sacrements la vie même de Dieu.

Que vous soyez en recherche de vocation, que vous soyez mariés, consacrés ou même que vous soyez de ceux qui se croient oubliés de Dieu parce qu’ils n’entrent dans aucun cadre vocationnel bien défini, prenez la Vierge Marie pour modèle. Elle a assumé toutes les vocations : épouse et mère, consacrée dans la virginité, elle a aussi vécu la souffrance du veuvage et de la mort de son enfant. Elle aurait pu se croire abandonnée de Dieu, mais quelles que soient les circonstances, elle est restée unie à lui de tout son être, pour nous rappeler que la vocation, la vraie, la seule, c’est d’aimer Jésus et ses frères, aujourd’hui. Nous avons tendance à planifier, à organiser, à regretter. En permanence nous sommes, soit projetés dans l’avenir, soit tournés vers le passé. Elle nous rappelle que nous ne pouvons être unifiés, que nous ne sommes profondément humains, donc saints, que si nous mettons toute notre attention, tout notre cœur, toute notre intelligence, et bien sûr notre corps au service de la charité. Marie n’était pas partagée, morcelée. Elle était pleinement attentive à ce qu’elle faisait, à la personne qu’elle rencontrait. Imaginez-la, sortant de chez elle pour aller à la rencontre de ses amies du village, toute joyeuse, comme à la visitation. Elle les rencontre, les écoute, les console ou les encourage. Elle partage sa joie et son amour de Dieu avec simplicité. Elle se met à leur service s’il le faut, leur demande un conseil, une aide. Enfin…elle est humaine, tout simplement ! Profondément humaine ! A Nazareth elle pleurait avec ceux qui pleurent, riait avec ceux qui rient, sans cesser parfois d’être humblement exigeante, parce qu’elle voulait leur bonheur.

Elle est montée au ciel avec son corps et son âme, parce qu’elle avait déjà invité le ciel dans son corps et dans son âme, parce que, depuis le premier instant de sa vie, elle avait glorifié son humanité en laissant Dieu se révéler en elle, par elle. La vie éternelle, ce n’est pas une période, sinon elle serait vraiment très longue, ce n’est pas non plus un lieu précis, sinon nous serions très serrés. La vie éternelle, c’est d’aimer, et elle est déjà commencée ! C’est d’aimer comme Dieu aime, et pour cela, nous n’avons d’autre moyen que notre humanité, avec son corps, son âme, son intelligence. Puisque le corps de Marie n’a cessé d’être au service de l’amour, alors il était déjà divinisé depuis le premier instant, et son intelligence aussi, et son âme. Tout en elle était tendu vers l’accomplissement de sa vocation, quelles que soient les circonstances, dans la souffrance comme dans la joie. Pour elle, il n’y a pas eu de rupture, de temps de purification, d’adaptation à la vie éternelle puisqu’elle la vivait déjà pleinement. Elle vivait sa vocation aujourd’hui ! Elle était attentive à l’instant présent. La vie éternelle, nous l’imaginons toujours dans le futur, mais Marie avait compris que la vie éternelle, c’est maintenant ! C’est l’éternel présent où Dieu se donne et où il m’appelle à me donner, à vivre. Marie est entrée dans le ciel de Dieu avec son corps parce que la vie de Dieu ne l’a jamais quitté. Demandons à la Vierge Marie, aujourd’hui, de nous aider à vivre l’éternité de Dieu dans notre vie quotidienne, à glorifier Dieu dans notre corps, en aimant comme elle a aimé, tout simplement ! Amen

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