Une curieuse absence dans “Gaudete et exultate”

Une curieuse absence dans “Gaudete et exultate”

Par Alan L. Anderson et traduit sur France-catholique:

Beaucoup de choses ont été et seront écrites sur le plus récent enseignement du Saint Père dans son Exhortation Apostolique Gaudete et Exsultate. Certains s’y sont précipités comme une opportunité pour cogner sur leurs adversaires qu’ils perçoivent dans l’Eglise. L’un d’entre eux s’est senti obligé d’envoyer d’urgence un tweet proclamant que certains passages visent certains Catholiques avec lesquels ce tweeter bien connu avait de façon évidente certains problèmes. D’autres se sont servis des mots de l’exhortation pour soutenir le programme politique de leur favori.

Ainsi le témoignent les gros titres d’importantes agences d’informations, qui se sont rapidement fixés sur l’apparente équivalence morale exprimée par Sa Sainteté entre l’opposition à l’avortement et le soutien à l’immigration. Beaucoup d’encre coulera et/ou beaucoup de bytes électroniques seront consumées dans les semaines et les mois à venir pour essayer d’analyser les paroles du Saint Père de façon à déterminer si a) le Saint Père voulait établir une telle équivalence et b) si une telle équivalence existe en réalité.

Sainte Thérèse d’Avila un jour conseilla « Que rien ne vous trouble ». Cette sainte, Docteur de l’Eglise, devrait sans nulle doute répéter cette assertion de manière énergique durant ce pontificat houleux.

Cependant, il y a une chose à noter, au sujet de l’exhortation Gaudete et Exsultate, qui a fait se gratter la tête à ce simple laïc – c’est un fait que un document de 22 000 mots qui réédite l’appel millénaire de l’Eglise à la sainteté des fidèles, prête relativement peu d’attention aux les moyens principaux d’obtenir la sainteté : les sacrements.

L’Eucharistie est mentionnée seulement cinq fois et elle n’apparaît en premier que au paragraphe 110, et environ aux deux tiers du document.

De la même manière, la Réconciliation (Confession) n’est mentionnée que six fois, apparaissant pour la première fois, à côté de l’Eucharistie, au paraphe 110. Dans un document écrit en tant qu’exhortation à la sainteté qui se considère en mission, il semble étrange de donner aussi peu d’importance aux meilleurs moyens d’atteindre la sainteté – la grâce – pour poursuivre cette mission.

Sa Sainteté reconnaît franchement l’importance des sacrements quand il déclare, « le Seigneur a accordé à l’Eglise le présent de la sainte Ecriture, des sacrements, des lieux saints, des communautés vivantes…, une beauté avec de multiples facettes qui découle de l’amour de Dieu. » Tout de même il plaide « je ne vais pas m’arrêter à expliquer les moyens de sanctification que nous connaissons déjà : les différentes méthodes de prière, l’inestimable sacrement de l’Eucharistie et de la Réconciliation, l’offrande des sacrifices personnels, et les différentes formes de dévotion.

Mais est-ce vrai ? Les inestimables moyens de sanctification – Eucharistie et Confession -sont-ils vraiment « déjà connus » même par ceux qui professent être Catholiques ?

Les statistiques sont bien connues, elles sont tristes, mais elles méritent d’être rappelées ici. D’après le « Center for Applied Research in the Apostolate » (CARA) de l’Université de Georgetown, en 2017 le nombre de participation hebdomadaire à la Messe n’était seulement que de 23% Encore pire, CARA rapporte également que seulement 2% de tous les catholiques américains indiquent qu’ils se confessent au moins un fois par mois, alors que 75 % disent qu’ils se confessent moins d’une fois par an, ou jamais.

Aussi, non je ne suis pas du tout certain que nous puissions supposer, comme le Saint Père le fait, que les moyens normatifs et les plus efficaces pour la sanctification sont « bien connus ». Je ne suis pas convaincu qu’une exhortation qui appelle, ainsi qu’il le fait avec véhémence et éloquence, à un zèle renouvelé pour la mission et la communauté, portera les fruits espérés, en l’absence de l’infusion de la grâce qui ne peut être trouvée que dans les sacrements.

Saint Augustin nous a enseigné que « La confession de mauvaises actions est le premier début de bonnes actions. » Le pape émérite Benoit XVI, réitérant de manière splendide la théologie de St Paul, observait que « dans l’Eucharistie une communion existe qui correspond à l’union de l’homme et de la femme dans le mariage. Juste comme ils deviennent une seule chaire, ainsi dans la communion, nous devenons un seul esprit, une seule personne avec le Christ ». Exprimé simplement, la Confession et l’Eucharistie sont les attributs nécessaires à la Mission et la Communauté vers lesquels nous pousse avec force l’exhortation Gaudete et Exsultate.

Le Saint Père mentionne la place centrale de la grâce au moins quarante fois dans son exhortation, mais ne fait le lien entre « grâce » et sacrements – sources normales de toutes grâces, qu’une seule fois. Et encore seulement la grâce reçue au baptême. Même son traitement le plus complet de l’Eucharistie (n157) ne fait que suggérer le caractère central du plus Sacré des sacrements pour la Mission et la Communauté : « Quand nous Le recevons dans la Sainte Communion, nous renouvelons notre engagement avec le Christ et nous lui permettons d’accomplir encore plus pleinement son travail de transformation de nos vies. »

Il n’y a pas si longtemps l’Eglise a tenu un conseil oecuménique dont les principaux résultats étaient : -a) Réaffirmer « l’appel universel à la sainteté » (comme le fait le Saint Père dans sa dernière exhortation) et b) exalter, de nouveau, la Sainte Eucharistie comme « la source et le sommet de la Foi » . Vatican II avait clairement vu que les deux sont liés.

Toutes ce à quoi le Saint Père nous exhorte – des « petits gestes » de sainteté, des vies vécues dans la béatitude, le combat contre le démon, le discernement, etc – ne peut être efficacement bien accompli et porter du fruit qu’avec les grâces obtenues par le Saint Sacrement, et par extension avec les autres sacrements.

Il y a d’autres institutions charitables et d’autres philosophies qui possèdent des vertus naturelles. Ce qui élève l’Eglise et la différencie des autres entreprises humaines est ce Don, ce don du Corps, du Sang de l’Âme et de la Divinité de notre Seigneur Jésus Christ, la grâce qui en découle. C’est le don le plus précieux qu’elle offre au monde.

Aussi, j’estime qu’il est curieux que, dans l’exhortation de Sa Sainteté, si peu d’attention soit portée sur le rôle central joué par les sacrements pour atteindre la sainteté. En effet, prétendre à la sainteté sans eux serait, flirter avec le neo-pélagianisme, n’est-ce pas ?

Source : France catholique

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Alan L. Anderson a travaillé pendant plus de vingt en tant que catéchiste au niveau paroissial et diocésain dans le diocèse catholique de Peoria. Il rédige des écrits sur la culture et la Foi à partit de Roanoke, Il.

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