C’est une évidence pour tous que nous vivons aujourd’hui dans une société en tension, où l’affrontement l’emporte souvent sur le dialogue, l’invective sur les échanges constructifs. La chose commune s’efface devant la revendication croissante des droits individuels et l’on assiste à une dissolution du lien social sans précédent. Ce que l’individu a de plus privé et de moins partageable exige d’être éclairé par la lumière publique, au point que le socle des droits fondamentaux qui fonde la dignité de toute personne humaine sans exception s’effondre. Le Bien commun, c’est-à-dire le bien que tous peuvent rechercher en commun, car seul il garantit la dignité de tous, est remplacé par une somme d’intérêts catégoriels qui ruinent la cohésion sociale.
Sur ce terreau conflictuel, la violence se développe et s’étend à l’échelle de la planète, jusqu’à engendrer une « guerre mondiale par morceaux » (Pape François). Le terrorisme islamiste en est le principal détonateur aujourd’hui. Nous ne saurions rester indifférents devant les attentats meurtriers qui se multiplient partout dans le monde et qui ont frappé en particulier, au début de la semaine sainte, les chrétiens d’Egypte, dans l’expression même de leur foi en Jésus-Christ mort et ressuscité.
« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière », s’écrie le poète. C’est lorsque « la terre était informe et vide et que les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme », c’est quand le chaos régnait sur la terre initiale et sur les eaux primordiales, que Dieu, par « son Esprit qui planait sur les eaux » et par sa parole créatrice, fit jaillir la lumière et mit de l’ordre dans l’univers. Aucune situation conflictuelle, aucune impasse humaine, personnelle ou sociale, ne saurait nous voler l’espérance ! Comme nous le chantons le jour de Pâques : « La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne ».
En entrant triomphalement dans la ville de Jérusalem, Jésus aurait pu se laisser porter par la vague populaire qu’il souleva sur son passage ; lui qui s’était montré comme un prophète si puissant devant Dieu et devant le peuple, il aurait pu prendre le pouvoir et restaurer la Royauté en Israël. Cependant Jésus n’est pas monté à Jérusalem pour une victoire politique mais pour mourir et ressusciter ! Par sa mort sur la croix, il a libéré le cœur de l’homme de l’injustice, et par sa résurrection, il lui a communiqué sa vie.
Pour ceux qui croient au Christ mort et ressuscité, aucune action pour la justice et la paix n’est vaine, à condition que la dignité de toute personne humaine soit promue et respectée, et que ne s’y mêle aucun calcul politique. La foi qui nous unit au Christ vivant réveille en nous les forces morales et spirituelles sans lesquelles un ordre social juste est impossible. Je prie pour que les chrétiens n’aient pas peur de s’engager pour le Bien commun, en s’appuyant sur le Christ crucifié et ressuscité, par la prière et le service désintéressé de leurs frères.
Saintes et joyeuses fêtes de Pâques !
+ Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron