de Constance Prazel, Déléguée générale de Liberté politique
A l’heure où, à Rome, le Synode des jeunes entre dans sa phase finale, et commence à élaborer ses conclusions, se dessinent les premières tendances, les thèmes et les approches retenus sur les défis de l’Eglise de notre temps. Des femmes aux migrants en passant par la persécution des Eglises d’Orient, le menu a de quoi aiguiser les appétits et susciter les interrogations.
Une lettre magnifique adressée par 200 jeunes Australiens aux Pères synodaux vient remettre en perspective ce grand rassemblement de l’Eglise catholique pour poser les bonnes questions.
Derrière leur manifeste, empreint d’une profonde dignité et d’une grande piété filiale à l’égard de l’institution romaine, une intuition centrale qui prend sa source dans l’origine même du projet, celui d’un « Synode des jeunes. » Il repose sur l’idée d’une convergence de propositions de la jeunesse catholique pour vivifier l’Eglise. Sur le papier, l’idée pourrait être séduisante, mais se heurte à l’écueil des réalités. De quelle jeunesse parle-t-on, et pour quelles propositions ? Le cri des jeunes Australiens est celui de l’évidence : comment peut-on espérer former et inspirer l’Eglise, quand on n’a pas, soi-même, reçu les bases les plus élémentaires de la formation catholique, à une époque où, il faut le dire, le reconnaître avec lucidité, les bases les plus solides de la doctrine, du catéchisme ne sont bien souvent plus transmises ? Tout savoir vient d’en haut, et l’on a vu, au niveau scolaire, les ravages en termes pédagogiques de la conception qui place a contrario l’enfant, l’élève au cœur du savoir, au détriment de la logique de transmission : « Des esprits informes manifesteront une Eglise informe, se dérobant constamment à la vérité. Cette formation prend une vie entière, une vie dont les jeunes ne peuvent pas se réclamer. »
La notion de formation est un concept-clef pour l’Eglise aujourd’hui, car pour qu’il y ait formation, il faut un message clair à transmettre. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Or il est manifeste que la hiérarchie ecclésiale, dernièrement, a eu tendance, sur des sujets que nous imaginons bien (contraception et sexualité, communion des divorcés-remariés, homosexualité pour ne citer qu’eux) à cultiver – plus ou moins délibérément, et souvent plus que moins – les ambiguïtés du langage au détriment de la clarté qui émane de la parole de vérité, verum index sui.
L’ambiguïté du verbe est d’autant plus lourde de conséquences que ne sont pas suffisamment cultivées toutes les manifestations d’incarnation de la foi, léguées par les siècles, du pèlerinage au chapelet, qui enchâssent le verbe ecclésial dans la longue cohorte concrète des personnes et des siècles. Nous souffrons dès lors d’une survalorisation de la parole, et d’une parole trouble, au détriment de la pratique de la foi.
Plus fondamentalement, il importe de ne pas se tromper d’objectif ultime. Le synode a brandi l’accueil comme leitmotiv. Mais en fait de bras grand-ouverts, ce sont bien ceux du Christ sur la Croix que nous devons sans cesse regarder. Ce n’est pas un objectif en soi que de « rendre accessible » ce qui par essence reste l’inaccessible, à savoir le mystère insondable du sacrifice de la Croix. Nous, croyants, ne pouvons vraiment attirer qu’en indiquant la voie vers le Ciel.
L’Eglise donne aujourd’hui au monde le sentiment d’un vaisseau dans la tempête ; le plus grave serait qu’elle donne à ses propres fidèles le sentiment que ce vaisseau a perdu sa boussole : « Nous ne voulons pas seulement un accompagnement dans les terres en friche. Pères synodaux, plantez-nous dans le jardin mystique. »