L’abbé Xavier Snoëk, est prêtre du diocèse de Paris, chapelain de l’ordre de Malte, curé de l’église sainte Élisabeth du Temple à Paris depuis 2006. En 2017, il a été nommé postulateur de la cause d’Elisabeth de France, après s’être intéressé aux Bienheureuses carmélites de Compiègne et à la cause de l’Impératrice Zita dont il accueille les manifestations dans son église.
ZENIT – Madame Elisabeth sœur de Louis XVI est morte sur l’échafaud en « odeur de sainteté » le 10 mai 1794. Dans quelles circonstances?
L’abbé Xavier Snoëk – D’après les mémoires de Madame de Genlis, une odeur de rose s’est répandue sur la place de la Révolution, au moment de l’exécution d’Elisabeth de France, qui a eu lieu après un procès expéditif d’une demi-journée. En effet, elle a été sortie de la Tour du Temple, le soir du 9 mai 1794, y laissant seule, sa nièce, Madame Royale, qu’elle avait eu le temps de former. Sa bonté est connue depuis 1781 date à laquelle la gazette royale l’évoque, puis sa tante, la reine de Naples, en parle dans une de ses lettres. Dès qu’elle occupe le domaine de Montreuil que le roi lui a offert, elle est appelée« la bonne dame de Montreuil ». Pendant sa résidence forcée aux Tuileries, elle est surnommée « la sainte Geneviève des Tuileries ».
Comment cette mort évangélique a-t-elle été préparée par sa vie de « laïque » au cœur du monde?
Très tôt, elle a su qu’elle n’était appelée ni à la vie religieuse ni au mariage. Aussi soulage-t-elle les misères cachées des courtisans, avant de secourir les pauvres du quartier de Montreuil, soignant les malades et distribuant œufs, lait et légumes de son domaine. Cette vie de charité est soutenue par une vie de prière très fervente et une foi inébranlable en la vie éternelle et en la miséricorde divine. Délibérément, en connaissance de cause, elle décide de rester auprès du roi et de sa famille, dans la tourmente, afin de les soutenir.
En quoi est-elle imitable, aujourd’hui?
Nos paroisses sont remplies de célibataires qui cherchent à donner un sens à leur vie. Intellectuelle, sportive, Madame Elisabeth présente un modèle très actuel de laïque engagée dans la prière et le service des pauvres.
Face à l’éclatement des familles, aujourd’hui, elle présente un beau dévouement pour ses proches, qui se révèle héroïque en raison des circonstances exceptionnelles de la Révolution.
A l’heure où on vit à la recherche d’un bonheur terrestre, par sa foi en la vie éternelle et sa confiance en Dieu, Elisabeth de France nous entraine à regarder vers le Ciel.
Où en est sa cause de béatification? Et quelles sont les étapes à venir?
La Conférence épiscopale de France a donné en 2017, un avis favorable à la réouverture de sa cause, et la congrégation pour la cause des saints, son Nihil obstat. L’archevêque de Paris (celui du lieu de sa mort) a donc pu rouvrir fin 2017, officiellement, la cause et nommer les différentes commissions du « tribunal » début 2018. Maintenant, la phase diocésaine du procès est en cours. Parallèlement, si un miracle lui est attribué, il sera étudié par l’évêque du lieu où il s’est produit. Si les conclusions des commissions sont positives, la positio (synthèse de leurs travaux) sera rédigée et transmise à Rome. La congrégation pour la cause des saints statuera et si un miracle est reconnu, le pape pourra alors la proclamer bienheureuse.
Le motu proprio “Maiorem hac dilectionem” promulgué par le pape François en Juillet 2017 sur la troisième voie de béatification, celle de l’Offrande de la vie, peut-il influer sur cette cause ?
Tout à fait ! Elisabeth de France semble bien faire partie de cette catégorie, qui concerne les personnes mortes de mort violente suite à leur engagement pour les autres, et qui ne sont pas mortes en haine de la Foi, ce qui est le cas des martyrs. Elisabeth n’a pas été exécutée par haine de la Foi mais elle est restée auprès de sa famille, alors qu’elle savait qu’elle risquait sa vie et qu’à plusieurs reprises, son frère lui avait demandé de partir. Elle a refusé de s’en aller avec son frère Charles d’Artois dès 1789, puis successivement, avec ses tantes, son directeur spirituel, et son autre frère le comte de Provence, alors qu’elle était encore à Versailles aux Tuileries. Elle n’a quitté la famille royale ni lors du voyage à Varennes, ni lors du retour aux Tuileries après l’arrestation, ni le 10 août 1792, alors qu’à tout moment elle pouvait prendre un autre chemin. Au Temple même, où le chevalier de Jarjayes avait organisé son évasion ainsi que celle de la reine et des enfants, elle ne quitte pas Marie-Antoinette qui refuse de partir et reste avec elle dans la prison.
Source: Zenit.org – propos recueillis par Anita Bourdin