Editorial de Mgr Marc Aillet publié dans la revue diocésaine “Notre Eglise” de juillet-août 2018 :
Les Etats généraux de la bioéthique se sont achevés fin avril et l’heure est au bilan. Force est de constater que le large consensus présenté par le Président de la République comme condition à l’évolution de la législation en faveur de « la PMA pour toutes » n’a pas été atteint. Les oppositions argumentées à « la PMA sans père » l’ont emporté, non seulement dans les débats organisés en région, mais aussi dans les contributions postées sur le site internet dédié et encore dans les auditions organisées par le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE). Un sondage IFOP pour Alliance Vita, en juin 2018, montre même que 73% des français considèrent que les rôles du père et de la mère sont différents et complémentaires, 89% que l’absence de père est quelque chose qui marque toute la vie, et 61% qu’il faut privilégier le besoin de chaque enfant d’avoir un père en réservant la PMA aux couples homme – femme ayant un problème d’infertilité. On est loin du sondage publié par La Croix avant les Etats généraux de la bioéthique, faisant valoir que 64% des français sont favorables à la PMA pour toutes, mais en se situant du côté du « droit à l’enfant » plutôt que du « droit de l’enfant » à avoir un père et une mère.
Le 25 juillet prochain, on célébrera les 50 ans de l’encyclique Humanae Vitae, sur la régulation naturelle des naissances, publiée par le Pape Paul VI, dont la canonisation a été annoncée pour octobre prochain. On sait hélas comment cette encyclique fut accueillie, avec quelles réserves et quelles oppositions, tant elle semblait à beaucoup tourner le dos à la modernité. Le Pape en fut meurtri. Certes, il ne pouvait s’étonner de ces réactions du monde, lui qui avait précisément écrit au terme de la partie doctrinale de son encyclique : « On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accueilli par tout le monde: trop de voix – amplifiées par les moyens modernes de propagande – s’opposent à la voix de l’Eglise. Celle-ci, à vrai dire, ne s’étonne pas d’être, à la ressemblance de son divin Fondateur, un ” signe de contradiction ” » (HV 18). Mais il ne semble pas avoir anticipé les réactions hostiles que l’on enregistra au sein même de l’Eglise.
Pourtant Humanae vitae est moins un plaidoyer contre la contraception, même si elle affirme son « caractère intrinsèquement déshonnête » (HV 14), qu’un éloge vibrant de la dignité et de la vérité de la sexualité humaine, affirmant que le bonheur plénier des époux réside dans le respect responsable de la nature intime de l’acte conjugal, expression même de la volonté du Créateur. En ce sens, la rigueur doctrinale de l’encyclique, qui ne manque pas de sollicitude pastorale pour les époux, appuyée sur les moyens de la grâce, sans dissimuler jamais la logique de la croix, fut prophétique.
On peut dire en effet que le refus d’Humanae Vitae, en cette année 1968, fut à l’origine de bien des évolutions sociétales que nous connaissons, 50 ans plus tard. Le bienheureux Paul VI avait parfaitement prévu que la dissociation entre les deux significations intrinsèques de l’acte conjugal – union et procréation – induite par les moyens de contraception allait entraîner toutes les dérives que nous connaissons : légalisation de l’avortement, libération sexuelle effrénée, justification des relations entre personnes de même sexe, droit à l’enfant pour les couples de même sexe, et donc PMA, GPA… La mentalité contraceptive est assurément la source de cette « culture de mort » dénoncée en son temps par le Pape Jean Paul II.
C’est dire l’actualité de l’encyclique Humanae Vitae et l’urgence pour l’Eglise d’en redire la pertinence pour aujourd’hui. Le commentaire autorisé que saint Jean Paul II en fit, en particulier dans sa « théologie du Corps », dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio et dans l’encyclique Veritatis splendor, nous permettent d’accueillir Humane vitae, non dans la logique du permis et du défendu, comme s’il s’agissait d’une loi s’imposant de l’extérieur aux époux et de ce fait insupportable, mais dans celle d’une inclination intérieure de la nature de la personne humaine au Bien, qui ne peut trouver son épanouissement que dans une morale de la vertu et de la grâce. Puissions-nous avoir le courage de renouer avec le caractère prophétique de cette encyclique, même s’il faut marcher à contre-courant. L’enjeu est de taille, comme le Pape Paul VI le soulignait lui-même : « En défendant la morale conjugale dans son intégralité, l’Eglise sait qu’elle contribue à l’instauration d’une civilisation vraiment humaine; elle engage l’homme à ne pas abdiquer sa responsabilité pour s’en remettre aux moyens techniques; elle défend par là même la dignité des époux » (HV 18). Un humanisme qui prétend faire abstraction des lois inscrites par Dieu dans la nature de l’homme devient tôt ou tard inhumain.
Source: Riposte-catholique