Le 17 avril dernier commençait la campagne officielle pour les élections présidentielles en Corée du Sud suite à la destitution de la présidente Park Geun-hye ; le lendemain, la Conférence des évêques catholiques de Corée (CBCK) publiait un rapport ayant pour ambition d’analyser les programme des candidats en lice au regard des enseignements de l’Eglise catholique.
En Corée du Sud, une telle prise de parole des évêques sur le terrain politique ne constitue pas une nouveauté : il s’agirait même plutôt d’une habitude. Que ce soit à l’occasion des élections législatives ou présidentielles, l’Eglise en Corée du Sud n’hésite pas à s’exprimer dans le cadre des campagnes électorales, sans pour autant adopter une position partisane.
Les candidats directement sollicités par la CBCK
Afin d’élaborer ce rapport, la Commission ‘Justice et Paix’ de la CBCK et les Comités épiscopaux de bioéthique, au service de l’écologie et de l’environnement et en faveur de la réconciliation du peuple de Corée ont travaillé conjointement. Ils ont sollicité les cinq candidats à l’élection présidentielle, issus de primaires qui ont connu un large succès, en leur faisant parvenir une liste de 31 questions. Les trois premières questions concernaient respectivement le développement des soins palliatifs (dans un pays où le vieillissement rapide de la population est particulièrement préoccupant), la peine de mort (selonAmnesty International, « la peine de mort est inscrite dans la législation du pays, mais les autorités n’ont procédé à aucune exécution depuis au moins dix ans ») et l’emploi des jeunes (en décembre 2016, selon l’OCDE, 8,9 % des jeunes de 15 à 24 ans sont au chômage, contre 3,5 % de la population).
Deux des candidats ont répondu au courrier de la CBCK ; il s’agit des deux candidats catholiques, M. Moon Jae-in, du Parti Minju (Parti démocratique, centre-gauche), le favori des études d’opinion, et Mme Sim Sang-jung, du Parti de la justice. Ils se sont tous deux prononcés en faveur de l’abolition de la peine de mort et, d’une manière générale, leur programme correspond aux enseignements de l’Eglise catholique. La seule exception notable concerne l’avortement : Moon Jae-in ne s’exprime pas clairement, considérant que « ce sujet nécessite une large consultation de la société civile », tandis que Sim Sang-un plaide pour un assouplissement de la législation relative à l’avortement.
Dans un pays où les chrétiens sont surreprésentés en politique relativement à leur poids numérique dans la population (11 % des 50 millions de Sud-Coréens sont catholiques), Mgr Lazzaro You Heung-sik, évêque de Daejeon et président du Comité ‘Justice et Paix’, a déclaré à l’agence Ucanews regretter que « trois des candidats n’aient pas répondu aux sollicitations [de la CBCK] », arguant que « les électeurs devraient prendre leur décision en fonction des programmes des candidats ». La CBCK a donc étudié attentivement les programmes de Hong Jun-pyo (Parti de la liberté de Corée), d’Ahn Cheol-soo (Parti du peuple) et de Yoo Seong-min (Parti Bareun) pour élaborer son rapport.
Un contexte politique particulièrement difficile
La campagne électorale s’inscrit dans un contexte politique particulièrement difficile. En effet, le calendrier électoral a été profondément bouleversé par la retentissante destitution pour corruption de la présidente Park Geun-hye le 10 mars dernier par la Cour constitutionnelle. La décision des juges, prise à l’unanimité, et qui entérinait la décision de l’Assemble nationale du 9 décembre dernier, avait provoqué l’organisation sous 60 jours d’élections présidentielles anticipées (celles-ci étaient censée se dérouler le 20 décembre 2017) et la levée de l’immunité dont bénéficiait la présidente Park. Placée en détention provisoire le 30 mars puis mise en examen le 17 avril, Park est le troisième ancien chef d’Etat sud-coréen à avoir été arrêté dans une affaire de corruption.
En outre, les débats télévisés se déroulent dans une atmosphère « désagréable » selon la presse coréenne. En effet, alors que le débat de hier soir, dimanche, devait être consacré aux réformes politiques, à la sécurité nationale et à la politique étrangère, « les candidats se sont concentrés sur les affaires politiciennes ».
Deux autres débats, consacrés aux questions économiques et sociales, sont prévus d’ici au 8 mai, date à laquelle la campagne prendra fin. Les élections se dérouleront le 9 mai et le président sera désigné au suffrage universel direct pour un mandat unique de cinq ans dans le cadre d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Moon Jae-in, candidat du Parti démocratique, est pour l’instant en tête dans les sondages. Il avait perdu les élections face à Park Geun-hye en décembre 2012.
Source : Eglises d’Asie