Les traductions liturgiques n’en finissent pas de poser problème. Délicate par essence, une traduction est toujours une trahison. Quant il s’agit du contenu de la foi la trahison peut s’avérer dramatique. Aux impératifs linguistiques, s’ajoutent les nécessités pastorales et les ambiguités propres à chaque culture. Ainsi est-il difficile d’avoir une traduction francophone uniforme, tant certains mots au Québec seraient insultants dans le contexte liturgique.
Quand il faut encore prendre l’œcuménisme en considération, s’ajoute une difficulté autrement plus théologique où la trahison peut devenir contre productive. En gommant les différences, on peut en effet en venir à renoncer à la vérité.
Le Credo, comme le Pater, sont donc deux “textes” au contenu hautement sensible et disons-le fortement clivant puisqu’ils sont la quintessence de notre foi.
La traduction du Notre Père pose, depuis le début, en France de graves problèmes que l’habitude a fini par faire oublier. Elle pose pourtant la question de notre relation au Mal, comme au mal et particulièrement celle de la place respective de Dieu et du démon. Épreuve, tentation, libre arbitre c’est bien cela qui se cache derrière Ne nos inducas in tetationem.
C’est aussi ce que rappelle la commission de laïcs Vox populi au sujet de la nouvelle traduction néerlando-falamande.
Le 27 novembre 2016 une « nouvelle traduction néerlando-flamande commune » du Pater entrera en vigueur. Vox Populi, une commission de laïcs catholiques qui fait partie du Forum Laïc Catholique Romain ASBL, oppose de sérieuses objections à cette nouvelle traduction du Pater. Elle se demande si cela est le « problème » le plus urgent auquel l’Église doit actuellement faire face. Et pourquoi cette « réforme » serait-elle nécessaire ? Il n’y a aucune raison d’ordre pastoral exigeant l’imposition d’une « nouvelle traduction néerlando-flamande » du Pater. Cette initiative des évêques flamands et néerlandais ne fera qu’intensifier la confusion au sein de l’Église et, partant, augmenter la crise religieuse. La plus grande pierre d’achoppement est la nouvelle imploration « et ne nous soumets pas à l’épreuve » qui doit remplacer « et ne nous soumets pas à la tentation ». Le mot grec « peirasmos » se laisse aussi bien traduire par « épreuve » que par « tentation ». Mais dans le contexte du Pater, il est impossible de traduire « peirasmos » par « épreuve ». Dans le contexte du Pater, le Catéchisme de l’Église catholique fait, lui aussi, une distinction explicite entre « tentation » (= tentatio) et « épreuve » (= probatio). « Et ne nous soumets pas à la tentation » est dès lors la seule traduction correcte. On dirait que les évêques néerlandais et flamands ont agi à dessein en altérant la prière que Jésus Lui-même nous a apprise. Cette nouvelle « traduction » néerlando-flamande du Pater cache de sérieux problèmes linguistiques, théologiques, pastoraux et doctrinaires. En réalité, nous ne sommes pas confrontés ici à une « traduction » plus moderne ou meilleure, mais plutôt à une nouvelle interprétation idéologique du texte. Vox Populi appelle donc les Conférences épiscopales de Belgique et des Pays-Bas à renoncer à cette expérience néfaste dont le Pater fait l’objet.