On dit en France qu’Alep est tombée. Qu’en pensez-vous?
Sérieusement, je ne sais pas où les Français sont allés chercher cette expression ! Alep était tombée entre les mains des djihadistes d’Al Nosra et elle vient d’être libérée, au contraire. Nous, Aleppins, nous considérons qu’Alep a été libérée de ces étrangers islamistes qui étaient venus nous apporter la violence, alors que nous vivions dans l’amitié et la fraternité. Que voulez-vous que nous disions d’autre, alors que nous ne recevons plus d’obus, que nous pouvons à nouveau dormir la nuit, que nous ne vivons pas chaque seconde dans la peur de perdre un être cher…
Évidemment que nous sommes soulagés!
Ceux qui parlent ainsi n’ont pas dû bien comprendre quel était le quotidien d’Alep depuis que ces terroristes ont investi les quartiers Est de la ville.
Qu’avez-vous à dire aux civils qui reviennent aujourd’hui des quartiers Est de la ville ?
Ils sont les bienvenus à l’ouest, le temps que leurs maisons soient remises en ordre. Ils ont beaucoup souffert et je les plains, notamment parce que beaucoup ont été pris en otages par ceux que vous appelez des “rebelles” et qui les ont privés de tout. Ils ont manqué de pain, de soins, de médicaments, d’école, d’affection… Qu’ils viennent ici et je suis certain que nous tous qui vivons dans cette partie de notre ville – qui est autant la leur que la nôtre évidemment –, les accueillerons volontiers. Ils obtiendront tout ce dont ils ont manqué.
Quelle est votre mission désormais ?
Vouloir sans fin et concrètement la réconciliation, consoler les mamans qui ont perdu des enfants, les enfants qui ont perdu leurs parents, les hommes qui ont perdu leur femme…
Consoler ce peuple qui a tant souffert, ces quatre dernières années à Alep, et encourager la reconstruction. Nous n’avons pas seulement des maisons à reconstruire, nous avons aussi des cœurs… Ce sera difficile mais je connais les Aleppins et nous y arriverons.
Beaucoup d’Aleppins ont quitté la ville pendant cette guerre. Qu’avez-vous à leur dire ?
Vous nous manquez! Sincèrement, Alep a besoin maintenant de tous ses enfants pour retrouver son visage dont nous sommes si fiers. À tous les Aleppins, je demande de laisser parler leur cœur, leur amour de la Patrie et de penser à revenir, si c’est possible. Pour ceux qui peuvent le faire, qu’ils le fassent ; nous saurons les accueillir ! Pour ceux qui n’auraient pas les moyens financiers, nous sommes prêts à les aider.
Je vais rapidement mettre en place un projet d’aide au retour de nos fidèles. Je suis prêt à faire un effort pour faciliter le voyage et l’installation, sans que le coût de l’avion ou du logement soit un obstacle. Nous ne pourrons pas retrouver la grandeur d’Alep si nous n’y travaillons pas tous ensemble.
Mgr Jean-Clément Jeanbart, archevêque grec-melkite d’Alep
Source Christianophobie Hebdo
Abonnez-vous et recevez les 4 premiers numéros gratuitement