Les XXXII bienheureuses religieuses martyres d’Orange

Les XXXII bienheureuses religieuses martyres d’Orange

Lorsque notre Seigneur Jésus-Christ veut mettre en évidence que le Seigneur n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants, il précise « en effet, tous vivent pour lui ». Vivre pour lui ! Voilà une belle expression de ce qu’est la vie du chrétien appelé à la sainteté. C’est le témoignage même de la vie des bienheureux et des saints que l’Eglise nous donne en exemple.

Je voudrais, dans les mois à venir, vous parler et vous faire découvrir des personnes qui ont compté et comptent dans ma vie de chrétien et dans ma vocation de prêtre. Il s’agit des 32 bienheureuses martyres d’Orange. Dans leurs vies de femmes, de chrétiennes, de religieuses, que ce soit en famille, au couvent, en prison et même jusqu’au martyre, elles ont vécu pour Dieu, vivantes pour Lui.

Toutes ces femmes sont nées et ont vécu dans une société où la foi chrétienne marque et rythme la vie quotidienne, familiale, culturelle et sociale. Ces femmes, issues de la noblesse, de la bourgeoisie ou du peuple, ont vécu la foi chrétienne sereinement dans leur famille et la société. Baptisées, elles ont reçu l’éducation humaine et chrétienne de n’importe quelle autre personne de leur temps. C’est cela qui les a conduit à vouloir consacrer leur vie à Dieu, à choisir, par amour, de vivre tout à Lui.

Et cependant, contre toute attente, en cette fin du XVIII°s survient la Révolution française qui bouleverse tout. En quelques années, de 1789 à 1793, les vœux religieux sont suspendus puis interdits, les religieux expulsés de leurs maisons et l’habit religieux interdit. La paroxysme de cette persécution est entre octobre 1793 et août 1794 : « tous les signes religieux doivent être éliminés ». Bien de nos églises, notre patrimoine même, gardent la marque de ces persécutions. Avec la loi sur les suspects de 1793, il suffit, finalement, d’être ou d’avoir été religieux pour être suspect.

Entre le 19 juin et le 26 juillet 1794, la Commission populaire d’Orange, envoie à l’échafaud 332 personnes, dont ces 32 religieuses béatifiées le 10 mai 1925. La plus jeune d’entre-elles était entrée au monastère du Saint-Sacrement de Bollène en 1788. Elle avait 18 ans. Pouvait-elle imaginer, à ce moment-là, que vivre pour Dieu, impliquerait d’aller jusqu’au martyr ? Ces religieuses venaient de différentes congrégations et communautés : 1 bénédictine de l’abbaye de Caderousse, 2 cisterciens de l’abbaye d’Avignon, 13 sacramentines du Monastère de Bollène, 16 ursulines des couvents de Bollène, Carpentras, Pont-Saint-Esprit et Sisteron.

La manière qu’elles ont eu de vivre ces événements est un véritable témoignage et un encouragement pour nous. Alors que tout semblait s’effondrer autour d’elles, face à la violence, à l’intolérance, au fanatisme, elles ont su continuer à vivre pour Dieu, avec joie, constance et amour.

La bienheureuse Marie-Rose

La bienheureuse sœur Marie-Rose est née Suzanne Agathe DELOYE le 4 février 1741 à Sérignan. Elle était moniale du monastère bénédictin de Notre-Dame de l’Assomption de Caderousse depuis 1760. A la fermeture du monastère en septembre 1792, elle rejoignit sa famille à Sérignan, jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée le 10 mai 1794. Elle y poursuivit sa vie simple et discrète « selon l’esprit de sa consécration religieuse malgré les contraintes imposées par les circonstances ».

Alors que sa tante l’ayant visité un vendredi à la prison et lui ayant apporté un bouillon gras, elle déclara : « Ma tante, toute ma vie j’ai fait maigre le vendredi ; ce n’est pas la veille de ma mort que je me permettrai de manquer à l’abstinence ». C’est la même qui écrivait et exhortait un neveu en 1788, en lui disant de s’appliquer à ses devoirs de chrétien, en effet, lui disait-elle : « par là tu seras heureux »
Le 5 juillet elle était condamnée, avec 13 autres accusés dont le chanoine Lusignan (coupable d’avoir célébré la messe !). Un témoin rapporte que « leur émulation à tous deux pour mourir en dignes martyrs, fut telle qu’on ne saurait dire si c’est la religieuse qui soutenait le courage du prêtre ou le prêtre qui soutenait celui de la religieuse ».

Son témoignage est celui d’une vie de fidélité simple et constante à son baptême et à sa vie chrétienne ; elle montre aussi combien la vocation consacrée et la vocation sacerdotale ont besoin l’une de l’autre et se soutiennent.

La bienheureuse Iphigénie de Saint-Mathieu

La bienheureuse sœur Iphigénie de Saint-Matthieu Marie du Saint-Sacrement est née Françoise Gabrielle Marie Suzanne de GAILLARD DE LAVARDENE le 23 septembre 1761 à Bollène. Elle fut baptisée le lendemain. Elle était moniale du monastère du couvent du Saint-Sacrement, fondé à Bollène en 1725. Elle avait 17 ans lorsqu’elle prit l’habit en 1779.

L’ordre des moniales du Saint-Sacrement, fondé à Marseille en 1684, par le vénérable père Antoine Le Quieu, dominicain, est voué à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement, selon un esprit résumé dans leur devise « aimer pour ceux qui n’aiment pas, adorer pour ceux qui n’adorent pas, louer pour ceux qui ne louent pas ». Dans le décret d’approbation du pape Innocent XII, il est indiqué qu’elles « ont coutume de prier pour les nécessités de l’Eglise, l’augmentation de la foi catholique, et pour insinuer ou procurer l’amour de Dieu dans le coeru de ceux qui le négligent entièrement ou qui ne se mettent pas en peine d’entretenir ce feu sacré dans leurs âmes ».

A la fermeture du monastère en 1792, plutôt que de rentrer dans sa famille, elle préfèra poursuivre la vie religieuse avec ses compagnes. « notre chère sœur ne s’y montrait pas moisn attachée que ses compagnes les plus exercées, dans les pratiques de la vie monastique. Dans sa captivité comme dans son couvent de bollène, elle égala en ferveur ses compagnes au milieu des exercices spirituels par lesquels elles se préparaient au martyr ».

Elle fut la deuxième religieuse à comparaître devant le tribunal qui comptait sur la fragilité de sa jeunesse, or « elle servit en quelle que sort e de modèle de courage aux autres religieuses qui devaient la suire dans la carrière du martyre ». Lorsqu’on lui demanda si elle voulait prêter le serment de Liberté-Egalité, elle déclara : « Je refuse. J’ai fait serment à Dieu, je ne puis en être déliée par les hommes. D’ailleurs, je ne connais pas de plus glorieuse et plus douce liberté que l’accomplissement de mes vœux monastiques. Le serment que vous me demandez serait une véritable apostasie ».
Elle est condamnée et exécutée le 7 juillet 1794. Sur le chemin qui la conduit à l’échafaud, en arrivant en haut de la rue de Tourre, des témoins ont remarqué qu’elle s’inclina et se signa. La tradition rapporte que l’abbé Boussier – ou l’abbé Queyras – caché dans une maison, donnait l’absolution aux condamnés.
Le témoignage de la Bienheureuse Iphigénie est celui d’une fidélité à la parole donnée, d’un amour tendre et fidèle à la présence de Notre-Seigneur dans son Eucharistie.

La bienheureuse soeur Sainte-Mélanie

La bienheureuse sœur Sainte-Mélanie est née Marie-Anne, Madeleine de GUILHERMIER le 29 juin 1733 à Bollène. Elle fut baptisée le lendemain. Elle est entrée à 16 ans au couvent des Ursulines de Bollène où elle fit profession le 22 juin 1750.

L’ordre des Ursulines fut fondée par sainte Angèle Mérici, reconnues par le pape Paul III. Elles sont établies à Avignon dès 1596, et à Bollène en 1606. Cet ordre est vouée à l’éducation des jeunes filles et au soin des pauvres. La chapelle de leur couvent, à Bollène, est celle de l’hôpital local.
Après leur expulsion du couvent en octobre 1792, elle est arrêtée en avril 1794 au motif de fanatisme, pour n’avoir pas voulu prêter le serment. Elle est transférée à la prison de la Cure, à Orange. Là, les religieuses des différents ordres avaient établi un règlement commun qui leur permettait de continuer à vivre, dans ces circonstances particulières, leur vie religieuse, et en spécialement leur vie de prière, vivant de cœur et d’intention les sacrements. Les religieuses avaient été inspirées en cela par un petit document qui circulait alors, intitulé « Motif de consolation et règles de conduite pour les religieuses », écrit précisément pour aider les religieuses dans ces temps troublés.

Le 9 juillet 1794 elle est condamnée et exécutée avec 8 des 13 accusés. « les différents historiens des martyres signalent tous son courage, la force et la sérénité qu’elle manifesta autant à l’audition de la sentence de condamnation à mort que dans la marche vers la guillotine » (Les Trente-Deux religieuses martyres d’Orange, A. Reyne, D. Bréhier, Aubanel, p.272).

La bienheureuse soeur des Anges

La bienheureuse sœur des Anges est née Marie Anne Marguerite de Rocher le 20 janvier 1755 à Bollène. Elle fut baptisée le lendemain. Elle est entrée à 16 ans au noviciat des Ursulines de Bollène où elle fit profession le 21 septembre 1772.

Au moment de l’expulsion, en 1792, elle se réfugia auprès de son père, âgé de 80 ans. Mais dès qu’elle apprit que plusieurs poursuivaient en clandestinité la vie religieuse, elle décida de les rejoindre après avoir reçu de son père l’avis suivant : « Ma fille, il vous est facile de vous cacher ; mais auparavant examinez bien devant Dieu, si vous ne vous écartes pas de ses desseins adorables sur vous, dans le cas qu’il vous ait destinée pour être une des victimes qui doivent apaiser sa colère, je vous dirai comme Mardochée à Esther : vous n’êtes pas sur le trône pour vous mais pour votre peuple ». C’est toute joyeuse qu’elle rejoignit ses compagnes.

En prison, un temoignage sûr atteste qu’elle s’écria devant la perspective du martyre : « Oh ! C’est trop beau ! Peut-être que ceci ne sera pas vrai ! ». De même, le 9 juillet, au moment du verdict qui la condamnait « la sœur des Anges remercia avec une grande satisfaction ses juges, de ce qu’ils lui procuraient le bonheur d’aller se réunir aux saints anges ».

à suivre…

 

Abbé Bruno Gerthoux

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