Plus de dix mois et demi après la catastrophe écologique qui a ravagé l’environnement maritime des provinces du Centre-Vietnam, une part de la population sinistrée est loin d’être satisfaite et la colère gronde encore dans certaines agglomérations de pêcheurs n’ayant encore reçu aucune indemnisation. C’est le cas pour la paroisse de Song Ngoc, dans le diocèse de Vinh.
A l’appel du curé de la paroisse, le P. Jean-Baptiste Nguyên Dinh Thuc, le 14 février dernier, un groupe de 1.000 personnes issues des diverses communes que rassemble la paroisse avait décidé de se déplacer en cortège jusqu’à la bourgade de Ky Anh, siège du tribunal populaire local, à quelque 150 km de là, pour y déposer une plainte contre le centre industriel taïwanais Formosa, responsable de la catastrophe. Dans l’après-midi, alors que le cortège avait encore une longue route à faire, diverses forces de l’ordre associées ont lancé des attaques très violentes contre les manifestants, en blessant un grand nombre, dont le curé de la paroisse qui conduisait la manifestation. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et détenus.
Au lendemain de cette violente répression subie par un millier de catholiques vietnamiens, le président de la Conférence des évêques catholiques du Vietnam, Mgr Joseph Nguyên Chin Linh, s’est livré à un exercice délicat. Il fallait d’une part justifier la résistance obstinée des catholiques du Centre-Vietnam à l’injustice qu’ils subissent : leur lutte, a-t-il affirmé, n’est pas de nature politique, mais animée par la justice et la paix. Mais en même temps, il devait montrer que le prétendu silence de la Conférence épiscopale sur le sujet était en réalité une discrétion cachant une certaine activité.
“La Conférence épiscopale considère que la catastrophe environnementale est un événement qui doit être pris en considération. A la place qui est la nôtre ou encore lorsque nous avons l’occasion d’échanger avec les autorités de l’Etat, nous disons que la lutte menée par nos compatriotes catholiques n’est pas de nature politique, mais qu’elle est seulement inspirée par la justice et la paix ! (…) on ne peut pas dire que la Conférence soit entièrement silencieuse sur ce sujet. Mais lorsqu’elle fait connaître son opinion, elle doit être mesurée et sage afin de ne pas créer d’incidents regrettables. C’est tout ce que je puis dire en ce moment.“
Les réactions indignées et les condamnations se sont multipliées sur les blogs, sites et journaux électroniques indépendants. Sans surprise, la presse officielle présente une version très différente des événements. Elle attribue l’initiative des heurts aux manifestants et particulièrement au curé de paroisse qui les conduisait. Le 15 février, soit au lendemain des événements, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Vinh a fait paraître un communiqué sans concession. Après avoir soigneusement décrit les faits, la commission accuse directement les hauts fonctionnaires de Sécurité provinciale d’avoir tendu un piège aux manifestants quelque 20 km après le départ du cortège et d’avoir organisé sciemment le tabassage du prêtre et des manifestants. Selon le communiqué, ces hauts responsables étaient présents sur le terrain lors des heurts. La Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse dirigé par Mgr Paul Nguyên Thai Hop condamne la manipulation de la presse officielle par les autorités provinciales qui se servent des médias contrôlés par elles pour diffuser calomnies et descriptions mensongères des faits. Le communiqué affirme enfin que les manifestants ne faisaient qu’exercer un droit qui leur est reconnu par la Constitution, à savoir porter plainte.
Le texte du communiqué a été mis en ligne par Vietcatholic News, le 15 février dernier. La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit le texte du vietnamien en français et l’a mis en ligne sur son site.
Source : Eglises d’Asie