de Cyril Brun :
La vertu pâtit d’une réputation ennuyeuse héritée d’un XIXème siècle plus rigoriste que vertueux. Si la vertu reste plus ou moins inchangée, l’idée de vice elle s’est émoussée. De quoi parlons-nous ? Il n’y a pas de vice ni de vertu absolus. L’un et l’autre sont relatifs à quelque chose qui nous permet de dire que tel comportement est vertueux ou non. Avant d’être un jugement moral (bien ou mal), vice et vertu sont des « habitus », des dispositions tellement habituelles en nous qu’elles forment comme une seconde peau. On agit avec vice ou avec vertu de façon réflexe, sans y penser, par habitude. Il s’agit donc d’un comportement acquis dont il est difficile de se défaire, mais pas impossible. On peut passer du vice à la vertu et vice versa. Alors pourquoi considérer ces habitudes comme des vices ou des vertus ? Parce que nos comportements et nos actes ne sont pas neutres, ils participent à notre épanouissement ou à notre mal-être, à notre destruction. Ainsi, une vertu est-elle un habitus qui nous permet de rejoindre notre plein épanouissement tandis que le vice nous en éloigne, nous entrave. Aussi, pour savoir ce qui est vice, il faut donc savoir ce qui nous épanouit et là chacun peut avoir des idées bien différentes. La véritable question est de savoir si ce que nous croyons comme bon l’est effectivement, autrement dit nos vertu en sont-elles vraiment ? Seule une vision juste de l’Homme permet d’avoir une idée vraie des vices et des vertus.
Du vice à la vertu et vice versa
Si vice et vertu sont des réflexes ils ne l’ont pas toujours été, car dit Aristote « la vertu s’acquiert par répétition d’actes vertueux ». On devient courageux par des actes répétés de courage. Ce peut être plus ou moins long et sur dix actes posés, il y ait alternance de succès et d’échec. Il en va de même de toutes les passions de l’âme. Car vice et vertu ne sont pas d’abord des qualificatifs moraux, mais traduisent l’état de nos passions. Nous avons tous des potentialités dormantes, la peur, l’audace, la force, la colère, la tempérance etc. Ces dispositions, à l’état natif sont neutres, mais elles feront notre personnalité à hauteur de ce que nous les auront travaillées. Ainsi, la peur est une passion dormante en tout être humain. Mais une passion livrée à elle-même elle devient un réflexe négatif (un vice) qui nous empêche d’être pleinement épanouis. Poser des actes vertueux, permet d’éduquer sa peur, de la maîtriser et d’en faire une vertu, une disposition reflexe en vue du bien. De même, un vice s’acquiert par la répétition d’actes vicieux. Peu à peu nous devenons vicieux, non par nature, mais par réflexe. Nous pouvons donc passer de l’un à l’autre en posant des actes contraires. Soit de façon volontaire, pour passer du vice à la vertu. Soit de façon inconsciente à force de se laisser aller. Le vice comme la vertu ne sont donc pas des carcans extérieurs, mais des dispositions intérieures. Mais là où la vertu libère, le vice enferme dans la dépendance.
Source : Cyrano.net