Un nouveau Credo ?

Un nouveau Credo ?

Un fait intéressant est que les trois plus célèbres déclarations de foi du christianisme, le Symbole des Apôtres, le Credo de Nicée et le Symbole d’Athanase ne contiennent aucune doctrine morale. Elles contiennent des doctrines métaphysiques, par exemple la Trinité, l’Incarnation, la Rédemption et ce qui, je suppose, pourrait être appelé des doctrines historico-miraculeuses, par exemple la naissance virginale, la Résurrection, l’Ascension. Mais pas de doctrines morales : rien sur les Dix Commandements, les Béatitudes, les deux grands commandements – l’amour de Dieu, l’amour du prochain.

Est-ce parce que le christianisme primitif n’était pas soucieux de morale ? Loin de là. Les Quatre Evangiles et les autres parties du Nouveau Testament, si nous pouvons les prendre comme indicateurs du christianisme primitif, regorgent de préoccupations morales.

Mais la morale du christianisme primitif était pratiquement non controversée alors que la partie doctrinale du christianisme était hautement sujette à controverses. Les credos ont été élaborés pour tracer une ligne claire entre les croyances orthodoxes et celles qui ne l’étaient pas. L’Eglise disait ainsi : « ceci est ce que nous croyons et cela ce que nous ne croyons pas. Il y a une frontière entre les deux. Si vous êtes de ce côté-ci, vous faites partie de l’Eglise Si vous êtes de ce côté-là, vous êtes hors de l’Eglise ».

Que ce soit cela qui était en jeu est très clair dans le cas du Credo de Nicée, élaboré par le premier Concile Œcuménique tenu à Nicée en 325 et quelque peu modifié lors du Premier Concile de Constantinople en 381. Le but du Credo de Nicée, tout en réaffirmant et clarifiant les doctrines exprimées dans le Symbole des Apôtres, était de tracer une ligne claire entre les dogmes catholiques orthodoxes et les dogmes ariens.

Les Ariens soutenaient que le Fils était très semblable à Dieu le Père – mais pas tout à fait. Le Fils est un grand Dieu pour parler, mais pas égal au plus grand de tous les Dieux, Dieu le Père. Le Fils, qui a créé le monde, a lui même été créé par le Père. Le Fils était la première et la plus grande des créatures, mais il était inférieur au Père et lui était subordonné. Par implication, alors, Jésus, étant l’incarnation humaine du Fils, n’était pas le plus grand Dieu.

Le Concile de Nicée ayant clarifié que Jésus était à la foi vrai Dieu et vrai homme, restait la grande question de la relation entre la divinité de Jésus et son humanité. Des conciles ultérieurs traitèrent de cette question épineuse, rejetant la solution monophysite (Jésus était une personne avec une unique nature divine) et la solution nestorienne (Jésus est deux personnes, l’une humaine, l’autre divine) pour établir finalement la solution catholique orthodoxe (Jésus a deux natures, humaine et divine, pourtant il est une personne unique, divine).

En ces jours-là, l’Eglise n’était que vaguement organisée. L’évêque de Rome (le pape) était généralement reconnu comme étant le premier des évêques de l’Eglise, mais il ne possédait pas l’autorité administrative suprême ; il ne pouvait pas, par exemple, nommer et déposer des évêques en Egypte, en Grèce et en Syrie. De ce fait, l’Eglise ne faisait pas un tout parce que répondant à une administration centrale. Elle faisait un tout essentiellement grâce à un consensus doctrinal.

Et donc il était important de trouver les justes formulations de la doctrine. Chaque fois que surgissait un désaccord doctrinal, ce désaccord menaçait de détruire l’unité de l’Eglise. Il devenait important de rassembler les évêques en un concile œcuménique de plus qui réaffirmerait la doctrine catholique orthodoxe.

Les résultats furent mitigés. D’un côté, l’orthodoxie est devenue de plus en plus précisément définie. De l’autre, toutes les parties du monde chrétien n’ont pas obéi aux préceptes doctrinaux des conciles œcuméniques. En conséquence, la chrétienté, idéalement unifiée, s’est scindée en plusieurs grands segments : le segment catholique orthodoxe, le segment arien, le segment monophysite, le segment nestorien.

Par la suite, au 11e siècle, le segment catholique orthodoxe s’est scindé en deux. Ensuite, le segment catholique s’est scindé en catholiques et protestants. Et, finalement, le segment protestant s’est scindé en une multitude de sous-segments.

Mais au cours de ces nombreux siècles et de ces nombreuses divisions et subdivisions, il n’y a pas eu de désaccords notables en ce qui concerne les problèmes moraux. Tous les chrétiens, à quelques minimes exceptions près, étaient d’accord sur l’importance des Dix Commandements (même s’ils n’étaient pas d’accord sur leur numérotation), sur les Béatitudes, sur les deux grands commandements (l’amour de Dieu, l’amour du prochain) et ils étaient d’accord que l’idéal de la vie chrétienne était une vie menée en imitation du Christ.

Et ils étaient également d’accord que les règles de morale étaient établies par Dieu et de ce fait immuables ; elles n’étaient pas faites de main d’homme et par là amendables, quand il nous arrive de penser à quelque chose nous semblant meilleur.

Je ne suis pas en train de dire que tous les chrétiens vivaient en accord avec leurs convictions morales chrétiennes. Loin de là. Mais au minimum ils soutenaient ces convictions, peu importe la fréquence avec laquelle ils les violaient. Par exemple, les chrétiens adultères ne niaient pas la gravité du péché d’adultère. Pas plus que les politiciens chrétiens corrompus ne niaient que la corruption soit une mauvaise chose. Non, en ce qui concerne l’adultère et la corruption, ils faisaient des exceptions spéciales en leur faveur.

Cependant, tout cela a changé de nos jours, un changement qui a commencé au 20e siècle. De nos jours, de nombreux chrétiens, y compris beaucoup de catholiques, soutiennent que de nombreux antiques péchés chrétiens – incluant par exemple la fornication, l’adultère, l’avortement, l’homosexualité, le suicide et l’euthanasie – ne sont plus peccamineux.

Avons-nous alors besoin d’un nouveau Credo, un Credo moral qui tracerait une ligne claire entre la vraie morale chrétienne et la morale chrétienne factice qui a infecté la majeure partie du monde protestant et commence à infecter le monde catholique ? Je dis catégoriquement oui.

Et, de ce fait, avons-nous besoin d’un nouveau concile œcuménique qui rédigerait ce credo moral ? Non, car je crains que les évêques mettant la pédale douce sur l’orthodoxie, tout spécialement les évêques allemands, pourraient dominer un tel concile.

Nous faisons donc face à un double défi : Rome devrait d’abord se montrer vigilante en nommant toute une nouvelle génération d’évêques réellement et fidèlement catholiques dans leur vision de la foi et de la morale. Et ces évêques devront avoir le courage de s’opposer de front à notre culture, qui inclut à ce jour de nombreux « chrétiens » auto-proclamés.

Réalisable ? Prions pour que cela le soit.

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David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island.

 

Source France Catholique

illustration : « le Premier Concile de Nicée » par Giovanni Speranza, vers 1520 [bibliothèque du Vatican]

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