La question œcuménique est une des pierres d’achoppement entre catholiques et bien entendu entre chrétiens. Elle divise, oppose, crispe deux attitudes exacerbées depuis Vatican II. Il faut dire qu’on ne sait plus trop ce que le mot veut dire et qu’il existe un « pseudo Vatican II » qui fait dire au Concile bien des choses qui n’y sont pas, mais qui sert d’écran justificateur à un certain progressisme catholique. De même, il existe un autre « pseudo Vatican II » qui sert de repoussoir anti catholique. Bref, même si le Concile peut être critiqué dans certains documents qui n’engagent pas l’autorité de l’Église, encore faut-il le connaître pour en parler. L’œcuménisme fait partie de ces récupérations en tout genre dont le Concile pâtit encore.
Œcuménique signifie à l’origine, l’ensemble de la terre habitée. Un concile œcuménique des premiers siècles traduit la réunion de tous les évêques de la terre connue. Il ne s’agit nullement de rassembler des Églises éclatées théologiquement. Bien au contraire, ces conciles visaient à se mettre d’accord sur les propositions de foi reconnues par tous, dans la communion des évêques. C’est le sens actuel de la « Communion des Eglises orthodoxes » reconnaissant les 7 premiers conciles œcuméniques.
Aujourd’hui, œcuménisme a pris un tout autre sens. Il s’agit d’une volonté ou d’un processus de rapprochement entre Églises déchirées soit par le schisme, soit par l’Hérésie. Intention hautement louable et parfaitement conforme à la volonté du Christ « que tous soient un ». Malheureusement cette démarche, normale pour un chrétien, prend un chemin de traverse fort dommageable, puisqu’il cherche à faire l’unité en gommant les différences. Ce qui est recherché n’est pas l’unité, mais l’union, voire la fusion sur la base du plus petit dénominateur commun. Si c’est en effet un point de départ nécessaire pour avancer, c’est aussi une voie rapidement sans issue qui confine à un syncrétisme dans lequel, chacun faisant un effort, renonce à des pans de sa foi, voire prend de l’autre des éléments qui lui sont contraires. C’est ainsi que nous avons remplacé « ne nous laisse pas succomber à la tentation » par « ne nous soumets pas », bien plus protestant.
L’œcuménisme ne consiste pas à se perdre soi-même, mais à faire rentrer dans la pleine communion ecclésiale ceux qui en sont sortis. C’est le sens de la phrase de saint Cyprien de Carthage « je ne peux quitter l’Église pour aller vers vous ». Évidemment d’un point de vue extérieur et humain, nous pourrions ne voir là que deux têtes de mules refusant de céder. Mais de deux choses l’une, où nous croyons que l’Église est dans la vérité et nous n’avons aucune raison d’en sortir, ou nous pensons qu’elle se trompe et nous n’avons aucune raison d’y rester. Recomposer une Église œcuménique qui serait la somme de toutes les Églises, aplanie de leurs différences, serait ni plus ni moins qu’une nouvelle hérésie. Ce ne serait pas l’Église du Christ, mais une énième rupture. Dans la démarche œcuménique il est important de comprendre pourquoi et en quoi les autres chrétiens se sont éloignés, car en toute position il y a, comme le soulignait saint Thomas d’Aquin, des semina verbi, semences de vérité. C’est une chose de rechercher ce qui unit, c’en est une autre de repartir de ce qui nous sépare. Telle fut toute l’œuvre de saint François de Sales en Chablais.
La générosité des mouvements et initiatives paroissiales ou diocésaines qui visent à « effacer nos différences » n’est en rien de l’œcuménisme, mais un nouveau syncrétisme qui défigure un peu plus le visage du Christ. Le seul document qui fasse aujourd’hui référence en la matière est l’encyclique ut unum sint de Jean-Paul II, ainsi que la note du cardinal Ratzinger, Dominus Jesus, sur « l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Église. Une note qui fit couler beaucoup d’encre à l’époque.