Sœur Samia vit dans un petit village Syrien et s’occupe de deux écoles maternelle et primaire.
Vous vivez dans un petit village de Syrie. Quelle est votre mission ?
L’enseignement et la prière – une mission bien peu originale pour des religieuses ! Mais une mission essentielle, a fortiori pendant la guerre. Les enfants que nous recevons ont déjà cinq ans de guerre derrière eux et peu se souviennent de ce qu’est un pays en paix. La guerre engendre des inquiétudes et des traumatismes qu’il est parfois réellement difficile de comprendre ou déceler, mais il est absolument essentiel de continuer à former cette jeunesse qui sera la Syrie de demain. Il est hors de question de laisser le pays filer entre les mains de ceux qui réclament aujourd’hui la charia. Nous ferons tout ce qui relève de notre responsabilité pour que la génération qui foule les bancs de notre école soit prête à s’imposer pour l’avenir de notre pays. Nous essayons d’adoucir un quotidien bien morose et parfois baigné d’inquiétude. Nous transmettons ce qu’ils sont en âge d’apprendre, et nous prions avec eux le Dieu qui sauve, le Seul qui donne l’espérance et la force nécessaire pour continuer à vivre.
Mais vous ne vous sentez jamais abandonnés par Dieu ?
C’est une question d’Occidental ! Nous nous sommes sentis abandonnés par beaucoup de gens, mais pas par Dieu. Parfois, nous avons du mal à comprendre son silence, mais nous savons qu’Il est là et que Lui seul donne la force. Vous savez, ici, lorsque quelque chose d’atroce est commis par des hommes – parce que c’est bien le cas –, nous nous tournons vers Dieu pour qu’Il éclaire la liberté de ces hommes et nous donne la force, à nous. Vous, vous imputez la liberté des hommes à Dieu, et vous ne vous souvenez de Lui que lorsque quelque chose ne va pas… Ici, les choses sont bien différentes. Je ne dis pas que c’est facile, nous avons parfois du mal à prier et encore plus à pardonner, mais nous n’en voulons pas à Dieu. Non, Il ne mérite pas notre colère.
Vous dites que Dieu est une force, mais concrètement, beaucoup de Syriens souffrent le martyre…
Bien sûr, et je ne cherche pas à relativiser la souffrance de tous ces Syriens qui subissent une guerre qu’ils n’ont pas voulue et encore moins méritée. Bien sûr que le quotidien est parfois insupportable et que la prière n’allège pas les manques matériels ou les besoins primaires… Et c’est pourquoi l’Église essaie de son mieux d’être auprès de ses fidèles pour s’assurer que la vie est tout simplement possible. Nous essayons de prendre les enfants en charge autant que possible, afin de décharger les parents, mais également de les rassurer: l’une des plus grandes inquiétudes des parents reste l’absence d’éducation pour leurs enfants, et donc l’absence d’avenir. Il est d’ailleurs beau de voir que les parents restent assez facilement lorsqu’ils savent que leurs enfants sont pris en charge.
Qu’espérez-vous désormais ?
La paix, et vos prières.
Source : christianophobiehebdo.fr