Le 7 juillet 2017, les catholiques du monde entier fêtent le dixième anniversaire du Motu proprio Summorum Pontificum. Ce texte du pape Benoît XVI a rappelé le statut du Missel romain promulgué par Sainte Pie V, dans la révision approuvée par le pape Jean XXIII. Ce missel est, en effet, qualifié d’“expression extraordinaire” de la lex orandi. Derrière la lourdeur de l’expression, c’est bien un changement de perspective relatif au statut du missel tridentin qui avait été adopté au niveau romain.
Autrement dit, l’usage du missel tridentin n’est plus une concession, mais constitue, au contraire, un droit propre. Le prêtre peut donc utiliser sans restriction, ni autorisation le missel traditionnel dans sa messe privée. En présence de fidèles, la célébration est donc possible, mais sous la réserve d’un “groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure”. Malgré cette précaution oratoire et prudentielle, le missel tridentin était juridiquement délivré de tout régime d’autorisation préalable. Dans la question liturgique, ce texte constitue bien avancée majeure et ce, malgré les réticences – parfois officielles – ou les oppositions pas toujours éteintes.
Ainsi, il était mis fin à une ambiguïté considérant comme abrogé l’usage du rite tridentin. Partagée par un certain nombre de prélats – et même par le pape Paul VI au cours des années 1970-, cette optique avait abouti à interdire ou à soumettre à restriction l’usage du missel traditionnel. C’est, en effet, la perspective qui a prévalu jusque dans les années 2000.
Cependant, une certaine insatisfaction vis-à-vis de la réforme liturgique et le développement de communautés rattachées à la Fraternité Saint-Pie X, puis de communautés rattachées à Rome (les communautés Ecclesia Dei) devait aboutir à la nécessité de mieux prendre en compte le rite tridentin. En 1984, la lettre de Congrégation pour le Culte divin Quattuor abhinc annos permit aux évêques de concéder la célébration du missel tridentin dans l’édition de 1962 (c’est le régime de l’indult, dont le terme devint particulièrement péjoratif dans les polémiques). En 1988, le pape Jean-Paul II incita, dans le Motu proprio Ecclesia Dei afflicta, à “une application large et généreuse des directives données en leur temps par le Siège apostolique pour l’usage du missel romain selon l’édition typique de 1962”. La difficulté est que cette optique restrictive à l’égard du missel tridentin n’était pas complètement levée dans la mesure où l’on renvoyait aux conditions posées par la lettre du Quatter abbhinc annos du 3 octobre 1984. Entre-temps, dans ses discussions avec Rome, la Fraternité Saint-Pie X posa comme préalable la possibilité de célébrer librement le missel traditionnel.
Parce qu’il avait participé aux discussions avec la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) et aussi parce que la question lui tenait à cœur, le pape Benoît XVI remis sur la table le “dossier”. Outre le souhait de mettre fin à la situation délicate de la FSSPX, le pape souhaitait aussi faciliter le dénouement de la crise liturgique. Sans rejeter la réforme liturgique et les révisions successives du missel romain qui ont eu lieu depuis 1969, Benoît XVI entendait redonner au missel traditionnel une meilleure place pour mettre fin au régime d’autorisation préalable, frustrant et générateur de tension. Soucieux de dépasser une certaine dialectique, le pape Benoît XVI préféra parler des deux expressions de la lex orandi “Ces deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.”
Désormais, de manière plus familière, on parle de “forme ordinaire” et de “forme extraordinaire” du rite romain. Certes, la crise liturgique n’est pas terminée et les hostilités à l’égard du missel traditionnel restent présentes. L’incompréhension à l’égard d’un important document papal demeure. On peut ainsi déplorer les oppositions mesquines et les verrouillages qui prévalent dans certains diocèses et paroisses. Mais avec le recul, Summorum Pontificum pourra néanmoins être vu comme un pas dans le désir de dépasser ce conflit malsain pour la prière publique de l’Église.