La Fédération des Médecins Suisses (FMH – Foederatio Medicorum Helveticorum) est appelée à se prononcer le 25 octobre prochain sur l’assouplissement des conditions du suicide assisté. L’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) vient en effet de rédiger de nouvelles directives : il n’y aurait plus besoin d’être en phase terminale d’une maladie mortelle à court terme, mais seulement de faire preuve de « souffrances intolérables ».
De façon générale, chaque fois que l’ASSM rédige de nouvelles directives, la FMH les reprend systématiquement dans son code de déontologie. Mais cette fois, la direction de la fédération s’est opposée à ces nouveaux principes, jugés « trop flous », et « une poignée de professionnels de la santé et éthiciens lui ont depuis emboîté le pas et appellent la Chambre des médecins à dire non le 25 octobre ».
L’ASSM explique cette révision par « un changement de perception dans la société quant à l’attitude des médecins face à la mort. De plus en plus de personnes expriment le besoin de décider en toute autonomie de la dernière phase de leur vie ». De fait, des associations comme Exit ne considèrent plus le critère de proximité de la mort depuis longtemps. François Gachoud, écrivain et philosophe, juge les directives de l’ASSM « hautement discutables », car justement, elles « emboîtent clairement le pas » aux organisations d’aide au suicide et contribuent à une « banalisation du suicide ». Il critique le glissement de critères « objectifs » – maladie incurable – vers des critères « subjectifs » – souffrance du patient. Comment définir une « souffrance insupportable » ? Il explique que « selon cette logique, n’importe qui peut être candidat à l’aide au suicide : une personne âgée fatiguée de la vie, un adolescent dépressif, voire un enfant. Car l’ASSM précise que ses directives s’appliquent également aux enfants et adolescents de tous âges ».
Bertrand Kiefer, rédacteur en chef de la Revue médicale suisse, s’inquiète du malaise des professionnels de santé depuis la parution de ces nouvelles directives : « Cette approche pousse le médecin à considérer la demande de suicide médicalement assisté comme une commande – comment oser résister au sacro-saint principe d’autonomie ? ». Bernhard Pestalozzi, du Service d’oncologie de l’Hôpital universitaire, est aussi sceptique : « On accorde trop de place à la volonté individuelle, au détriment de l’objectivité d’un diagnostic médical. Avec le risque, au final, de laisser les malades livrés à eux-mêmes. Face à la mort, nous devons amener davantage d’humanité, pas plus de solitude ».
La définition que l’ASSM fait de la souffrance pose elle-même problème. Elle inclut, au-delà des symptômes physiques, « les limitations dans le quotidien et dans les relations sociales, les pertes ainsi que les sensations de désespoir et d’inutilité ». François Pilet, un médecin généraliste qui appelle au rejet de ces directives le 25 octobre, craint qu’on aille vers la légalisation du suicide des personnes « fatiguées de vivre » : « Dans mon cabinet, j’entends tous les jours des personnes âgées dire qu’elles ne devraient plus être là. Leur but n’est pas forcément de mourir. Parfois, c’est une manière d’appeler à l’aide. Si notre société répond au sentiment d’inutilité par l’aide au suicide, alors c’est inacceptable ».
Source : genethique.org