1. “Déchirez votre coeur, et non vos vêtements, revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié” (Jl 2, 13).
Avec ces paroles du prophète Joël, la liturgie d’aujourd’hui nous introduit dans le Carême. Elle nous indique dans la conversion du coeur la dimension fondamentale du temps de grâce particulier que nous nous apprêtons à vivre. Elle suggère également la motivation profonde qui nous rend capables de nous remettre en chemin vers Dieu: c’est la conscience renouvelée que le Seigneur est miséricordieux et que chaque homme est un fils aimé par Lui et appelé à la conversion.
Avec une grande richesse symbolique, le texte prophétique qui vient d’être proclamé rappelle que l’engagement spirituel doit être traduit en choix et en gestes concrets, que l’authentique conversion ne doit pas se réduire à des formes extérieures ou à de vagues propositions, mais qu’elle exige la participation et la transformation de l’existence tout entière.
L’exhortation “revenez à Yahvé votre Dieu” implique le détachement de ce qui nous retient loin de Lui. Ce détachement constitue le point de départ nécessaire pour renouer avec Dieu l’alliance brisée à cause du péché.
2. “Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu” (2 Co 5, 20). L’invitation pressante à la réconciliation avec Dieu est présente également dans le passage de la seconde Epître aux Corinthiens que nous venons d’écouter.
La référence au Christ, placé au centre du récit, suggère qu’en Lui, la possibilité est donnée au pécheur d’une authentique réconciliation. En effet, “Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu” (2 Co 5, 21). Seul le Christ peut transformer la situation de péché en situation de grâce. Lui seul peut transformer en “moment favorable” les temps d’une humanité submergée et bouleversée par le péché, ravagée par les divisions et par la haine. “Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine […] pour faire la paix et les réconcilier avec Dieu tous deux en un seul Corps, par la Croix” (Ep 2, 14.16a).
C’est aujourd’hui le moment favorable! Un moment qui nous est offert à nous aussi, qui entreprenons aujourd’hui avec un esprit de pénitence l’austère itinéraire quadragésimal.
3. “Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les pleurs et les cris de deuil” (Jl 2, 12).
La liturgie du Mercredi des Cendres, dans la bouche du prophète Joël, exhorte à la conversion personnes âgées, femmes et hommes adultes, jeunes, enfants. Nous devons tous demander pardon au Seigneur pour nous et pour les autres (cf. Ibid. 2, 16-17).
Très chers frères et soeurs, suivant la tradition des stations du Carême, nous sommes réunis aujourd’hui ici, dans l’antique Basilique Sainte-Sabine, pour répondre à cet appel urgent. Nous aussi, comme les contemporains du prophète, avons devant les yeux et portons gravées dans l’âme les images de souffrances et de tragédies inhumaines, qui sont souvent le fruit d’égoïsmes irresponsables. Nous aussi ressentons le poids de l’égarement de tant d’hommes et de femmes face à la douleur des innocents et aux contradictions de l’humanité d’aujourd’hui. Nous avons besoin de l’aide du Seigneur pour retrouver notre confiance et la joie de vivre. Nous devons retourner à Lui, qui nous ouvre aujourd’hui la porte de son coeur, riche de bonté et de miséricorde.
4. Au centre de l’attention de la célébration liturgique d’aujourd’hui, il y a un geste symbolique, illustré à juste titre par les paroles qui l’accompagnent. Il s’agit de l’imposition des cendres, dont la signification, qui évoque fortement la condition humaine, est soulignée par la première formule prévue par le rite: “Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière” (Gn 3, 19). Ces paroles, tirées du Livre de la Genèse, rappellent la caducité de l’existence et invitent à considérer la vanité de chaque projet terrestre, lorsque l’homme ne fonde pas son expérience sur le Seigneur. La seconde formule que le rite prévoit: “Convertissez-vous et croyez à l’Evangile” (Mc 1, 15), indique la condition indispensable pour se mettre en chemin sur la voie de la vie chrétienne: il faut pour cela un réel changement intérieur et l’adhésion confiante à la parole du Christ.
La liturgie d’aujourd’hui peut donc être considérée dans une certaine mesure comme une “liturgie de mort”, qui renvoie au Vendredi Saint, au cours duquel le rite d’aujourd’hui trouve son plein accomplissement. C’est en effet dans Celui qui “s’humilia plus encore obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix” (Ph 2, 8), que nous aussi, devons nous anéantir nous-mêmes pour renaître à la vie éternelle.
5. Ecoutons l’invitation que le Seigneur nous adresse à travers les gestes et les paroles, intenses et austères, de la liturgie de ce Mercredi des Cendres! Nous l’accueillons avec l’attitude humble et confiante, que nous propose le Psalmiste: “Contre toi, toi seul j’ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l’ai fait”. Et encore: “Dieu, crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme…” (cf. Ps 50).
Que le temps de Carême soit pour tous une expérience renouvelée de conversion et de profonde réconciliation avec Dieu, avec nous-mêmes et avec nos frères. Que nous l’obtienne la Vierge des Douleurs que, le long de l’itinéraire quadragésimal, nous contemplons unie à la souffrance et à la passion rédemptrice du Fils.
Source: Vatican