Tout en respectant la charte de Venise, le projet ne consiste pas à reconstruire une flèche à Saint–Denis, mais bien à remonter la flèche ancienne de la basilique
Ce remontage devrait commencer en 2019, même si les préparatifs devraient être visibles dès le printemps.
Construite au début du XIIIe siècle, la flèche de Saint-Denis fut considérée, en son temps, comme un des ouvrages les plus spectaculaires de la région parisienne. Dans la tradition des flèches de pierre romanes, elle achevait la construction du massif occidental de l’abbatiale, entreprise quelques décennies plus tôt par l’abbé Suger. Figurant sur toutes les représentations anciennes de l’abbaye et de la ville, elle fut épargnée par les Guerres de Religion, comme par la Révolution. À la suite des travaux commandés par Napoléon Ier pour remettre en état la basilique, elle fut restaurée par l’architecte François Debret, en 1837-1838.
Façade dénaturée et démontage de la flèche
Au printemps 1846, déstabilisée par les tornades de 1842, 1843 et 1845, la flèche dut être précautionneusement démontée pour permettre la consolidation de la tour qui la portait, et elle devait être remontée par la suite. Cependant, une polémique fut activée par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, qui accusa Debret d’erreurs techniques. Elle entraîna la démission de Debret, et son remplacement par son principal détracteur. Amplifiant la nature des désordres, et affirmant que la façade de la basilique avait été dénaturée, Viollet-le-Duc poursuivit le démontage de la flèche par celui de la tour nord. Il proposa même la démolition complète de la façade et son remplacement par un projet neuf, comportant deux flèches symétriques. Ce dernier projet n’eut pas de suite, et le remontage de la flèche fut abandonné au profit d’autres priorités. Depuis 1847, la façade de la basilique reste donc amputée de sa flèche et de sa tour nord.
Avant cette démolition, les travaux effectués par François Debret avaient été accompagnés de relevés et d’attachements exceptionnellement complets. Ces documents, conservés aux Archives nationales et à la Médiathèque du patrimoine, représentent les ouvrages avec un niveau de détail remarquable. D’autres relevés furent réalisés pendant les opérations de démontage, afin de permettre un remontage aussi fidèle que possible. Ainsi, les façades de la tour et de la flèche sont représentées avec leur appareil de pierre, coté précisément, et tous leurs détails d’exécution. D’autres dessins donnent les élévations intérieures de la tour, celles de l’escalier, des clochetons et du fleuron sommital, le détail des écailles habillant la flèche, et plusieurs coupes indiquent l’implantation exacte de chacun des ouvrages. Les archives précisent même les tirants ou crochets métalliques qui liaisonnaient entre elles les assises de pierre. Ces documents sont complétés par de nombreux croquis, par des photos qui comptent parmi les incunables de la photographie, et par les nombreuses pierres déposées, qui sont encore conservées dans le jardin arrière de la basilique. D’une manière qui peut sembler paradoxale mais qui est bien réelle, la flèche de Saint-Denis est aujourd’hui plus précisément et plus complètement documentée que beaucoup de flèches médiévales qui sont encore en place.
Depuis le milieu du XIXe siècle, il est frappant de constater que tous les ouvrages historiques consacrés à Saint-Denis déplorent la disparition de la tour nord et de la flèche de la basilique, en regrettant qu’elles aient été victimes, l’une et l’autre, d’une médiocre querelle architecturale. L’idée de leur remontage s’est donc imposée peu à peu, au point de devenir un véritable objectif municipal. En 1987, Marcelin Berthelot, maire de Saint-Denis, lança officiellement le projet. En 1991, une étude fut commandée par le Ministère de la Culture à l’architecte Jacques Lavedan, qui conclut aux parfaites possibilités technique et scientifique du remontage de la flèche. Une variante contemporaine fut également envisagée, puis écartée par la Direction du patrimoine. Le projet aujourd’hui engagé se situe donc en toute continuité intellectuelle et la restauration de la façade de la basilique lui a donné une nouvelle légitimité.