Comme tous les ans, le message du Pape François pour la Journée mondiale des communications sociales a été publié ce mardi 23 janvier. Il a pour titre «La vérité vous rendra libres» (Jn 8, 32). Fausses nouvelles et journalisme de paix ». Mgr Dario Edoardo Viganò, préfet du Secrétariat pour la Communication, nous livre une première réflexion sur le texte.
Monseigneur Viganò, depuis que le «Secrétariat de la communication» est opérationnel, c’est le deuxième message du Saint-Père. Ce que les deux textes ont en commun, c’est l’horizon biblique, déjà rappelé par le titre de l’an passé. «N’ayez pas peur, car je suis avec vous» (Is 43, 5), et «La vérité vous rendra libres» (Jn 8, 32), en 2018.
Ce n’est pas un choix aléatoire. En fait, tout le message, même dans ses notes d’actualité, est basé sur une forte racine biblique, tout comme l’an passé. Le Saint-Père, depuis le début du texte, rappelle les épisodes de Caïn et Abel et de la Tour de Babel (Genèse 4: 1-16, 11: 1-9), précisément pour expliquer que lorsque «l’homme suit son égoïsme et son orgueil, il peut également faire un usage déformé de la faculté de communiquer».
Comment pouvons-nous oublier la Lettre aux Hébreux? «À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes.» (Heb, 1: 1-2). Toute l’histoire du salut, c’est-à-dire l’alliance continuellement renouvelée par Dieu fidèle aux personnes souvent infidèles, est un dialogue entremêlé d’appels, d’appels et de bénédictions. Jusqu’à la manifestation de Jésus qui, comme le dit le texte, est la Vérité.
C’est la pierre angulaire du message, sur lequel reposent les réflexions et l’ultime invitation du Pape à «promouvoir un journalisme de paix». «Je suis la vérité» (Jn 14, 6) n’est pas une affirmation conceptuelle ou une connaissance abstraite. En Christ, les deux natures, l’humaine et la divine, ne sont pas confuses mais co-appartiennent dans une unité personnelle. La révélation de Dieu en Christ renferme l’altérité rendant ainsi la vérité marquée par la relation. C’est seulement cela qui libère l’homme: «La vérité vous rendra libres» (Jn 8, 32).
Par conséquent, une forte référence à la qualité des relations qui vient de la trame biblique.
Dans la perspective relationnelle, il est clair combien la communication peut construire et combien elle peut tuer. Caïn et Abel, ainsi que la Tour de Babel en sont la preuve évidente. Pas seulement… Il y a un beau texte de Dostoïevski, que le Saint-Père cite dans le message: «Celui qui se ment à lui-même et écoute ses propres mensonges atteint le point où il ne peut plus distinguer la vérité, soit en lui-même ou autour de soi-même, et commence ainsi à ne plus estimer ni lui-même ni les autres. Puisqu’il n’estime plus personne, il cesse d’aimer, et alors, en l’absence d’amour, de se sentir occupé et de se distraire, il s’abandonne aux passions vulgaires et aux plaisirs, et à cause de ses vices il devient comme une bête; et tout cela vient du mensonge continu, des autres et de soi-même»(Les frères Karamazov, II, 2).
Laissons-nous donc nous interroger sur la qualité de notre relation avec les autres et avec nous-mêmes. «La communication humaine – rappelle le Pape – est un moyen essentiel de vivre la communion». Mais si nos relations sont empoisonnées, quelle communion pourrions-nous jamais vivre?
Pour compliquer les choses, il y a aussi les fausses nouvelles, les soi-disant fake news. Ne sont-elles pas aussi la cause de cet empoisonnement?
Les fake news sont l’un des éléments qui empoisonnent les relations. Ce sont des nouvelles qui apparaissent comme vraies, mais infondées, partielles, voire fausses. Dans les fake news, le problème n’est pas la non-véracité, qui est très évidente, mais la vraisemblance. Dans le message, le Saint-Père en parle abondamment, rappelant la stratégie utilisée par le «serpent astucieux» dont parle le livre de la Genèse, «qui, à l’aube de l’humanité, devint l’auteur des “premières fausses nouvelles”(cf. 3,1-15), qui a conduit aux conséquences tragiques du péché, qui a ensuite pris forme dans le premier fratricide (voir Gen 4) et dans d’autres formes innombrables de mal contre Dieu, le prochain, la société et la création».
Il est difficile de reconnaître des fake news parce qu’elles ont une physionomie mimétique: c’est la dynamique du mal qui se présente toujours comme un bien facilement accessible. L’efficacité dramatique de ce type de contenu consiste précisément à déguiser son propre mensonge, en semblant plausible pour certains, en agissant sur des compétences, des attentes, des préjugés enracinés dans des groupes sociaux plus ou moins importants. Pour cette raison, les fake news sont particulièrement insidieuses, avec une capacité d’adhérence et de retenue remarquable. Aspects aiguisés par le rôle des réseaux sociaux dans l’amorçage et la propagation, qui, combinés avec l’utilisation manipulatrice, finissent par mener à des formes d’intolérance et de haine.
Quel antidote au poison des fake news?
Les fake news, en fait, proviennent des préjugés et de l’incapacité d’écouter. «L’antidote le plus radical au virus du mensonge – écrit le Saint-Père dans le message – est d’être purifié par la vérité». Ce n’est que de cette manière que nous pourrons nous battre, depuis leur ascension, leurs préjugés et leur surdité, qui ne font qu’arrêter toutes les formes de communication, en les enfermant tous dans un cercle vicieux. La capacité d’écoute et donc de dialogue exige une maturité humaine qui favorise l’adaptation à des circonstances différentes et inattendues. La communication n’est pas seulement une transmission de nouvelles: c’est la disponibilité, l’enrichissement mutuel, la relation.
C’est seulement avec un cœur libre et capable d’une écoute attentive et respectueuse que la communication peut construire des ponts, des occasions de paix sans prétention. Tout cela nous exhorte à ne pas abandonner la recherche et la propagation de la vérité, en particulier dans l’éducation des jeunes. Comme le rappelait Paul VI (voir Message 1972: «Les communications sociales au service de la vérité»): «L’homme, et d’autant plus le chrétien, n’abdiquera jamais sa capacité à contribuer à la conquête de la vérité: non seulement celle abstraite ou philosophique, mais aussi celle concrète et quotidienne des événements individuels: si c’était le cas, cela porterait atteinte à sa dignité personnelle».
De quelle manière les journalistes et les institutions peuvent-ils mettre ce message en pratique?
Tout d’abord, je pense qu’il est utile de signaler la responsabilité de la communication au centre du débat. Cette valeur, associée à la liberté d’expression, est capable de faire de la communication elle-même un lieu d’écoute, de dialogue et même de dissension, bien que dans les formes de la dialectique normale de l’interaction. Par conséquent, à partir des exigences de base requises par la déontologie professionnelle, il est nécessaire de reconstruire le contexte afin que les faits rapportés possèdent une lumière authentique sans ombres de demi-vérités ou de similitude.
Dans ce processus, je pense que les citoyens et les institutions doivent trouver de nouvelles formes d’alliances allant de l’école à la politique en passant par les fédérations professionnelles. Sinon, la profession journalistique perdra son identité ainsi que sa crédibilité.