Réflexion sur « Amoris Laetitia » par le père Gerald Murray

Réflexion sur « Amoris Laetitia » par le père Gerald Murray

L’ancienne discipline de l’Eglise catholique sur l’accès à la sainte communion des divorcés catholiques qui se sont remariés civilement et vivent une seconde union adultère ou irrégulière, a été succinctement commentée par Saint Jean Paul II dans Familiaris consortio : « L’Eglise réaffirme sa pratique qui est basée sur l’Ecriture sainte, de ne pas admettre à la communion eucharistique les personnes divorcées qui se sont remariées. On ne peut pas les y admettre du fait que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement cette union d’amour entre le Christ et l’Eglise dont l’Eucharistie est le signe et l’effet. En plus de cela, il y a une autre raison pastorale spéciale : Si on acceptait ces personnes à l’eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et en confusion en ce qui concerne l’enseignement de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage. »

Cette discipline a été réaffirmée en 1994 dans une « lettre aux évêques de l’Eglise catholique à propos de la réception de la Sainte Communion par les fidèles divorcés et remariés, par la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Celle-ci a été spécialement approuvée par Saint Jean Paul II : « En fidélité aux paroles de Jésus Christ, l’Eglise affirme qu’une nouvelle union ne peut pas être reconnue comme valide si le précédent pariage était valide. Si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouveront dans une situation qui est objectivement contraire à la loi de Dieu. En conséquence, ils ne peuvent pas recevoir la sainte communion aussi longtemps que cette situation persiste. »
Le Conseil pontifical pour les textes législatifs a émis une Déclaration en 2000 sur la même question : « En effet, la réception du Corps du Christ quand on est publiquement indigne, constitue un mal objectif pour la communion ecclésiale ; c’est un comportement qui affecte les droits de l’Eglise et de tous les fidèles qui vivent en accord avec les exigences de cette communion. Dans le cas concret d’une admission à la Sainte communion des fidèles qui sont divorcés et remariés, le scandale, compris comme une action qui pousse les autres vers la transgression, affecte en même temps aussi bien le sacrement de l’Eucharistie que l’indissolubilité du mariage. Ce scandale existe même si, malheureusement, un tel comportement ne surprend plus personne : en fait, c’est précisément à cause de cette déformation de la conscience qu’il devient de plus en plus nécessaire pour les pasteurs d’agir tant avec patience qu’avec fermeté, pour protéger la sainteté des sacrements et défendre la morale chrétienne, et pour la formation correcte des fidèles. »

La publication d’Amoris Laetitia a mis fin à cette discipline. Maintenant, l’aide de l’Eglise, et son accompagnement des personnes qui vivent publiquement « dans un état objectif de péché » a changé, comme c’est précisé dans la note en bas de page 351 (et de façon quelque peu obscure dans la note 336) : « Dans certains cas, cela peut inclure l’aide des sacrements. » La note en bas de page se réfère à deux constatations faites par le pape François précédemment pour encourager les pasteurs à agir avec douceur et à observer une grande souplesse dans l’administration des sacrements de pénitence et de la sainte eucharistie.

Il est curieux qu’un changement aussi important tienne en deux notes de bas de page, mais plus curieux encore est le changement lui-même, qui est manifestement en contradiction avec la discipline précédente. Cela ne fait pas une grande différence que la Sainte Communion soit maintenant donnée « seulement dans certains cas » de secondes unions adultères. A partir du moment où certaines personnes vivant en état d’adultère sont autorisées à recevoir la sainte Eucharistie, tout en continuant à commettre des adultères, les principes qui faisaient respecter la discipline précédente ont été sapés. Bientôt, on trouvera des manières créatives qui permettront de minimiser la gravité de l’adultère et l’obligation pour les Chrétiens de conformer leurs vies aux exigences de l’Evangile, ou de carrément nier l’importance de sujets qui relèvent du 6° commandement.

A.L. fonde ce changement ainsi : « L’Eglise possède un solide corps de réflexion pour ce qui est d’atténuer les faits et les situations. Ainsi, on ne peut plus dire que tous ceux qui sont dans une « situation irrégulière » vivent en état de péché mortel et sont privés de la grâce sanctifiante. Il ne s’agit pas seulement d’ignorer la règle. Un sujet peut très bien connaître la règle, et avoir pourtant beaucoup de mal à comprendre ‘quelle en est la valeur inhérente ‘ . Il peut aussi être dans une situation concrète qui ne lui permet pas d’agir différemment ou de prendre une autre décision, sans pour autant se retrouver en état de péché ». (301 caractères gras ajoutés)

Pourquoi des guillemets devant « irrégulier » ? Les guillemets fonctionnent comme un substitut de mots tels que « soi-disant » ou « présumé ». La situation est-elle vraiment irrégulière, ou seulement « irrégulière » ? L’adultère est-il un péché mortel ou un péché « mortel » ? Est-il maintenant incorrect de traiter une relation adultère persistante tout simplement d’irrégulière ? Faut-il dire qu’elle est, vous savez bien, une espèce de, une sorte de, peut-être d’une certaine manière « irrégulière » ? Alors évidemment, on ne peut pas affirmer qu’un quelconque cas d’adultère soit en fait un péché grave. Ce peut être simplement un péché « mortel ». Si l’union adultère n’est pas en soi objectivement irrégulière, mais seulement « irrégulière », alors, nous n’avons pas besoin de nous occuper des circonstances atténuantes.

Autres questions : Est-il nécessaire de comprendre les « valeurs inhérentes » du 6° commandement avant d’être obligé de le respecter ? N’est-il pas suffisant de savoir que Dieu veut que nous évitions certains comportements ? Comment pouvons-nous parler de « situation concrète qui ne lui permet pas d’agir différemment », sans nier la liberté que Dieu nous a donnée de décider de ce que nous pourrons faire dans une situation concrète donnée ? Comment est-ce que cela peut être un « autre péché » de cesser de pécher en se retenant de commettre un adultère ?

Le refus d’accorder la sainte communion aux pécheurs publics qui vivent une deuxième union adultère, (droit canon 915) n’implique pas que de par la loi toutes ces personnes sont subjectivement en état de péché mortel, mais plutôt que l’état public d’adultère de ces personnes contrevient objectivement et gravement à la loi de Dieu. Ignorer objectivement une conduite mauvaise connue publiquement, et autoriser ces personnes à recevoir la sainte communion risquerait de créer une situation dans laquelle « les fidèles seraient induits en erreur et en confusion en ce qui concerne l’enseignement de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage. »

Cette « erreur et confusion » serait le fait que les gens croiraient à tort que l’Eglise ne considère plus l’adultère comme un péché mortel, ou bien qu’il est possible de vivre une relation habituellement considérée comme un péché mortel, tout en ayant le droit de recevoir la sainte Communion. L’interdiction canonique de la sainte Communion pour ceux qui « persistent obstinément dans un péché grave et manifeste » (canon 915) est basée sur la présomption raisonnable qu’un pécheur public n’ignore pas complètement sa foi catholique et a une conscience suffisante du fait que sa conduite viole ce que l’Eglise nous dit être la loi de Dieu.

Cela implique aussi que celui qui agit librement et sans coercition est présumé responsable de son péché. Dans le cas de quelqu’un qui viole librement le 6° commandement et les vœux de son mariage, il est difficile, sinon impossible, de prétendre ne pas savoir que sa deuxième union est une offense à la fois contre Dieu et contre sa femme, ou, d’une manière ou d’une autre, de n’être pas coupable de ses péchés.

On peut mettre de côté la présomption générale si les apparences ne correspondent pas à l’état actuel des choses, comme dans le cas de ceux qui s’abstiennent d’avoir une conduite adultère et vivent en frère et sœur. Ils peuvent recevoir la sainte Communion à condition qu’il n’y ait pas de scandale, dans toute la mesure du possible. Mais ceux qui persistent à vivre dans le péché même après qu’on leur ait rappelé les paroles du Seigneur à propos du divorce et du remariage ne peuvent pas être présumés innocents d’un péché mortel.

Pour un pasteur, adopter cette présomption dans ses conseils à ces personnes serait mettre en danger leur bien-être spirituel car cela tendrait à favoriser la complaisance plutôt que la conversion. Le pécheur serait en quelque sorte « excusé » d’avance plutôt que réprimandé ou admonesté.

 

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