Dans un long dialogue sous forme de questions-réponses avec les jeunes, le Pape est revenu sur plusieurs sujets qui lui sont chers, comme la souffrance des enfants. Il a expliqué que dans certaines situations, ce ne sont pas des réponses logiques et intellectuelles que recherchent les enfants, mais tout simplement le regard de leur papa ou de leur maman, qui est le plus beau cadeau qui puisse leur donner de la force. «Le regard d’un homme qui est devenu papa, d’une femme qui est devenue maman, ne s’achète pas dans les magasins», a affirmé le Pape, en rappelant que «c’est la grandeur de la fécondité qui te fait grandir et les questions qui n’ont pas de réponses vont feront grandir dans le sens du mystère».
«Sur la conscience d’un peuple qui fabrique les armes et les vend il y a la mort de chaque enfant, de chaque personne, il y a la destruction des familles», a rappelé le Pape avec clarté. Dans le monde il y a plus de 900 millions de mines anti-personnel, qui tuent et mutilent de pauvres paysans. Ceci, ce n’est pas Dieu qui l’a fait, a martelé le Pape. «C’est toi qui l’as fait, nous, ma patrie, mon pays», a encore souligné François en revenant sur l’expérience d’un jeune participant au Synode, un ingénieur qui avait remporté un concours pour travailler dans une usine où l’on fabrique des armes mais qui n’a pas voulu salir ses mains et son intelligence pour faire des choses qui auraient tué des autres. «Nous avons besoin de ces jeunes courageux», a expliqué le Pape, et non pas de jeunes passifs et suivistes qui tombent, par exemple, dans le mimétisme du harcèlement en suivant les plus forts.
Cultiver ses racines et lutter contre le relativisme
Concernant la question du lien entre la préservation de notre identité et la confrontation aux autres cultures, le Pape a expliqué que notre société ne devait pas se satisfaire d’être «liquide»mais au contraire cultiver ses racines. Pour cela, les jeunes doivent parler avec les anciens, qui «sont la mémoire du peuple». La génération intermédiaire, qui a été celle du changement, «n’est pas tellement capable» aujourd’hui de transmettre les valeurs comme les personnes plus âgées. Le Pape a évoqué ses souvenirs personnels de Buenos Aires, quand il exhortait les jeunes à aller rencontrer les anciens dans les maisons de repos. Ils jouaient de la guitare et petit à petit les personnes âgées s’animaient, et finalement les jeunes ne voulaient pas partir : ils étaient fascinés par les anciens, qui leur apportaient des racines.
Le Pape a aussi insisté sur la question de l’identité, sans laquelle on ne peut pas construire une culture du dialogue. «Il y a des gens qui ne savent pas quelle est leur identité et qui vivent de modes», de feux d’artifice qui après cinq minutes disparaissent. «Nous ne sommes pas des champignons, nés seuls, non : nous sommes des gens nés dans une famille, dans un peuple et souvent cette culture liquide nous fait oublier l’appartenance à un peuple. Une critique que je ferais, c’est le manque de patriotisme. Le patriotisme, ce n’est pas seulement aller chanter l’hymne national ou rendre hommage au drapeau. Le patriotisme, c’est l’appartenance à une terre, à une histoire, à une culture… et ceci, c’est l’identité. L’identité, c’est l’appartenance. On ne peut pas avoir d’identité sans appartenance», a insisté le Pape argentin.
Ne pas avoir peur de l’altérité
Mais le Pape a aussi insisté sur le fait qu’il ne faut pas avoir peur de la rencontre avec l’autre, de la multi-ethnicité, de la multi-culturalité. Concernant les préjugés concernant les migrants, assimilés à la délinquance, le Pape a rappelé que la mafia est «made in Italia», et qu’elle est même une «valeur nationale» qui n’a pas été inventé par les Nigérians, a-t-il ironisé. Et sur le temps long, l’Europe s’est construite avec des mouvements de populations, par exemple avec les celtes venus du Nord. «Celui qui construit des murs finira esclave à l’intérieur des murs qu’il a construit, sans horizon, parce qu’il lui manque cette altérité (…). Si moi j’ai le cœur raciste, je dois bien examiner pourquoi et me convertir», a expliqué François.
Il est vrai que les gouvernements doivent faire des calculs pour évaluer leur capacité d’intégration, mais, dans tous les cas, accueillir signifie devenir plus riches. Contre la tentation de l’individualisme et de l’indifférence, il faut donc développer «une culture ouverte, qui nous permette de regarder l’étranger, le migrant, la personne appartenant à une autre culture comme un sujet à écouter, à considérer et à apprécier».
Miser sur le long terme
Sur le plan des méthodes éducatives, les enseignants doivent se préoccuper d’ouvrir des processus en misant sur le long terme, sur la maturation des jeunes, et non pas se créer un stress focalisé sur des résultats à court terme. Il faut apprendre aux enfants à cheminer, non pas tout seuls mais en groupe, pour qu’ils apprennent à tomber et à se relever. Quant aux enseignants et surtout aux parents qui ressentent «le syndrome du nid vide» lorsque les enfants partent après avoir grandi, François les invite à «ne pas avoir peur de la solitude» car il s’agit d’une «solitude féconde». En effet, cette distance permet aux enfants de construire d’autres nids culturels, scientifiques, sociaux.
Le Pape a conclu en priant avec les jeunes et les enseignants qui participaient à cette rencontre.