Quand les prêtres se lancent dans la finance

Quand les prêtres se lancent dans la finance

Pou financer la formation de ses séminaristes, la Communauté Saint-Martin s’est lancée en 2012 dans le monde périlleux de la finance.

Comment peut-on concilier ce monde de loups avec la pauvreté évangélique ? C’est le défi relevé par Don Pascal-André Dumont, économe de la communauté Saint-Martin.

En entrant de le monde de la finance, ce prêtre fribourgeois ne se doutait pas qu’il entraînerait à sa suite une vaste réflexion éthique dans ce milieu souvent conspué par le monde catholique où pourtant il est bien représenté.

Le Figaro Bourse consacrait en 2014, un article sur cette aventure étonnante.

Extraits

C’est sûr, il n’a pas le profil type du boursicoteur. Pascal-André Dumont -don Pascal-André pour ses ouailles- a été ordonné prêtre dans la communauté traditionnelle de Saint-Martin après des études de droit à la prestigieuse université suisse de Fribourg
.Pourtant, depuis deux ans, la sphère financière n’a plus de secret pour ce grand bosseur. Il supervise, en effet, en plus de ses activités de formation, le lancement d’un nouveau type de fonds commun de placement éthique, basé sur la doctrine sociale de l’Église catholique et dont les recettes vont venir subvenir aux besoins de sa communauté.

Les premiers pas de son fonds, au nom explicite de Proclero (du latin pro Clero, «pour le clergé»), sont concluants. Chance du débutant ou preuve du bon sens de sa démarche, le fonds, géré par la société Meeschaert
,a dégagé en 2013 un rendement de 6,57%. «Le fonds a fait une excellente performance, en comparaison avec des fonds diversifiés similaires»,sourit Pascal-André Dumont, pas peu fier de ces performances. «Et encore, il n’était que partiellement investi, puisque nous étions en phase de lancement.» La collecte reste pour l’instant modeste, à 15 millions d’euros. Mais, d’ici trois ans, les encours devraient atteindre 100 millions d’euros, avance cet optimiste pragmatique. Pour atteindre cet objectif, un fonds luxembourgeois va être ouvert d’ici quelques jours. Ce support permettra d’élargir le socle des souscripteurs, particuliers ou institutionnels, à toute l’Europe
,et notamment au prospère clergé allemand… Une évidence pour ce Suisse polyglotte et grand voyageur.

Proclero est né, au départ, d’une nécessité. Économe général -c’est-à-dire trésorier- de la communauté Saint-Martin depuis 2001, Pascal-André Dumont a dû affronter un défi devenu rare pour l’Église catholique. Celui d’accompagner financièrement l’explosion du nombre de vocations de la jeune communauté. «En 2003, nous comptions 17 séminaristes dans la communauté. Dix ans plus tard, ils sont 8», résume sobrement l’éco­nome, sans préciser que Saint-Martin est ainsi devenu le premier séminaire de France.

La société de gestion s’engage à reverser à la communauté, sous forme de dons, une partie des commissions de gestion. 100 millions d’euros d’encours devraient ainsi générer environ 800.000 euros chaque année, pour la communauté. «Nous gérons le fonds au quotidien et le faisons bénéficier de notre réseau, à Paris et en région, explique Philippe Troesch, responsable de la gestion d’actifs chez Meeschaert. Mais le succès de Proclero est bien sûr lié à la personnalité de Pascal-André, à son excellent contact, son réseau. C’est notre meilleur agent de marketing!»

«Aujourd’hui, explique Don Pascal-André, la gestion éthique repose surtout sur un principe d’exclusion. Un fonds dit éthique n’investit pas dans l’armement, la pornographie, l’alcool, le tabac… Cette vision est trop restrictive. Je veux avoir un regard positif sur les entreprises que nous choisissons. Notre premier critère de sélection est l’utilité réelle de l’entreprise pour la personne humaine.»

Cinq grands domaines d’investissement ont donc été sélectionnés: l’alimentation, l’habitation, la santé, l’éducation et l’énergie. «On ne veut pas prendre que des “best-in class”, nous cherchons aussi des entreprises moins connues. Par exemple, pour l’alimentation, nous avons fait entrer dans le portefeuille Naturex
,une petite entreprise qui améliore la qualité des aliments.»

Le fonds s’attaque maintenant à la santé. Un terrain de jeu complexe. Pascal-André Dumont entend assumer la responsabilité morale de tout investissement et s’interdit de sélectionner des entreprises qui mèneraient par exemple des recherches sur les cellules souches. Outre les actions, le portefeuille comprend aussi des obligations entreprises. En revanche, pas de dette d’État. «Je suis sceptique sur leur caractère éthique, car acheter des titres d’État, c’est entretenir ce système du surendettement. Cela mérite une réflexion éthique pointue», souligne l’investisseur.

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