Principes non négociables, des points fermes et clairs

Principes non négociables, des points fermes et clairs

En 2012, le site Benoît et moi, faisait, à la veille des élections « pestilentielles », une mise point toujours d’actualité sur les principes non négociables. 

A la veille des élections présidentielles, les catholiques français vont-ils s’étriper autour des « principes non négociables » – l’expression est de Benoît XVI – certains allant jusqu’à suggérer que ces principes sont à relativiser, surtout quand ceux qui en sont le plus proches sont étiquetés à l’extrême-droite de l’échiquier politique – et donc réputés opposés sur tous les autres sujets à la doctrine sociale de l’Eglise.
Il me semble en réalité que pour le Pape, s’engager en politique, cela ne veut pas dire voter pour tel ou tel candidat (en France,cela va être difficile), mais participer à la vie de la cité, contribuant au bien commun, et, qui sait, susciter à long terme (inutile de rêver que c’est pour demain) une nouvelle classe d’hommes politiques. En repartant de zéro (le rôle de former ces futurs politiques revenant en particulier aux pasteurs).
Et ce bien commun, le Saint-Père en donnait (une fois de plus) un aperçu dans son discours aux autorités de Rome et de la Région.

J’ai donc rassemblé ici plusieurs articles de ce site consacrés à ce sujet. Pour aider à se faire, le plus honnêtement possible, son opinion.

Dans la droite ligne de l’enseignement constant de l’Église, Jean-Paul II a maintes fois répété que ceux qui sont engagés directement dans les instances législatives ont «une obligation précise de s’opposer» à toute loi qui s’avère un attentat contre la vie humaine. Pour eux, comme pour tout catholique, il est impossible de participer à des campagnes d’opinion en faveur de telles lois, et il n’est permis à personne de les soutenir par son vote…I- Et d’abord, la parole au Saint-Père (les discours sont bien entendu à lire en entier):

1.
 En premier, évidemment, la fameuse Note Doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique (novembre 2002)
Je crois que ce texte fondamental doit être lu, relu, et médité, et c’est pourquoi je l’ai reproduit dans ces pages (car il n’est pas si facile à trouver, bien que beaucoup s’en réclament!).

Je lis bel et bien ces propos très clairs:


(…) la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne d’encourager par son vote la mise en œuvre d’un programme politique ou d’une loi dans lesquels le contenu fondamental de la foi et de la morale serait évincé par la présentation de propositions différentes de ce contenu ou opposées à lui. Parce que la foi est un tout indivisible, il n’est pas logique d’isoler un de ses éléments au détriment de la totalité de la doctrine catholique.

L’engagement politique en faveur d’un aspect isolé de la doctrine sociale de l’Église ne suffit pas à répondre totalement à la responsabilité pour le bien commun.

Quand l’action politique est confrontée à des principes moraux qui n’admettent ni dérogation, ni exception, ni aucun compromis, l’engagement des catholiques devient plus évident et se fait lourd de responsabilités.
Face à ces exigences éthiques fondamentales auxquelles on ne peut renoncer, les chrétiens doivent en effet savoir qu’est en jeu l’essence de l’ordre moral, qui concerne le bien intégral de la personne. Tel est le cas des lois civiles en matière d’avortement et d’euthanasie (à ne pas confondre avec le renoncement à l’acharnement thérapeutique qui, même du point de vue moral, est légitime), qui doivent protéger le droit primordial à la vie, depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. De la même manière, il faut rappeler le devoir de respecter et de protéger les droits de l’embryon humain. De même, il faut préserver la protection et la promotion de la famille, fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexe différent, et protégée dans son unité et sa stabilité, face aux lois modernes sur le divorce: aucune autre forme de vie commune ne peut en aucune manière lui être juridiquement assimilable, ni ne peut recevoir, en tant que telle, une reconnaissance légale. De même, la garantie de liberté d’éducation des enfants est un droit inaliénable des parents, reconnu entre autre par les Déclarations internationales des droits humains.


il est arrivé que, même au sein de certaines associations ou organisations d’inspiration catholique, sont apparues des orientations en faveur de forces et de mouvements politiques qui, sur des questions éthiques fondamentales, ont exprimé des positions contraires à l’enseignement moral et social de l’Église. De tels choix et de telles connivences, parce qu’ils sont en contradiction avec des principes fondamentaux de la conscience chrétienne, ne sont pas compatibles avec l’appartenance à des associations ou à des organisations qui se définissent comme catholiques. De manière analogue, il faut noter que, dans certains pays, certaines revues et certains périodiques catholiques ont donné à leurs lecteurs, à l’occasion de choix politiques, une orientation ambiguë et incohérente, interprétant de manière équivoque le sens de l’autonomie des catholiques en politique, sans prendre en considération les principes auxquels on devrait se référer.

2. Discours aux Participants au Congrès promu par le Parti Populaire Européen 
Jeudi 30 mars 2006
(Ici)
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En ce qui concerne l’Eglise catholique, l’objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd’hui de manière claire:
– la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle;
– la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille – comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage – et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d’union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;
– la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants.
Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Eglise en vue de leur promotion n’est donc pas à caractère confessionnel, mais elle vise toutes les personnes, sans distinction religieuse. Inversement, une telle action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, parce cela constitue une offense contre la vérité de la personne humaine, une blessure grave infligée à la justice elle-même.

* * *


3. Mgr Luigi Negri fait un commentaire ici:

(Ici)

Nous devons la définition des « principes non négociables » à Benoît XVI, dans un de ses premiers discours en tant que Pape. Pour être précis, l’occasion lui a été offerte par la rencontre avec les parlementaires du Parti populaire européen, reçus en audience le 30 Mars 2006 . C’est une circonstance à ne pas négliger, parce que le Pape n’a pas apporté d’innovations doctrinales, mais a rendu explicite et détaillée la position traditionnelle de l’Eglise, la replaçant dans le contexte de la situation en Europe, où le relativisme attaque les droits fondamentaux étroitement liés à la nature de l’homme et à sa dignité.

A cette occasion, Benoît XVI a évoqué les trois principes non négociables qui jaillissent de la tradition de la doctrine sociale de l’Eglise,vérifiés dans l’histoire des nations :
– Protection de la vie dans toutes ses phases, depuis le premier moment de la conception jusqu’à la mort naturelle;
– Reconnaissance et promotion de la structure naturelle de la famille en tant qu’union entre un homme et une femme fondée sur le mariage, et sa défense contre les tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d’union radicalement différentes qui en réalité lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en occultant son caractère particulier et son rôle social irremplaçable;
– Protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants.
« Ces principes ne sont pas des vérités de la foi , même s’ils reçoivent un éclairage supplémentaire, et une confirmation, de la foi. Ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et sont donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Eglise dans leur promotion n’est donc pas à caractère confessionnel, mais elle est adressée à toutes les personnes, indépendamment de leur appartenance religieuse.  »

La formulation des principes non-négociables était en fait déjà présente dans la Note doctrinale sur certaines questions regardant l’engagement des catholiques dans la vie politique, que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (présidée alors par le Cardinal Joseph Ratzinger) a publiée le 24 novembre 2002 dans le but de rappeler et de préciser certains points de la doctrine sociale de l’Eglise pour ceux qui oeuvrent et vivent dans les sociétés démocratiques.

En particulier, le document fait la distinction entre les décisions politiques contingentes dans lesquelles sont souvent « moralement possibles des stratégies différentes pour réaliser ou garantir en substance une même valeur de fond » (n° 3) et « les principes moraux qui n’admettent aucune dérogation, exception ou compromis » ( n° 4), où « alors, l’engagement des catholiques devient plus évident et chargé de la responsabilité ».
La note parle dans ce cas d’ »exigences éthiques fondamentales inaliénables », devant lesquelles « les chrétiens doivent en effet savoir qu’est en jeu l’essence de l’ordre moral, qui concerne le bien intégral de la personne. Tel est le cas des lois civiles en matière d’avortement et d’euthanasie (à ne pas confondre avec le renoncement à l’acharnement thérapeutique qui, même du point de vue moral, est légitime), qui doivent protéger le droit primordial à la vie, depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. De la même manière, il faut rappeler le devoir de respecter et de protéger les droits de l’embryon humain. De même, il faut préserver la protection et la promotion de la famille, fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexe différent, et protégée dans son unité et sa stabilité, face aux lois modernes sur le divorce: aucune autre forme de vie commune ne peut en aucune manière lui être juridiquement assimilable, ni ne peut recevoir, en tant que telle, une reconnaissance légale. De même, la garantie de liberté d’éducation des enfants est un droit inaliénable des parents, reconnu entre autre par les Déclarations internationales des droits humains »(n° 4).

Dans cette approche, il y a une question fondamentale qui doit être soulignée, à savoir que la doctrine sociale de l’Eglise est le contenu qui lie (ndt: au sens de contrainte) les interventions faites par des individus et des groupes. Elle les lie, dans le sens où elle constitue l’hypothèse de travail, une hypothèse à la lumière de laquelle peuvent ensuite être conduites toutes les analyses de caractère culturel et toutes les mesures de nature opérationnelle.

Ce qui est essentiel dans l’engagement des catholiques ne réside donc pas dans l’analyse des individus et des groupes, où on court le risque inévitable d’utiliser les principes de la doctrine sociale en fonction d’évaluations ou d’interventions de caractère culturel, social et politique. Si on ne garde pas à l’esprit les principes fondamentaux que seule l’Église enseigne et qui ne peuvent être rejetés, alors les valeurs fondamentales deviennent le contenu des analyses, et ce sont les choix contingents – sociaux, culturels et politiques – qui assumeront le rôle des valeurs fondamentales. Avec pour résultat une désagrégation, qui non seulement rend équivoque la présence des catholiques en politique, mais fait en sorte que les contenus de leurs intervention finiront par être irréformables comme la foi.

Il arrive ainsi que dans la communauté ecclésiale, ceux qui font des choix opérationnels, culturels et sociaux différents, se combattent avec une violence acharnée comme s’il n’y avait pas une base commune qui précède ces différences, et qui à la limite pourrait valoriser ces différences. Alors, le « catho-communiste » (ndt: nous dirions catholique de gauche) considére celui de droite comme un non-chrétien, le catholique de droite considère le catho-communisme comme une trahison fondamentale de la foi, et la communauté est divisée dans sa nature profonde, elle risque d’être mise en situation de crise, ou déchirée, pour des considérations de nature contingente. Et cette division se retrouve jusqu’au sommet de la hiérarchie.

La grande leçon du pape est justement de rappeler ce qui vient en premier, ce qui fonde l’unité des catholiques.


II.
 Le Saint-Père a repris le thème du chrétien en politique en mai 2011, lors de sa visite à l’Aquilée et Venise.
A l’Aquilée, s’adressant aux évêques et aus prêtres (cf. Ici), il a dit:

Enfin, je vous recommande, à vous comme aux autres Eglises en Italie, l’engagement à susciter une nouvelle génération d’hommes et de femmes capables d’assumer des responsabilités dans des domaines divers de la société, particulièrement en politique. Ce domaine a plus que jamais besoin de voir des personnes, surtout des jeunes, capables de construire une « vie bonne » en faveur et pour le bénéfice de tous. En effet,les chrétiens, qui sont des pèlerins vers le ciel, mais qui vivent déjà ici-bas une anticipation de l’éternité, ne peuvent se soustraire à cet engagement.

Ce paragraphe a été commenté par Andrea Tornielli (qui a l’honnêteté de ne pas se présenter comme détenteur de l’unique vérité), qui titrait, (lui aussi!): il n’y a pas que les principes non négociables » (benoit-et-moi.fr/2011-II/):

Le thème des principes « non négociables » a été repris à plusieurs reprises par le pape et les évêques italiens. Et il est devenu, souvent, champ de bataille politique et dans certains cas, de débats houleux, même parmi les catholiques.

L’invitation pressante de Benoît XVI à l’engagement politique, cependant, semble aller plus loin. Le Pape, en effet invite les jeunes à construire « une ‘vie bonne’ pour le bien de tous ». Si les principes non négociables sont le point de départ, il serait de courte vue de réduire l’engagement des catholiques exclusivement à la défense et la promotion de ces principes. Les catholiques sont en effet porteurs d’une culture, d’une vision de l’homme et des relations sociales, qui ne peut facilement être réduite ou aplatie à certains modèles aujourd’hui à la mode dans certains groupes politiques.


III. 
Parmi les réflexions les plus intéressantes que j’ai lues sur le thème, il y a un article du Père Scalese datant de l’année dernière (http://benoit-et-moi.fr/2011-II).
Ce qu’il dit (cela s’appliquait à l’Italie, mais aussi à nous) me paraît très important. On ne peut pas faire tout tout de suite et résoudre les problèmes comme par un coup de baguette magique. En France, aujourd’hui, le personnel politique catholique est inexistant. Il faut tout recommencer du début:

(…) dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons pas nous faire d’illusions sur une reconstruction immédiate, comme on dit aujourd’hui du «tissu social» au sens chrétien. Après des siècles de démantèlement du «christianisme» (c’est de cela qu’il s’agit: la crise que nous traversons n’est pas, comme beaucoup le croient, le résultat de décisions hâtives dans les dernières décennies, mais la conséquence de prémisses qui plongent leurs racines loin dans le temps) on ne peut prétendre le reconstruire en un tournemain.Au point où nous en sommes, je suis convaincu que nous ne pouvons plus penser résoudre la situation avec des interventions limitées, uniquement destinées à sauver ce qui peut l’être. …. Je pense qu’il n’y a rien d’autre à faire que de tout recommencer du début, revenir à l’époque des apôtres et continuer à proclamer le kérygme du Christ crucifié et ressuscité. Dans l’intervalle, tout ce qui nous entoure se sera complètement effondré, et on pourra ensuite commencer à reconstruire à partir de zéro.

Et le Père Scalese citait une conférence qu’il avait tenue en juin 1998:

ll faut absolument éviter l’erreur de penser que le seul problème est « de quel côté se placer », à gauche ou à droite, ou s’il ne faut pas plutôt reconstituer un « grand centre », qui rassemble tous les catholiques.
Le problème est en réalité beaucoup plus profond.
Actuellement nous sommes confrontés non seulement à une gauche, mais aussi hélas à une droite entièrement sécularisée. Donc le vrai problème est de ré-évangéliser la politique. Il faut commencer du début, comme il y a deux mille années: le chrétien, de quelque côté qu’il se range, est appelé à « imprégner l’ordre temporel de l’esprit évangélique ». A ce niveau, au niveau de la foi et des valeurs morales, tous les catholiques sont – doivent être – unis au-delà des camps. Ils doivent être non pas des catholiques de droite, de gauche ou du centre, non pas des « catholiques libéraux » ou des « démocrates catholiques », des « cathocomunistes » ou des « cléricofascistes », mais simplement catholiques – comme nous l’a rappelé la semaine dernière L’Osservatore Romano (15 Juin 1998) – des « catholiques sans adjectifs ».

IV.
 Il y a des quantités d’autres pages que l’on peut ramener à ces « points non négociables » et au rôle du chrétien en politique.
Parmi elles, ces deux lettres de Mgr Démetrio Fernandez, évêque de Cordou, traduites par Carlota:

-> Changement d’époque: http://benoit-et-moi.fr/2011-II/ ..1
-> Ce qu’un chrétien demande à un homme politique: http://benoit-et-moi.fr/2011-II/..2

* * *

Ce « dossier » (qui ne parvient pas vraiment à réaliser une synthèse, certes à cause des limites de son auteur, mais aussi à la complexité des problèmes en jeu) ne serait pas complet si je ne reproduisais quelque chose qui me tient à coeur, et qui est une réponse à ceux qui, d’un bord comme de l’autre, entendent tirer le saint-Père par la soutane (comme disent les italiens) pour lui faire dire ce qu’ils ont envie d’entendre.

Cette interviewe du cardinal Ratzinger (video ici) par TSR en 1998 a déjà été citée à propos de la piède de Castellucci (http://benoit-et-moi.fr/2011-III):

Le journaliste l’interroge (je ne sais plus le contexte, mais on voit qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil:

Q: J’aurais aimé que le Saint-Père manifeste nettement sa compréhension de ce qui pousse les gens à la violence.

 

R: Je dirais… le Pape donne donne les grandes lignes de l’engagement des chrétiens dans la politique. Il annonce l’Evangile et purifie ainsi les consciences, mais ce n’est pas le rôle du Pape de rentrer dans tous les détails, puisque finalement, il ne remplace pas l’épiscopat. Il y a la réalité très concrète et très précise de l’épiscopat qui connaît la réalité sur le lieu, et donc il y a un rôle différent du Pape et des évêques dans ce lieu.

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