“Peut-on encore parler de Marie ?” Un article du père Bernard Sesboüe sur la Vierge Marie

“Peut-on encore parler de Marie ?” Un article du père Bernard Sesboüe sur la Vierge Marie

Théologien qui s’est intéressé aux dogmes, Bernard Sesboüe, SJ a notamment écrit sur Marie. Il aborde incidemment la question de la co-rédemption, qui a fait l’objet d’un débat à la suite de la déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi.

Voici quelques extraits de cet article publié il y a plus de vingt-cinq dans la revue Christus:

• Marie est confessée par l’Eglise comme « Mère de Dieu » : tout ce qui la concerne part de là et doit y revenir. La dignité de sa personne vient de l’élection dont elle a été bénéficiaire par pure grâce de Dieu. Aussi, les deux dogmes définis par Pie IX sur l’Immaculée Conception (1854) et par Pie XII sur l’Assomption (1950) ne sont pas à considérer comme des privilèges arbitraires qui mettraient Marie en dehors du destin commun de la famille humaine, mais selon leur signification dans l’histoire du salut. L’Immaculée Conception de Marie maintient que Marie a été rachetée du péché originel au même titre que tout être humain — mais d’une manière différente, par préservation et non par purification. Elle exprime, par cette anticipation en Marie, la vocation de tout être humain à la sainteté parfaite. L’Assomption dit la vocation de toute l’Eglise à la gloire, dont Marie est le type anticipateur.

• Marie doit toujours être présentée comme une créature de Dieu, comme notre soeur en humanité, comme la fille d’Israël, la femme juive qui a vécu de la foi et de l’espérance de son peuple, comme celle qui a assumé, avec tous ses risques, la maternité d’un fils.
 L’humanité féminine de Marie doit être mise en lumière, avec les diverses harmoniques qu’elle comprend : disponibilité entière au dessein de Dieu sans doute, mais aussi personnalité vivante et parfois audacieuse, qui non seulement chante le Magnificat mais aussi ose faire un reproche à son Fils (Le 2,48). Jamais Marie ne doit être présentée comme du côté de Dieu : elle est et restera toujours du côté des hommes. Elle est noue et nous accompagne dans notre marche. Fille de Sion, Marie est un membre de l’Eglise au même titre que tous les autres. Elle est aussi toute corrélative à l’Eglise (R. Laurentin). Sans doute tient-elle dans l’Eglise une place primordiale, puisqu’elle l’a représentée au moment de l’Annonciation et en est devenue le type ou l’icône. Mais l’exercice de sa maternité spirituelle suppose qu’elle assume, dans la grande famille ecclésiale, le rôle de la mère. Marie a « avancé dans le pèlerinage de la foi » (LG 58), thème conciliaire largement repris et développé par Jean-Paul II dans son encyclique sur Marie 14.

• Enfin, Marie a été servante avant d’être Reine. Notre mentalité n’est plus médiévale et ne résonne plus à l’accumulation des titres de grandeur et de beauté 15. Notre monde est quelque peu saturé de la théologie de Marie-Reine, pourtant traditionnelle. Marie s’est présentée elle-même à l’Annonciation comme la « servante du Seigneur » (Le 1,38). Respectons le titre qu’elle s’est décernée à elle-même. De même que Jésus le Serviteur s’est abaissé (Ph 2,8) jusqu’à la mort de la croix, de même Dieu a regardé la bassesse (Le 1,48) de sa servante. Ce ne sont plus les privilèges qui attirent l’attention, mais la Vierge d’Israël qui représente les pauvres du Seigneur, a mené une vie ordinaire et s’est effacée devant la mission de son Fils, pour se retrouver présente à l’épreuve de la croix, celle qui s’offre ainsi à notre imitation. Concluons par une formule qui ne peut que rassembler protestants et catholiques : tout en Marie vient de la grâce de Dieu (sola gratia) ; tout en elle est la réponse de la foi (sola fide) ; tout enfin en Marie rend gloire à Dieu (soli Deo gloria).

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