Les évêques du Paraguay protestent contre un projet d’amendement à la Constitution, qui permettrait à d’anciens chefs de l’État de se représenter à une élection présidentielle. Depuis 1992, la réélection du président est interdite par la Constitution, de façon à éviter toute dérive autoritaire.
Cet amendement en discussion au Parlement pourrait être adopté grâce à une surprenante alliance entre les partisans du président actuel Horacio Cartes, issu du Parti Colorado, de droite, et ceux de l’ex-évêque et ex-président de gauche, Fernando Lugo, du Frente Guasu (le “Front de Gauche”), deux adversaires politiques qui pourraient toutefois trouver un intérêt personnel commun à cette évolution.
Des élus du Parti Libéral sont également favorables à l’amendement, qui rencontre toutefois d’importantes résistances au sein même du parti Colorado au pouvoir, compte tenu des ambitions de certains en vue de l’élection présidentielle de 2018.
La conférence épiscopale, qui avait joué un rôle important dans la stabilisation du pays après la chute du dictateur Alfredo Stroessner en 1989, a réagi avec fermeté face à la perspective de cet accord. «Les décisions prises, avec de sérieux doutes sur leur légalité et leur légitimité, sont un signe du manque absolu de considération et de respect pour l’institution démocratique que nous avons conquis après des décennies de dictature, avec beaucoup d’engagement et de dévouement», déclarent-ils.
«Il est urgent de réfléchir, avec calme et de façon responsable, sur ce qui est arrivé, et de guider les efforts pour rétablir la confiance dans une institution de haute valeur pour la République», insistent les évêques, en mettant en garde contre le risque de produire «des tensions inutiles et de la polarisation sociale, qui, si elle n’est pas gérée correctement, pourrait provoquer de la violence avec des conséquences imprévisibles».
Le principe d’un mandat unique de cinq ans avait pour le moment été respecté par tous les présidents élus depuis 1993, avec une seule grave crise au sommet de l’État : en 2012, le président de gauche Fernando Lugo avait été renversé par son vice-président libéral, Federico Franco, mais qui a quitté le pouvoir en 2013 au terme d’un processus électoral mené normalement.
Élu alors, le président sortant Horacio Cartes envisage de démissionner six mois avant le prochain scrutin, prévu le 22 avril 2018, pour pouvoir se présenter à nouveau. Mais cette manœuvre semble susciter l’hostilité d’une large majorité des électeurs paraguayens, déçus par les inégalités persistantes malgré un taux de croissance compris entre 3 et 4% par an, un taux plutôt encourageant dans le contexte régional des récessions qui affectent l’Argentine et le Brésil, les deux grands voisins de ce pays enclavé situé au cœur de l’Amérique latine.
Source Radio Vatican