Mgr Sebastian Francis Shaw, archevêque de Lahore, le plus grand diocèse du Pakistan (450.000 fidèles catholiques) fait le bilan de l’année 2016 à travers une interview avec l’AED.
AED : Comment est la situation actuelle à Lahore après cette année 2016 particulièrement violente ?
Mgr Sebastian Shaw : La situation semble s’améliorer. La sécurité pendant nos célébrations s’est améliorée. Mais en même temps, les gens ont un peu peur parce qu’ils savent que nous pourrions être attaqués notamment pendant la période des fêtes, comme c’est arrivé lors de la dernière fête de Pâques (ndlr : le 27 mars 2016, un terroriste s’est fait exploser dans le parc central de Gulshan-e-Iqbal à Lahore, faisant 78 morts et plus de 300 blessés).
AED : Comment les chrétiens vivent leur foi au Pakistan ?
Le Pakistan est un pays majoritairement islamique, sa population est d’environ 190 millions de personnes et les chrétiens ne représentent que 2 % de cette population. Nous sommes une très petite minorité, mais en même temps, nous sommes une Église très vivante. La plupart des chrétiens sont très pauvres, mais nous sommes très riches dans la foi. Ils s’intéressent particulièrement à la Parole de Dieu, et il y a des laïcs engagés dans la catéchèse qui aident les jeunes et les couples à vivre la foi avec enthousiasme. Par exemple, cette année de la Miséricorde a été très spéciale. Les Chrétiens du Pakistan sont les champions de la miséricorde. Je me souviens qu’un jour, après la célébration de l’Eucharistie, un couple s’est approché de moi pour que je leur donne la bénédiction. Les époux m’ont dit que mon homélie sur la miséricorde et le pardon les avait beaucoup aidés, qu’ils avaient perdu un fils dans l’attentat du parc Gulsan Iqbal le dimanche de Pâque, et qu’ils pardonnaient au terroriste qui s’était fait exploser dans cet attentat suicide.
Comment jugez-vous cette année 2016 qui s’achève ?
Nous avons passé des moments très difficiles, comme lors de l’attaque terroriste de Gulsan Iqbal, mais les gens récupèrent. L’Année de la Miséricorde a été une grande bénédiction pour toute l’Église et surtout pour l’Église du Pakistan. Nous avons organisé plusieurs réunions de dialogue entre les religions. Nous remercions le Pape pour cette Année de la Miséricorde, pour les prières et le soutien de tant de personnes qui nous ont rappelé qu’au Pakistan, nous ne sommes pas seuls.
Comment sont les relations avec les autres groupes confessionnels ?
C’est le moment de promouvoir plus de dialogue entre les religions, en particulier avec l’Islam qui se développe beaucoup, y compris en Europe. Je suis très fier des bonnes relations avec les représentants des autres religions. Nous avons célébré ensemble des fêtes, ils ont célébré Noël avec nous et nous avons également célébré la fin du Ramadan. Mais pour qu’il y ait un vrai dialogue, il est important que nos jeunes connaissent bien la Parole de Dieu. L’unité entre les chrétiens est également importante. Il est important d’enseigner la Bible aux jeunes, non pour qu’ils la connaissent par cœur, mais pour qu’ils la mettent en pratique avec l’amour du prochain.
Quels sont les besoins principaux de l’Église au Pakistan ?
Pour nous, l’éducation est importante. Nous tenons particulièrement à faire en sorte que les jeunes chrétiens puissent aller à l’université. C’est toutefois très difficile, car cela demande beaucoup d’argent et les familles chrétiennes sont très pauvres. Nous avons également besoin de reconstruire des églises et des lieux de mission. Nous devons rénover le séminaire. Nous avons de nombreuses vocations, et il faut les renforcer. Nous avons actuellement 34 jeunes au petit séminaire, 12 qui étudient la philosophie et 10 en théologie.
Source : Site de l’AED