Son Altesse Fra’ Matthew Festing quitte donc ses fonctions de Grand Maître de l’Ordre de Malte. La Presse titre qu’il a remis sa démission au pape, ce qui est inexact, puisque ce n’est pas dans le pouvoir du pape de recevoir, ni d’exiger, la démission du Grand Maître d’un ordre souverain. Fra’ Matthew a dû accepter, lors de son entrevue avec le pape le 24 janvier, de présenter sa renonciation au Souverain Conseil de l’Ordre, lequel devra, selon le droit de l’Ordre, présenter cette renonciation au Saint-Père, ce qui ne sera effectif que le 28 janvier date de réunion du Souverain Conseil.
L’information amalgamée tend à faire croire que le pape serait le véritable Grand Maître de l’ordre et qu’il y exercerait son autorité par le truchement du cardinal légat, en l’occurrence le cardinal Burke. Ce qui n’est juridiquement pas le cas.
Il y a bien un précédant en la matière, mais qui a abouti à la clarification juridique des relations entre les deux institutions toutes deux souveraines, selon les formes qui leurs sont propres.
Il s’agit de la crise de 1951 lorsque Pie XII mit pratiquement l’Ordre sous tutelle du Saint-Siège en chargeant une commission de cardinaux de le diriger. Devant la protestation du Grand Maître de l’époque, le Souverain Pontife institua le 10 décembre 1951 un tribunal spécial composé de six cardinaux afin de dire le droit. Il fallut attendre le 24 janvier 1953 pour obtenir son jugement. Le tribunal reconnaissait la qualité souveraine de l’Ordre qui donc jouissait de certaines prérogatives en tant que sujet du droit international, mais il rappelait que l’Ordre de Malte n’était pas un État en tant qu’ordre religieux approuvé par le Saint-Siège, encore que cette qualité d’ordre religieux ne s’applique qu’aux seuls chevaliers ayant fait leurs vœux, c’est-à-dire à une minorité des membres de l’Ordre…
Que s’est-il donc passé pour en arriver là ? Il est bien difficile de le savoir exactement car à la traditionnelle opacité des affaires vaticanes s’ajoutent les “on dit” et les récupérations idéologiques.
Le Grand Maître était-il un despote autoritaire, court-circuitant les instances officielles de l’Ordre ? Y a-t-il un conflit idéologique entre conservateurs et progressistes autour de la question de la distribution de préservatifs par l’Ordre ? N’est-ce qu’un prétexte, un déplacement du conflit qui opposerait le pape au cardinal Burke sur Amoris laetitia ? Serait-ce une volonté de purge anti-Franc-Maçonne au sein de l’Ordre ? Est-ce un abus de l’autoritarisme du pape lui-même ?
Ce ne sont là qu’une partie des hypothèses toutes issues “de sources sûres”.
Elle révèlent en tout cas une chose, les tensions au Vatican montent d’un cran et les camps qui s’affrontent font feu de tout bois. Le pape, comme souvent ses prédécesseurs, ne fait pas l’unanimité. Ses décisions souvent incomprises et, il faut le dire, peu expliquées sinon par des symboles, crispent autour de sa propre personne. La réforme de la Curie ne se fait pas sans heurts et les méthodes considérées comme autoritaires du pape créent, aux dires du personnel du Vatican, un climat d’inquiétude. Alors que les prises de positions du Saint-Père sur certains sujets de morale ou de liturgie crispent une partie non négligeable de catholiques, elles troublent de plus nombreux fidèles qui, tout en voulant rester confiants dans le successeur de Pierre, sont ébranlés.
Cette affaire, grave au demeurant, l’est plus encore, comme témoin d’une situation explosive dans l’Eglise catholique. Raison pour laquelle nous avons lancé une neuvaine pour le pape et la Curie, car le démon doit bien rigoler de ses divisions scabreuses.