Un article du Père Carter Griffin traduit par Pierre pour France-catholique :
Pour répondre aux scandales sexuels dans le clergé, le Professeur David Carlin a suggéré d’accueillir des hommes mariés dans le clergé. Je pense que, bien que compréhensible, sa suggestion est mal venue. En fait, ce serait, à mon avis, une calamité. Le célibat des prêtres est actuellement plus que jamais nécessaire.
Le célibat est un don inestimable offert à l’Église et au monde entier, joyau serti dans la couronne de l’Église Romaine. Dès l’origine, l’Église Latine a attribué une valeur spéciale au célibat, mode de vie typiquement propice à la contemplation, et cœur consacré à l’amour du Seigneur, comme Paul le rappelle aux Corinthiens.
Grâce au célibat, un prêtre se consacre uniquement à Jésus, notre Grand Prêtre célibataire. Le cœur du prêtre est épanoui pour accueillir et traiter paternellement les fidèles. Il est mieux préparé à embrasser son épouse l’Église, à l’exemple de Jésus l’époux parfait. C’est tout autant un signe du Royaume à venir et du monde présent, vivant rappel que nous n’aurons pas tous les biens en ce bas monde.
C’est avec le prêtre de paroisse, et non avec le moine cloîtré, que les gens ont des relations régulières ; s’ils n’en reçoivent pas les bénédictions attendues, ils n’en recevront de nul autre. Ces précieux trésors spirituels seraient perdus, ou au moins grandement réduits si les devoirs liés au célibat disparaissaient.
À mon avis, on considère trop peu les trésors culturels du célibat s’ils venaient à manquer. De nos jours ce soutien culturel fait cruellement défaut dans le sillage ravageur de la révolution sexuelle qui, par les lois facilitant le divorce, l’importance attachée à la contraception, aux relations extra-conjugales, la légalisation de l’avortement et l’épidémie porno sur internet a prélevé une gigantesque taxe sur notre tissu social et porté préjudice à nombre de familles et de personnes, particulièrement les plus fragiles — enfants à naître, jeunes enfants, adolescents. Face à la montée incessante de l’idéologie de permissivité — qui, à mon avis, explique sa fascination sur les journalistes laïcs — se trouve la question du célibat des prêtres. Elle traite la question de vivre la maturité sexuelle comme un choix positif de vie sans relations sexuelles, proposant un puissant contrepoids au choix fallacieux d’une prétendue sagesse répandue de nos jours.
Loin d’approuver un mode de vie de vieux garçon, le choix du célibat pour le Royaume nous rappelle que le véritable amour ne se trouve pas essentiellement dans l’activité sexuelle mais dans une vie de don de soi qui unit l’un l’autre à Dieu et, seul, répond à l’appel commun d’amour. En fait, ce n’est que dans le contexte de don de soi que l’authentique plénitude sexuelle peut se trouver.
Le célibat montre aux hommes comme aux femmes, quelle que soit leur vocation, que l’attirance sexuelle peut et doit mener à l’épanouissement humain. Il révèle au monde comment libérer l’amour des chaînes de l’idolatrie sexuelle, et ouvre la voie à une existence qui corrige les exagérations de la révolution sexuelle et cicatrise les blessures qu’elle cause.
Aux célibataires, y-compris ceux qui, pour divers motifs ne se marieront jamais — motifs semblant de plus en plus répandus actuellement — hommes et femmes célibataires montrent qu’une vie sans mariage peut fort bien avoir du sens, apporter joie et santé. Quant aux couples mariés, certaines périodes peuvent pousser, sinon forcer, à s’abstenir de toute activité sexuelle.
Les couples peuvent pieusement décider de pratiquer l’abstention périodique selon le Planning Familial Naturel en vue d’espacer les naissances. Il se peut aussi que des couples soient physiquement séparés pour des raisons professionnelles ou par des obligations militaires. Certains couples, écoutant St. Paul, peuvent restreindre un certain temps leur activité sexuelle pour se consacrer davantage à la prière. C’est un célibat bien vécu qui révèle le mieux la possibilité de vivre les appels à la chasteté en telles circonstances.
En conclusion, le mariage reçoit par le choix du prêtre célibataire le don de noblesse qui lui incombe ; la dignité du mariage tient son mérite d’un tel sacrifice. En même temps, on rappellera les limites du mariage face aux fallacieuses tentations d’autres biens, aux attentes malsaines irréalistes qui ne satisferont jamais les humains.
L’oubli de sa valeur relative, moyen et non pas fin, que c’est une vocation et non un droit, aboutit à l’erreur répandue sur le mariage. D’une part, le mariage semble être le bien le plus intense de l’existence, et simplement impossible à empêcher à quiconque. D’autre part, cette idée du mariage est contredite par une sous-estimation relative de la durée du mariage, de son essence fondamentale, la procréation, et de son importance fondamentale pour la cohésion sociale et le développement culturel.
Le prêtre qui adopte le célibat au profit du Royaume propose par son témoignage vivant un éclairage dans la confusion entre dignité et beaué du mariage et, en comparaison, dans la valeur d’autres biens.
Supprimer l’obligation de célibat pour les prêtres n’est pas la méthode pour faire face aux transgressions sexuelles au sein du clergé. Une bonne sélection rigoureuse de candidats capables, sains, spirituellement sérieux à l’entrée des séminaires, et une formation solide, cohérente, exigeante : voici une réponse au souci compréhensible du Professeur Carlin.
Autrement, si on perdait le trésor du célibat, on découvrirait qu’on a fait bien peu pour renouveler la prêtrise et l’Église, et beaucoup pour réduire son impact et son témoignage face à la culture sexuelle révolutionnaire en effaçant le témoignage incomparable des prêtres de paroisses qui ont adopté le célibat au profit du Royaume des Cieux.
4 juillet 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/04/hold-your-fire-on-celibacy/