Nutrition artificielle : entre soin, exigence éthique et acharnement thérapeutique

Nutrition artificielle : entre soin, exigence éthique et acharnement thérapeutique

Le Docteur Diana Cardenas, docteur en médecine et en philosophie, s’interroge sur le statut de la nutrition artificielle qui fait régulièrement  l’objet de débats, notamment pour les personnes en fin de vie ou dont l’état de conscience est altéré. Considérée par la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 comme un « traitement qui peut être arrêté dès lors qu’il devient une obstination déraisonnable», est-ce un « soin de support » ou une « thérapeutique » ?

Le « support nutritionnel » ou « nutrition médicale » ou encore « nutrition artificielle », développée il y a quarante ans, est considérée comme « une véritable révolution de la médecine » : elle permet de nourrir les personnes malades soit par voie buccale, parentérale (en passant par un cathéter introduit dans une veine) ou entérale (en passant par une sonde dans l’estomac ou l’intestin). Elle a un « effet sur le cours de la maladie », prolongeant « la vie de malades qui autrefois auraient succombé par dénutrition », car elle « permet de fournir de manière adaptée et adéquate les besoins individuels en nutriments ». Mais si l’objectif principal est de nourrir la personne malade, il ne faut pas oublier « le caractère symbolique et affectif de l’acte de nourrir, même de manière artificielle ».

Le Docteur Cardenas rappelle également que la nutrition artificielle a des « effets secondaires scientifiques démontrés », que le « nutriment n’est pas uniquement ce qui nourrit mais aussi ce qui ‘soigne’ » et se rapproche ainsi du « médicament ». En prenant en compte ces éléments, « nourrir la personne malade constitue-t-il un acte thérapeutique ou un soin de support ? S’agit-il de guérir, de soutenir une fonction vitale ou de participer au confort du malade ? ».

Pour le Docteur Cardenas, « il n’y a pas de place pour ce clivage. L’acte de nourrir la personne malade doit être évalué dans la perspective du soin et participer à la guérison du patient ». Ce « double-statut » de soin et thérapeutique « engendre une tension constante entre ces deux conceptions », notamment s’il n’est pas reconnu. Ce peut être le cas d’un patient et de sa famille pour qui « le lien affectif et symbolique lié à l’alimentation s’avèrera d’emblée prioritaire ». Dans cette situation, la nutrition devra être considérée comme un soin, « un égard envers autrui qui implique d’aller au-delà de la dimension purement biologique pour maintenir l’aspect symbolique et affectif qu’implique l’acte de se nourrir ». L’ « alimentation orale de confort » vise ainsi non pas « des objectifs quantitatifs nutritionnels », mais « le confort » et parfois « l’accompagnement jusqu’au décès ». Dans le cas d’un patient mourant, il peut toutefois être nécessaire de « considérer l’absence totale de nutrition comme un acte éthique qui dans aucun cas ne serait la manifestation d’une maltraitance ou d’une pratique d’euthanasie ». A l’inverse, dans le cas de patients en état chronique de conscience altérée, la nutrition a une finalité de maintien en vie, qui peut parfois se rapprocher de l’acharnement thérapeutique ; mais elle peut aussi demeurer une exigence éthique, si elle a un effet sur l’évolution de la maladie.

 

Source Généthique.org

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