Aux premières années du règne de Louis XIV, le jeudi 25 mars 1649, aux Plantées, (petit village du diocèse de Grenoble) : dans ce hameau situé à une lieue du bourg, vivent une vingtaine de personnes, parmi lesquelles Pierre Port-Combet. Pierre est huguenot tandis que son épouse Jeanne Pélion est catholique.
En ce temps-là, les grandes fêtes religieuses sont obligatoirement chômées par tout le Royaume : c’est le cas du 25 mars, fête de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie.
Mais Pierre n’a que faire de cette grande fête mariale et, passant outre à la stricte défense du travail, malgré les supplications de son épouse, il prend sa serpette et entreprend de tailler l’amarinier (osier) qui se trouve devant sa maison.
Après quelques instants de labeur, il constate que sa serpette et ses vêtements sont couverts de sang. Croyant s’être blessé, il rentre chez lui et, aidé par Jeanne, se nettoie… Mais il ne se trouve point de blessure.
Accompagné de son épouse il retourne près de l’arbre, reprend son travail : l’un comme l’autre constatent alors que le sang coule des coupures de l’osier.
Un voisin qui passe est témoin de la scène. La rumeur de ce fait extraordinaire se répand.
Pierre est poursuivi et condamné par la justice du Roi pour avoir bravé l’interdiction de travailler en ce jour de fête. Il sera ensuite interrogé par une commission d’enquête religieuse diligentée par Monseigneur Scarron, Prince-Evêque de Grenoble.
L’événement est jugé d’importance par les autorités religieuses, et il va largement dépasser les frontières de la région. Un an plus tard il fera même l’objet d’une publication dans la « Gazette parisienne » de Théophraste Renaudot, sous le titre « Nouvelle Extraordinaire ».
Les pèlerins commencent à venir prier autour de l’osier miraculeux.
Mars 1657 : huit années ont passé.
Ce matin-là, Pierre laboure son champ, au sud du hameau. Le dit hameau s’est déjà pourvu d’une chapelle… et de quelques estaminets !
Tandis donc qu’il est à son labour, Pierre est interpellé par une belle dame qu’il ne connaît pas mais qui va lui montrer qu’elle le connaît bien : elle l’interroge sur la fréquentation du petit sanctuaire, puis elle lui reproche sa religion et lui annonce une mort prochaine qu’elle « ne pourra protéger, s’il ne change pas ». Elle demande aussi des prières plus ferventes de la part de ceux qui viennent à la chapelle de l’Osier.
Quelques semaines plus tard Pierre tombe malade ; il comprend que sa fin est proche et se remémore le message et l’avertissement de la belle inconnue (« la plus belle créature qui se puisse jamais voir au monde » selon ses propres termes), il abjure les erreurs calvinistes et se convertit au catholicisme avant de mourir, le 21 août 1657.
Une croix et une chapelle sont alors érigées à l’emplacement de la rencontre avec la belle Dame.
L’apparition de 1657, la conversion de Pierre Port-Combet, les nombreux miracles attestés qui se produisent dans les semaines et les mois suivants, établissent la notoriété du sanctuaire. On y vient en pèlerinage de tout le diocèse mais aussi des provinces avoisinantes. Il y a jusqu’à dix prêtres résidant à l’Osier.
Dès 1664, les Augustins de Vinay sont appelés à remplacer les séculiers, ils prennent sérieusement en charge le pèlerinage et construisent, entre 1668 et 1673, un grand couvent (qui sera malheureusement totalement détruit dans un incendie à Noël 1948).
Les miracles se succèdent au rythme des pèlerinages : 27 reconnus entre 1656 et 1660, 9 entre 1661 et 1670. Ainsi le sanctuaire, terre de miracles, va-t-il connaître plus de 100 ans d’une intense activité religieuse.
Le 18 novembre 1790, les moines Augustins sont chassés de l’Osier. La Révolution, ici comme ailleurs, va bouleverser la vie du village. L’église est pillée, et bon nombre des objets de culte détruits. Les morceaux de la statue de la Vierge et les restes de l’osier sanglant sont cachés dans les bois par les habitants.
La Restauration verra le retour de quelques prêtres, mais le sanctuaire ne retrouvera pas sa fréquentation passée.
En 1830, Notre-Dame-de-l’Osier est érigée en paroisse. Puis, en 1834, la toute jeune Congrégation des Oblats de Marie Immaculée est appelée pour s’occuper du pèlerinage.
Les Oblats construisent l’Hospice de Bon-Rencontre en 1840 et créent une communauté d’Oblates chargée de l’hospitalité des pèlerins lors de leurs séjours à l’Osier. En 1841, ils ouvrent un noviciat qui recevra jusqu’à 70 pensionnaires par an. Cette maison de formation religieuse donnera à l’Afrique, aux Indes et à l’Amérique du Nord bon nombre de missionnaires.
La révolution de 1848 épargnera le sanctuaire.
En 1856, l’inauguration de la tour jointe à la chapelle de Bon-Rencontre (lieu d’apparition de la Vierge) attire 30.000 pèlerins. Le 17 mai 1858, les Pères Oblats posent la première pierre d’une nouvelle église, l’actuelle basilique, sur les plans d’Alfred Berruyer. Sa construction durera 10 ans, mais elle ne sera jamais terminée, faute d’argent ! Elle restera sans les flèches de ses clochetons et sans le campanile qui, sur sa droite, devait supporter les cloches. Inaugurée en 1868, consacrée le 8 septembre 1873, elle sera érigée en Basilique Mineure par Pie XI en 1924.
Les décrets de 1880 contre les congrégations religieuses, entraîneront, le 4 novembre, l’expulsion des Oblats de Marie Immaculé, mais, avec la complicité des habitants, ils resteront dans le village. La laïcisation de l’école communale, en 1895, les conduira à ouvrir une école libre, tenue par les soeurs de l’hospice. Après le vote de la loi contre les congrégations religieuses du 1er juillet 1901, le noviciat quittera définitivement l’Osier pour l’Italie : 62 générations, soit 1346 novices auront été formés à l’Osier, 542 resteront Oblats jusqu’à leur mort, 12 deviendront évêques, 3 supérieurs généraux, et un, Joseph Girard, sera canonisé. L’école libre sera fermée le 20 avril 1903, les soeurs expulsées. Les Oblats subiront le même sort le 16 juin 1903.
Le 27 juillet 1908, les Oblats reprennent possession du sanctuaire et redonnent au pèlerinage tout son éclat. En 1923, 10.000 pèlerins assistent au cinquantenaire du Couronnement de la Vierge.
De nouveaux miracles sont signalés : 8 sont recensés entre 1834 et 1939. Signalons particulièrement celui-ci, le dernier à avoir été officiellement enregistré : en 1915, Paul Brichet, de Saint-Jean-en-Royans, invalide de guerre, réformé pour rhumatismes articulaires contractés dans les tranchées, vient en pèlerinage à l’Osier, il repart guéri, laissant ses béquilles et un ex-voto en remerciement.
Aujourd’hui, le sanctuaire de Notre-Dame de l’Osier a perdu beaucoup de sa notoriété : le modernisme, le rationalisme, le faux oecuménisme qui se sont introduits dans l’Eglise catholique au cours de la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à laisser de côté cette apparition et le message de la Très Sainte Vierge demandant la conversion du huguenot… On ne peut donc que saluer les efforts actuels entrepris pour redonner vie au sanctuaire.