A l’occasion de l’anniversaire de la mort du Pr Lejeune, Nicolas Sevilla, Secrétaire-Général, de la Fondation Lejeune évoque pour le Rouge et le noir, la Fondation, la vie, les révisions des lois de bioéthique
N : Nicolas Sévillia, présentez-vous et parlez-nous de votre mission au sein de la Fondation.
NS : J’ai 36 ans, je suis marié et père de cinq enfants. Depuis septembre 2015, j’occupe la fonction de Secrétaire général de la Fondation Jérôme Lejeune. La Fondation, qui compte aujourd’hui une vingtaine de salariés, a été créée il y a 25 ans par l’épouse du Professeur Lejeune, Madame Birthe Lejeune et son gendre, Jean-Marie Le Méné, qui la préside depuis. Thierry de La Villejégu, son Directeur général, et Jean-Marie Le Méné m’ont confié entre autres missions celle du développement de son réseau. Je dois notamment convaincre les jeunes générations de s’engager avec nous aujourd’hui, en partant de l’œuvre et de la vie romanesque de Jérôme Lejeune, pour en faire des ambassadeurs de la vie demain. L’engagement des jeunes générations est ce qui donne de la vitalité à la Fondation Jérôme Lejeune et qui en donnera encore dans 5 ans, 10 ans, 20 ans.
R&N : Le 4 mars dernier se tenait le semi-marathon de Paris. Les couleurs de la Fondation étaient représentées sur les 21 kilomètres, notamment par cette jeune génération que vous souhaitez toucher.
NS : Le Semi pour la Vie a remporté un véritable succès, grâce à l’action conjuguée de jeunes entrepreneurs dynamiques emmenés par Enguerrand Boissonnet et de cinq cent supporters qui ont rappelé combien il était important de soutenir la Fondation Jérôme Lejeune aujourd’hui. L’Institut que nous avons créé en 1997 propose en 2018 à ses 9000 patients, dont 80% souffrent de trisomie 21, une consultation spécialisée grâce à une équipe pluridisciplinaire composée d’une trentaine de professionnels. La Fondation finance la consultation mais elle consacre aussi une grande part de son budget (4 millions d’euros par an) à la recherche thérapeutique. Elle initie et pilote des programmes de recherche à la fois fondamentale et clinique. Elle est quasiment seule à financer la recherche thérapeutique sur la trisomie 21, mais aussi à défendre la dignité et l’honneur de ces enfants éliminés de manière presque systématique avant la naissance. La Fondation Jérôme Lejeune ne fait pas que dénoncer cette injustice. Elle agit concrètement en ouvrant sa porte chaque jour aux enfants rescapés de cet eugénisme.
R&N : Pouvez-vous nous parler des états généraux de la bioéthique ? Quelle position a la Fondation Jérôme Lejeune dans le débat ?
NS : Ce que l’on appelle aujourd’hui « la » loi de bioéthique, était à l’origine trois lois. Les deux principales avaient pour objectif de légiférer sur la question du respect du corps humain, sur l’utilisation des produits du corps humain ainsi que sur l’assistance médicale à la procréation, aujourd’hui appelée PMA, et sur le diagnostic prénatal.
La Fondation Jérôme Lejeune dénonce depuis longtemps des pratiques médicales qui violent les principes généraux de protection de la personne humaine, notamment avec les pratiques de la PMA et de la Recherche sur l’embryon pourtant interdite à l’origine.
La PMA pose de nombreux problèmes éthiques graves, et la Fondation Jérôme Lejeune s’oppose tout particulièrement à la sélection embryonnaire qui conduit à l’élimination des embryons porteurs de maladies génétiques. Nous dénonçons cette logique qui consiste à éliminer un être humain parce qu’il serait imparfait, au bon gré du désir des adultes mais aussi bien sûr du marché. Car les Français doivent bien comprendre qu’il y a un marché gigantesque et très juteux derrière la Procréation médicalement assistée.
La Recherche sur l’embryon comporte elle aussi des enjeux éthiques majeurs, car elle touche d’abord le cœur de la vie de l’enfant à naître, en gestation, dans sa période de fragilité la plus grande. Il y a là une vision utilitariste qui nie la nature humaine de l’embryon, et qui le domine, l’utilise, alors qu’il devrait être protégé.
R&N : Les révisions des lois bioéthiques sont complexes, alors comment s’emparer aisément du sujet ?
NS : La Fondation Jérôme Lejeune vient de lancer un nouveau cycle de conférences pour présenter les enjeux de la révision de la loi de bioéthique. Intitulées « De la PMA à l’euthanasie : comprendre les enjeux de la révision de la loi de bioéthique », ces conférences visent à sensibiliser le grand public sur la PMA, la recherche sur l’embryon et l’euthanasie. Nul n’a besoin d’être docteur en médecine ou en droit pour défendre l’embryon. Il suffit d’être animé par le bon sens et le respect du droit naturel.
Nous proposons à ceux qui souhaitent intervenir dans les débats publics des bons arguments et quelques pistes d’action. La Fondation Jérôme Lejeune a par ailleurs publié un manuel pour les jeunes sur la Procréation Médicalement Assistée, accessible à tous et disponible gratuitement sur son site internet.
R&N : Le 21 mars dernier se tenait la journée mondiale de la trisomie 21. Comment, selon vous, la société actuelle perçoit-elle les personnes trisomiques ?
NS : La société accueille mieux aujourd’hui en apparence les personnes porteuses de trisomie 21 et de multiples initiatives le démontrent : l’engouement autour de la jeune Mélanie qui réalisa son rêve l’an dernier en présentant la météo sur France 2, mais aussi le succès des restaurants, Le Reflet ou le Chromosome à Nantes qui emploient des personnes trisomiques, ou bien encore la création récente des cafés Joyeux. Je dis en apparence car dans le même temps les progrès du dépistage nous laissent craindre dans quelques années l’éradication totale, non pas de la maladie, mais des malades eux-mêmes. Il y a ainsi urgence, comme le disait le Professeur Lejeune, à « sauver ces enfants de leur innocence pour mettre fin au massacre des innocents » ; la Fondation qui porte son nom y travaille tous les jours, en y engageant toute son âme. Nous pouvons également méditer et partager ce magnifique témoignage de Frank, jeune trisomique, à L’ONU le 21 mars dernier : « Considérez-moi comme un homme, non comme une anomalie congénitale ou comme un syndrome. Je n’ai pas besoin d’être supprimé. J’ai besoin d’être aimé, mis en valeur, éduqué et, parfois, aidé. (…) une vie avec la trisomie 21 peut être aussi belle que n’importe quelle autre ».
R&N : Vous estimez que la jeunesse a besoin de héros et Jérôme Lejeune peut être ce héros, ce modèle. Qu’en est-il de son procès de béatification ?
NS : C’est l’association des amis du Professeur Jérôme Lejeune, créée juste après sa mort, qui porte aujourd’hui la cause de béatification. Après beaucoup d’étapes franchies avec succès depuis l’ouverture de l’enquête diocésaine en 2007, la Positio a été remise il y a quelques mois à la Congrégation des Causes des Saints. Ce document de 1000 pages, analyse les vertus théologales, cardinales et mineures du Serviteur de Dieu à partir de tous les documents et témoignages réunis lors de l’enquête diocésaine. Aude Dugast, Postulatrice de la Cause de canonisation de Jérôme Lejeune, étudie maintenant tous les témoignages de grâces et de “guérisons” reçus afin d’évaluer si certains dossiers peuvent être proposés à l’étude des experts scientifiques et théologiens en vue de la reconnaissance d’un miracle. N’hésitons pas à confier nos malades à Jérôme Lejeune ! Les lecteurs du Rouge et du Noir sont d’ailleurs invités à la messe pour la vie, mercredi 4 avril.