de Casey Chalk, traduit par Pierre pour France-catholique :
Le scandale actuel des abus sexuels déclenche une avalanche de commentaires à propos de la structure du catholicisme. Robert Tracinski, dans “The Federalist” déclare que le modèle recommandé à certaines personnes dotées d’une autorité divine est en conflit avec la nature humaine car le catholicisme implique le rejet de la capacité à porter soi-même des jugements. Un article d’Angela Bonavoglia déclare que ceux qui soutiennent l’œuvre du Christ doivent se trouver parmi… ; femmes, hommes, “gays”, “hétéros”, “trans”, jeunes comme âgés. Ils doivent représenter les vues des réformateurs sur la prêtrise pour tous les croyants.
De tels appels ne révèlent rien moins qu’une requête en “Protestantisation” de l’Église catholique, ranimant la récente assertion de réformateurs pour qui tous les chrétiens sont habilités à définir pour eux-mêmes la vérité sur Dieu et l’Église.
Martin Luther attaquait la hiérarchie de l’Église catholique selon le principe de la prêtrise de tous les croyants. Luther, dans De la Captivité à Babylonel’expliquait ainsi :
Comment donc, s’ils doivent admettre que nous sommes tous également prêtres, tant d’entre nous étant baptisés, nous sommes donc vraiment prêtres ; alors que ne leur est consacré que le Ministre (ministerium) que nous avons accepté (nostro consensu) ? S’ils l’admettent ils devraient savoir qu’ils n’ont aucun droit à exercer une quelconque autorité sur nous (ius imperi, dans un domaine qui ne leur a pas été confié) si ce n’est par nous-mêmes.
Pour Jean Calvin l’idée de prêtrise de tous les croyants était un moyen de saper la hiérarchie catholique, déclarant la prêtrise “une ignoble infamie et un blasphème intolérable à la fois envers le Christ et envers le sacrifice offert par Lui en mourant sur la croix.” Il appliqua les idées de Luther, définissant une ecclésiologie par laquelle les membres d’une paroisse élisaient un de leurs anciens, laïc, pour diriger leur assemblée de chrétiens.
L’idée de “prêtrise de tous les croyants” repose sur un précédent biblique, ce qui explique l’argumentation des réformateurs. Saint Pierre incite l’Église à accepter l’appellation de “sainte prêtrise par l’offrande de sacrifices spirituels acceptables par Dieu grâce à Jésus Christ.” car nous sommes « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis… » [1 P, 2 59].
En fait, le Catéchisme de l’Église Catholique affirme :
« Toute la communauté des croyants est, comme telle, sacerdotale. Les fidèles exercent leur sacerdoce baptismal à travers leur participation, chacun selon sa vocation propre, à la mission du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. C’est par les sacrements du Baptême et de la Confirmation que les fidèles sont « consacrés pour être (. . .) un sacerdoce saint ». [CCC 1546]
Il faut cependant atténuer ces termes en reconnaissant qu’en fait Dieu a instauré des guides pour Son peuple, guides dont l’autorité ne saurait être mise en question par le caractère de prêtrise universelle. En fait, une anecdote de l’Ancien Testament propose un exemple frappant évoquant de façon troublante la théologie protestante, et le langage anti-épiscopal de certains catholiques :
Coré, fils de Yichar, fils de Qehat, fils de Lévi, Dâtan et Abiram, fils d’Éliab, et On, fils de Pélet (Éliab et Pélet étaient fils de Ruben) furent orgueilleux ; ils se dressèrent contre Moïse, ainsi que deux cent cinquante des Israélites, princes de la communauté, considérés dans les autorités, hommes de renom. Ils s’attroupèrent alors contre Moïse et Aaron en leur disant : « Vous passez la mesure ! C’est toute la communauté, ce sont tous ses membres qui sont consacrés, et Yahvé est au milieu d’eux. Pourquoi vous élevez-vous au-dessus de la communauté de Yahvé ? » [Nombres, 16:1-5].
Coré et toute sa clique soutiennent que Dieu a fait de tout Israël un peuple saint et que Moïse et Aaron n’ont aucun droit d’exercer une autorité sur eux. Ce n’est rien moins qu’une rébellion ouverte contre les dirigeants institués par Dieu, mais contre Dieu Lui-même. Moïse déclara aux rebelles : « C’est donc contre le Seigneur que vous et votre compagnie vous êtes coalisés. »
La réaction divine à cette traîtrise, dramatique, ne traîna pas :
Comme il (Moïse] achevait de prononcer ces paroles, le sol se fendit sous leurs pieds, la terre ouvrit sa bouche et les engloutit, eux et leurs familles, ainsi que tous les hommes de Coré et tous ses biens.
Ils descendirent vivants au shéol, vous saurez que ces gens ont rejeté Yahvé. ]Nombres, 16:31-33].
Tant pis pour ceux qui tentent de détruire les institutions établies pa Dieu en personne. Leur condamnation, nous disent les Écritures, tombe “instantanément”.
La position dominante de l’Église catholique procède d’une autorité telle que celle de Moïse — en fait, Jésus [Mt, 23:2], parle de domination des Juifs sur la chaire de Moïse, d’où ils tirent leur autorité sur le peuple de Dieu.
Nos évêques (et notre pape), en dépit des erreurs, fautes de jugement, péchés, qu’ils peuvent avoir commis, demeurent fermement installés sur cette chaire. En vérité, le Nouveau Testament nous enseigne en nombre de chapitres que la direction de l’Église repose sur l’autorité apostolique. Saint Paul, par exemple, traite de l’épiscopat conféré par l’imposition des mains [1Tm, 1:6, 4:14].
Reconnaître la main de Dieu dans la continuité du gouvernement de l’Église n’est nullement la remise d’un chèque en blanc à nos dirigeants — Dieu jugera leurs méfaits, et nous sommes fondés à demander qu’ils se tiennent face à leurs mauvais comportements et que des actions disciplinaires appropriées soient prises suite à des erreurs spécialement odieuses. Il faudrait parfois déplacer des évêques et des cardinaux — non par notre autorité (mais non, Luther !), mais par les autorités compétentes.
Quelque recours qu’on puisse exercer à l’encontre des dirigeants ecclésiastiques qui ont manqué, un sage conseil à suivre en ces temps de crise serait celui que Jésus donne suite à son rappel au sujet de la “chaire de Moïse”. Notre Seigneur déclare : « Pratiquez et suivez tout ce qu’ils vous disent, non ce qu’ils font ; ils prêchent, mais ne mettent pas en pratique. »
Citations bibliques : Bible de Jérusalem.
Source :https://www.thecatholicthing.org/2018/09/09/dont-protestantize-the-church/