Frères et sœurs,
Nous sommes des missionnaires de l’amour, disciples-missionnaires de l’amour que nous recevons du Christ Jésus. Cet amour divin dont Marie fut comblée et dont elle est revêtue éternellement dans son âme et dans son corps.
C’est la grâce que je suis venu demander avec vous aujourd’hui à Notre Dame de Pontmain, la grâce d’être une Eglise de disciples-missionnaires.
Et pourquoi prier à cette intention ? Parce que nous avons peur…
Nous avons peur comme tous les habitants de la Mayenne en ce mois de janvier 1871 où l’armée prussienne se trouvait aux portes de Laval. Nous avons peur comme les hébreux, acculés devant la mer des Roseaux tandis que les chars de Pharaon les poursuivaient. Nous avons peur comme les premiers chrétiens livrés à la persécution des empereurs romains, ces chrétiens auxquels s’adresse le visionnaire du livre de l’Apocalypse.
Et nous avons peur aujourd’hui des forces hostiles qui menacent la vie des chrétiens, notre civilisation judéochrétienne et aussi notre planète. De nombreux catholiques me disent qu’ils ont peur, notamment devant la montée de l’Islam qui prend avec force sa place dans notre pays.
Mais surtout, nous avons peur de témoigner de notre foi chrétienne, de l’amour du Christ et de notre appartenance à l’Eglise. Frères et sœurs, je ne connais qu’un seul remède à la peur, c’est la foi. Au cours de ce pèlerinage, je demande avec vous la grâce d’être guéris de la peur et fortifiés dans la foi, la grâce de devenir témoins de l’espérance que nous donne la foi dans le Christ Vivant. Je le demande par l’intercession de Marie, mère de la foi. Laissons-nous éclairer par la Parole de Dieu que nous avons proclamée en cette fête de l’Assomption de la Vierge Marie. Deux visions : la vision de Jean dans le chapitre 12 du livre de l’Apocalypse et la vision de Marie dans son Magnificat. Et j’ajouterai bien sûr la vision des enfants de Pontmain.
1 – Le visionnaire de l’Apocalypse nous donne à voir deux signes dans le ciel : une Femme et un dragon. Une vision catastrophe : le grand dragon veut dévorer l’enfant qui naît de la Femme. Nous reconnaissons Marie qui met au monde un fils. Dans le fils nous reconnaissons le Messie, Jésus le Christ, berger de toutes les nations. Il est poursuivi par le dragon Hérode qui veut le tuer. Le Messie est poursuivi par le Sanhédrin et le tribunal romain qui le condamnent à mort. Mais il est monté aux cieux, jusqu’auprès de Dieu et de son trône. Nous reconnaissons la pâque de Jésus et sa victoire décisive et définitive contre le grand dragon : le Christ est ressuscité, il est vivant à jamais, il est monté aux cieux, il est assis à la droite du Père. Tel est notre Credo. En Jésus, nous sommes vainqueurs. Et la femme s’enfuit au désert… Que signifie cette fuite de la Femme au désert ? La Femme est aussi l’Eglise dont Marie est la figure. Le visionnaire voit ici le destin de l’Eglise sur la terre. Pour un temps elle sera au désert. Pour un temps, elle est appelée à revivre l’Exode du peuple hébreu : la mer s’est ouverte, Dieu a vaincu le Pharaon, le peuple est libre, et Dieu le conduit pour un temps au désert. Frères et sœurs, nous sommes l’Eglise au désert, et nous avons nous-mêmes à vivre l’Exode du peuple de la Bible. Nous avons été plongés dans les eaux du baptême et nous sommes ressortis vainqueurs, ressuscités dans le Christ. Nous sommes un peuple libre, un peuple aimé de Dieu, infiniment. « Je te conduirai au désert, disait le prophète, et je te fiancerai à moi pour toujours ». Le désert est à la fois le lieu de la déclaration d’amour de Dieu et de l’épreuve qui purifie. Dans l’épreuve Dieu nous appelle à un surcroît d’amour et de foi, et en même temps il nous dit : « Je suis avec toi, tous les jours ». La vision de l’Apocalypse est une vision d’espérance.
2 – La vision de Marie dans son Magnificat est une vision d’espérance. Nous sommes appelés à un surcroît d’amour et de foi. Appelés à la foi qui guérit la peur. Appelés à croire comme Marie que Dieu réalise l’impossible. Magnificat ! Le Seigneur fait pour nous des merveilles. La vision de Marie est une vision d’espérance. « Il renverse les puissants de leurs trônes ». Vous le diriez, vous ? Tant de puissants écrasent les petits à la face de la terre… « Il élève les humbles ». Vous le diriez, vous ? Tant d’injustices, tant d’humiliés, tant d’opprimés, dans tant de pays… « Il comble de biens les affamés ». Vous le diriez, vous ? Oui, nous le chantons, dans la foi de Marie : Magnificat ! Dans le cœur du Christ, tout est accompli. Dans le sacré cœur de Jésus, tout est donné. C’est dans cette espérance de la Terre promise déjà offerte que nous traversons l’épreuve de nos déserts. « Heureuse es-tu, Marie, toi qui as cru en l’accomplissement des promesses de Dieu ». Telle est notre foi de chrétiens : tout est accompli. « Le Christ a mis tous ses ennemis sous ses pieds, dit saint Paul, et le dernier ennemi, c’est la mort ». C’est le chant des baptisés dans le ciel : « Voici le salut, voici la puissance et le règne de Dieu en Jésus-Christ ». Nous croyons en la puissance de l’Eternel Amour que le Père a rendu visible en Jésus-Christ et qu’il répand sur nous en son Esprit Saint.
3 – La vision des enfants de Pontmain Dans ce sanctuaire, nous sommes tous marqués par la vision des enfants le 17 janvier 1871 : Eugène, 12 ans ; Joseph, 10 ans ; Françoise, 11 ans ; Jeanne-Marie, 9 ans ; Augustine, 12 ans ; Eugène, l’enfant chétif et malade ; Augustine, 25 mois, dans les bras de sa maman ; le fils du charpentier, 4 ans. Tous, les uns après les autres, ils voient. Le père ne voit pas, la mère ne voit pas, sœur Vitaline et sœur Marie Edouard ne voient pas. Les enfants voient, les adultes ne voient pas. Comment ne pas entendre l’appel de Notre Dame de Pontmain à retrouver un cœur d’enfant ? « Priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher ». Priez, priez, priez, avec un cœur d’enfant, plein de confiance. Alors nous serons guéris de nos peurs et pourrons dire comme les habitants de Pontmain : « Toutes les armées du monde seraient à nos trousses que nous n’aurions pas peur ». La foi guérit la peur. Et plus particulièrement la peur de témoigner. Demandons la grâce d’être fortifiés dans la foi. Qu’à la prière de Marie, nous ayons l’audace de témoigner de notre foi, en paroles et en actes. Demandons l’audace des disciples-missionnaires à laquelle ne cesse de nous appeler le pape François. Sainte Marie, mère de l’Eglise, priez pour nous. Sainte Marie, mère des familles, priez pour nous. Notre Dame de Pontmain, priez pour nous. Notre Dame de l’Assomption, priez pour nous. AMEN.
Mgr Dufour, archevêque d’Aix et Arles