La dénonciation des « Mutilations des personnes intersexes » figure parmi les revendications de plusieurs marches des Fiertés annoncées ce week end : ces termes visent les opérations chirurgicales réalisées sur des nouveaux-nés présentant des anomalies du développement génital (ADG), bébés pour lesquels il est difficile de dire à la naissance s’ils sont garçon ou fille en présence d’organes ambigus.
Certaines personnes aujourd’hui adultes ont beaucoup souffert d’une prise en charge défectueuse dans leur enfance entrainant des souffrances physiques et psychologiques graves.
Parmi ces personnes, certaines militent pour que les bébés ne soient plus opérés et que, plus généralement, l’ambiguïté sexuelle ne soit plus considérée comme une anomalie mais comme un mode d’être au même titre qu’homme ou femme : ils se revendiquent comme des personnes « intersexes » ou « intersexuées ».
Juristes pour l’enfance alerte sur l’instrumentalisation de ces bébés par des personnes qui réclament de l’intersexuation, terme qui regroupe des situations très variées qui ne sont pas nécessairement liées à une anomalie des organes génitaux.
L’association s’étonne que le Conseil d’État, dans son rapport sur la bioéthique, recommande de différer les interventions chirurgicales sur les enfants et « d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision » (Conseil d’Etat, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 28 juin 2018, p. 139).
En effet, Juristes pour l’enfance rappelle que l’enfant a des parents dont le rôle est, précisément, de prendre les décisions médicales le concernant : faudrait-il aussi cesser d’intervenir sur des « variations » liées à l’audition ou à la vue (ou tout autre aspect), pour attendre que l’intéressé exprime son ressenti et son choix d’entendre ou de ne pas entendre ?
Sachant qu’un couple de femmes sourdes a choisi un donneur de sperme atteint lui aussi de surdité pour avoir un enfant sourd, et que certains estiment que la surdité n’est pas un handicap mais une «identité culturelle», la négation des pathologies expose les enfants à une privation de soins qui pourrait se généraliser.
Sous prétexte d’attendre pour demander son consentement à l’enfant, on le priverait des soins que la médecine est en mesure de lui offrir : la prise en charge a en effet beaucoup évolué en ce qui concerne tant les outils de diagnostic que la concertation avec les parents et la médecine donne à de nombreux enfants la possibilité de grandir dans un sexe le mieux identifié possible pour qu’ils puissent dès leur plus jeune âge s’identifier fille ou garçon.
D’un strict point de vue médical, nombre d’opérations chirurgicales gagnent à être réalisées le plus tôt possible.
Du point de vue du psychisme, attendre pour demander son avis à l’enfantlui impose de grandir sans sexe déterminé, ce qui l’expose à une violence non moindre que celle que l’on pense éviter. Christian Flavigny et Michèle Fontanon-Missenard, pédopsychiatres et psychanalystes, expliquent qu’ « il est illusoire d’estimer qu’un enfant pourrait ainsi développer une capacité de jugement, la maturation psychique étant dépendante de l’établissement de la sexuation: on ne peut grandir enfant puis se définir garçon ou fille, l’enfant ne grandit qu’en tant que «garçon ou fille». Le laisser dans l’attente, « c’est donc démissionner du rôle des adultes à son égard qui est d’assurer à l’enfance une suffisante insouciance pour découvrir le monde, c’est le livrer à l’utopie d’une décision future qui hantera en vain son éveil psychique » (Christian Flavigny, Michèle Fontanon-Missenard, pédopsychiatres et psychanalystes, Le Figarovox, 17/05/2019).
Juristes pour l’enfance rappelle que le bébé, comme tout patient, a le droit de recevoir les traitements et soins les plus appropriés à son état de santé (article L1110-5 du code de la santé publique), droit qui constitue une liberté fondamentale (Conseil d’Etat, 13 déc. 2017).
Le report de l’intervention médicale en présence d’anomalies du développement génital expose les patients nouveau-nés à une privation de soins, faisant d’eux les petites victimes des revendications d’adultes en souffrance. Si la souffrance des uns ne doit pas être minimisée, elle ne saurait justifier la privation de soins d’autrui.
Juristes pour l’enfance