À Lourdes (Hautes-Pyrénées), le 25 mars 1858, la Dame qui apparaît à Bernadette Soubirous depuis des semaines révèle enfin son nom : « Que soy era immaculada councepciou » (« Je suis l’Immaculée Conception »).Cela faisait alors quatre ans que le dogme de l’Immaculée Conception faisait partie de la foi catholique. Mais cela faisait déjà plusieurs siècles que la Vierge était célébrée sous ce nom, le 8 décembre.
Repartons du commencement. De tout temps, les chrétiens ont vénéré Marie. Elle est représentée dans les catacombes. Elle est reconnue comme la Mère de Dieu au concile d’Ephèse (Turquie actuelle) en 431, une Mère toute sainte, que le péché n’a pu toucher. On ne se croyait pas obligé d’en dire davantage. Comme on ne se croyait pas obligé de mettre des mots pour définir comment le Christ est réellement présent dans l’Eucharistie. Cela allait de soi, pour le croyant.
Un désaccord initial. Mais, avec le temps, des questions se posées qui n’avaient pas été aperçues d’abord. Que Marie n’ait pas péché personnellement, nul, ou presque, ne le contestait. Dans le comportement de son Fils, elle n’avait pas toujours tout compris mais elle ne l’a jamais renié. Elle est présente au pied de la Croix. Pourtant saint Paul a dit que « tous ont péché » (Romains III, 23). La faute d’Adam a des suites… L’Humanité est blessée, c’est le péché originel. A-t-il atteint celle qui serait appelée à devenir la Mère de Dieu ? Au Moyen Âge, Franciscains et Dominicains ne sont pas du même avis sur ce point. Les Franciscains et la faculté de théologie de la Sorbonne sont favorables à l’Immaculée Conception. Le franciscain Jean Duns (1265-1308) est l’auteur de la maxime « Potuit, decuit, fecit » (« Dieu pouvait préserver sa Mère du péché de la race, il convenait qu’il le fît et il l’a fait »). Saint Thomas d’Aquin et, avant lui, un grand dévot de la Vierge, saint Bernard de Clairvaux, pensent quant à eux que la parole de saint Paul ne souffre pas d’exception et que la Vierge Marie, si sainte soit-elle, n’a pas été exempte du lot commun de l’Humanité.
La décision du Concile de Trente. Par la Constitution Grave nimis (1483), le pape Sixte IV interdit au XVe siècle aux tenants de l’une ou l’autre position de s’invectiver : ni les uns, ni les autres ne sauraient « se rendre coupables d’hérésie ou de péché mortel, puisque la chose n’a pas encore été décidée par l’Église romaine et le Siège apostolique ». Le Concile de Trente (1545-1563), en publiant son décret dogmatique sur le péché originel, dans lequel il est établi et défini que tous les hommes naissent atteints du péché originel, déclare pourtant d’une manière solennelle qu’il n’a pas l’intention de comprendre dans ce décret la bienheureuse et Immaculée Vierge Marie et approuve la sage mesure de Sixte IV. Par cette déclaration, les Pères du Concile de Trente font entendre que l’Immaculée est exempte de la tache originelle.
Priée avant d’être définie. L’absence de définition dogmatique n’a pas empêché les chrétiens de célébrer la conception de Marie sans péché, inspirés par le récit de l’Annonciation : Marie est « comblée de grâce » (Luc I, 28). Dès les premiers siècles du christianisme, tant en Orient qu’en Occident, on célèbre la pureté de Marie qui est « Panaghia », toute sainte, sanctifiée par l’Esprit-Saint. Selon les lieux, la fête de l’Immaculée Conception apparaît à diverses époques, avant de devenir universelle en 1602. En l’absence de dogme, l’appellation « Marie conçue sans péché » se répand, particulièrement après les apparitions de la rue du Bac à Paris en 1830. La Vierge demande à Catherine Labouré de faire frapper une médaille portant ces mots : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » Sans se prononcer sur les apparitions elles-mêmes, l’archevêque de Paris autorise la frappe de la médaille que l’on dira vite miraculeuse et qui est reproduite à des millions d’exemplaires. Bernadette Soubirous elle-même la portait.