Le 15 juin, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avoue « son extrême inquiétude » devant « l’expansion rapide du marché international » des mères porteuses. Son avis est unanime : maintenir et renforcer sa prohibition dans la loi française qui dit clairement non à la « réification de l’enfant » et à « l’exploitation de la femme », et élaborer une convention internationale pour son interdiction.
Le 5 juillet, la Cour de cassation décide que les parents français d’intention, hétérosexuels ou homosexuels, ayant recours aux mères porteuses, peuvent être parents de l’enfant pourtant né à l’étranger d’une femme qui l’a porté. La Cour escamote ainsi la « fraude à la loi » qu’elle avait pourtant invoquée hier pour refuser ce qu’elle autorise aujourd’hui.
Le CCNE et la Cour évoquent l’intérêt de l’enfant, qui, selon l’Onu, est « primordial ». Pour la Cour, il s’agit de tel enfant concret qui vit déjà dans sa famille, que celle-ci, du côté des adultes, soit composée d’un homme et d’une femme ou de deux hommes. Son intérêt consiste à y rester, comme un enfant à part entière. La Cour ne se prononce pas sur l’intérêt des enfants en général. Là serait l’éthique de responsabilité !
Est-il responsable d’utiliser le corps d’une femme et cette femme elle-même – souvent pauvre – comme un « moyen » de produire un enfant, au lieu de la respecter comme une « fin » selon sa dignité ? Est-il responsable de provoquer l’abandon d’enfant, ce que la loi française interdit, alors qu’on sait quels liens se tissent entre la mère et l’enfant durant la grossesse ? Est-il responsable de le priver délibérément d’une mère en lui assignant d’emblée deux pères, biologique et adoptif ? Est-il responsable de passer outre à la « fraude à la loi » en autorisant juridiquement les effets de ce qu’elle interdit ?
« Consentir au réel »
Être responsable, c’est consentir au réel de la filiation. Tout enfant naît d’une femme. Mater semper certa est, proclament le droit romain et notre droit. Telle est la force symbolique – et non seulement biologique – qui donne solidité à la filiation. Renvoyer cette certitude pleine de sens à une nébuleuse illisible engendre des fragilités et ébranlera notre corps social.
Refuser le réel, c’est s’autoriser à bricoler la filiation à l’aune de nos désirs d’adultes. Or, ces désirs n’ont pas toujours – loin s’en faut – valeur structurante pour un corps social.
Celui-ci a besoin de s’engendrer au cours de l’histoire sur la base de forces symboliques qui lui donnent une solide assurance sur le sens de son « humanité ».
La Cour explique que le droit au respect de la vie privée « exige que chacun puisse établir les détails [et la substance] de son identité d’être humain, y compris sa filiation ». Comment cela est-il possible par un « contrat », financier ou non, qui fait de l’enfant un « objet produit »,selon le mot du CCNE, et qui le sépare de la « mère » dont il est né ?
Consentir au réel, c’est reconnaître que la « disjonction » délibérée ainsi opérée dans la filiation relève d’un arbitraire sans autre justificatif qu’un contrat, dont la fragilité au regard de l’inviolable dignité humaine est aveuglante.
L’éthique, promue grâce au dialogue responsable, est source de progrès, pourvu qu’elle imprègne l’esprit des lois. La loi s’exténue quand elle se met au service de désirs individuels. Elle est éloquente quand elle défend l’intérêt général.
La France est à la croisée des chemins. Parlera-t-elle à nouveau au monde en faisant le choix exigeant et primordial du respect de la filiation chez l’enfant ?
Le président Macron, qui a dit son opposition à la GPA, marquerait durablement l’histoire en accomplissant une grande oeuvre politique : promouvoir une convention internationale prohibant la pratique et le marché des mères porteuses.