La préparation au mariage
Synodes des évêques 2014 et 2015 – exhortation apostolique post synodale Amoris Laetitia
1) Un appel prophétique :
-accompagnement – discernement – intégration
2) Une intention pastorale :
– la préparation s’inscrit sur un temps long – renouveler nos propositions – la préparation lointaine – la préparation proche – la préparation immédiate – accompagner les premières années de la vie matrimoniale
3) Conclusion
Le 19 mars 2016 paraissait l’exhortation apostolique post synodale Amoris Laetitia du pape François. Ce texte, particulièrement dense, a été élaboré au terme d’un long processus synodal (synodes de 2014 et 2015) après une large consultation des églises locales.
La préparation au mariage a été un sujet important du synode sur la famille. Le rapport final d’octobre 2015 invite à distinguer plusieurs temps pour repenser l’appel au mariage : “la préparation directe au mariage fait partie d’un parcours plus large sur la vocation” (Rapport final n°57).
Cette notion d’étapes dans la préparation au mariage sera reprise par le pape François dans Amoris Laetitia qui distinguera préparation lointaine, proche et immédiate.
Le Synode a également insisté sur l’importance de la mise en place d’un parcours de type catéchuménal. Certains évêques hispaniques n’hésitaient pas à évoquer la possibilité d’une sorte de “noviciat” préparatoire au mariage, alors que des évêques africains faisaient référence pour leur part aux questions liées aux mariages coutumiers, à la constitution de la dot et au mariage civil comme des étapes possibles avant le sacrement. (La Croix 13/10/2015)
Amoris Laetita, fruit des deux synodes, aura su entendre la multiplicité des réalités de terrain. C’est un document riche. Le Pape lui-même “ne recommande pas une lecture générale hâtive. Elle sera plus bénéfique, tant pour les familles que pour les agents de pastorale familiale, s’ils l’approfondissent avec patience, morceau par morceau, ou s’ils cherchent en elle ce dont ils peuvent avoir besoin dans chaque circonstance concrète.” (n°7)
En effet, si on veut rendre justice à ce texte qui ne marque aucune évolution de la pensée du magistère de l’Eglise sur la famille, il faut, avec patience et attention, comprendre qu’il opère une prise en compte inédite des types et modèles de familles existants, pour les illuminer de la lumière de l’Evangile. Chaque pays, chaque diocèse est invité à une inculturation et à une contextualisation propre des principes énoncés. Les normes européennes, qui ont été longtemps données comme universelles, se voient ramenées à leur poids relatif face à la richesse de la diversité des situations à évangéliser.
Outre ces particularismes géographiques et culturels, l’exhortation apostolique prend en compte les particularismes communs de notre temps tels que la précarisation, l’augmentation de la violence et des situations de guerres, le déracinement et l’exil….
On l’aura compris, la famille nucléaire occidentale telle que nous la connaissons en France, par exemple, ne saurait représenter à elle seule la vérité de toutes les familles de la terre.
Prenant acte de cette diversité et cherchant à rejoindre les hommes et les femmes de notre temps au plus près de leur vie quotidienne et de ses défis, le pape François, après avoir reçu l’immense travail des pères synodaux, scrute et interroge la Parole de Dieu pour voir comment elle peut éclairer et transfigurer le quotidien des familles de ce temps.
A tous il redit avec force, dans la lignée de ses prédécesseurs, parmi lesquels saint Jean-Paul II et Benoit XVI, la grandeur et la dignité du couple humain, homme et femme appelés dans ce qui est une authentique vocation à vivre l’amour avec sa grandeur et ses misères, ses richesses et ses pauvretés. Au cœur de cette union, le Dieu de l’Alliance est présent et s’engage.
1. Un appel prophétique
Le pape François affirme avec force que jamais l’Eglise ne renoncera à proposer le mariage comme vocation authentique pour l’homme et la femme de ce temps : “En tant que chrétiens nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d’infériorité devant l’effondrement moral et humain. Nous priverions le monde des valeurs que nous pouvons et devons apporter.” (n°35)
Cette proposition du mariage ne vise pas à faire ployer le couple humain sous le poids d’une loi devenue insupportable. Elle est un appel adressé aux hommes et aux femmes pour leur permettre d’entrer dans la joie de l’amour partagé et reçu comme une grâce, à l’image de l’amour du Christ pour son Eglise. “Il ne sert à rien non plus d’imposer des normes par la force de l’autorité dit le pape François. Nous devons faire un effort plus responsable et généreux, qui consiste à présenter les raisons et les motivations d’opter pour le mariage et la famille, de manière à ce que les personnes soient mieux disposées à répondre à la grâce que Dieu leur offre.” (idem)
Le pape François, tenant compte des réalités concrètes évoquées longuement par les pères synodaux, a souhaité envoyer un message simple, accessible et miséricordieux car “Le message de l’Église sur le mariage et la famille est un reflet clair de la prédication et des attitudes de Jésus, qui, en même temps qu’il proposait un idéal exigeant, ne renonçait jamais à une proximité compatissante avec les personnes fragiles, comme la samaritaine ou la femme adultère.” (n°38)
Le pape a voulu mettre l’accent sur la conversion du regard demandée à celles et ceux qui sont en charge de l’accueil des futurs époux. La modernité, sous toutes les latitudes, nous oblige à renoncer à l’illusion d’une norme universellement acceptable qui nous permettrait d’évaluer la capacité des futurs époux. C’est un regard résolument positif qui doit être porté sur les personnes en demande du sacrement du mariage. Ce regard bienveillant permet d’entrer dans une démarche d’accompagnement, de discernement et d’intégration.
1.1. L’accompagnement
L’importance de l’accompagnement est soulignée par le pape François : “J’invite les communautés chrétiennes à reconnaître qu’accompagner le cheminement d’amour des fiancés est un bien pour elles-mêmes. Comme les évêques d’Italie l’ont si bien exprimé, ceux qui se marient sont pour leur communauté chrétienne “une précieuse ressource, car, en s’engageant, dans la sincérité, à grandir dans l’amour et dans le don réciproque, ils peuvent contribuer à rénover le tissu même de tout le corps ecclésial : la forme particulière d’amitié qu’ils vivent peut devenir contagieuse, et faire grandir dans l’amitié et dans la fraternité la communauté chrétienne dont ils font partie” (Conférence Épiscopale italienne, Commission 2012 – cité dans Amoris Laetitia n°207).
L’Eglise a pour mission de révéler le Dieu d’Amour présent au cœur même de l’aventure humaine de l’union d’un homme et d’une femme. La préparation au mariage nourrit le dialogue entre les futurs époux pour que chacun d’eux puisse s’engager en toute liberté et connaissance de cause le jour de la célébration du sacrement. Elle vise aussi à favoriser la construction de couples solides, aptes à s’inscrire dans la durée malgré les inévitables épreuves de la vie et à accueillir et élever les enfants à naître (ou parfois déjà nés).
La préparation au mariage est aussi le moment pour chacun des futurs époux, de faire le point sur sa vie de baptisé, pour approfondir voir (re)découvrir la foi.
La préparation au mariage n’est pas préparation à un examen pour l’obtention d’un diplôme ! Elle peut être vue comme une chance pour les futurs mariés de poser les questions qui les habitent concernant l’engagement, la fidélité, l’accueil des enfants à naître et leur éducation…
Le témoignage de vie des équipes d’accompagnement, autant que le magistère, sont porteurs de lumière pour les futurs époux.
C’est aussi l’ensemble de la communauté qui est engagée dans cet accueil des futurs mariés: le prêtre, bien entendu car c’est par lui que se déploie la dimension sacramentelle, mais aussi la communauté, familles, couples engagés dans la préparation au mariage… Les personnes qui demandent aujourd’hui le sacrement du mariage viennent d’horizons divers, de cultures lointaines, et manquent parfois des connaissances de base de la foi de l’Eglise. Il nous appartient de les accueillir avec bienveillance et ouverture d’esprit, de reconnaitre dans leur démarche même un fruit de l’Esprit-Saint qui travaille les cœurs.
1.2. Le discernement
Le discernement est un point essentiel et complexe. Il permet d’éclairer les engagements à la lumière de l’Ecriture et du magistère. Le discernement concerne le couple en tant que tel mais aussi chacun de ses membres. Mais le discernement est aussi celui de l’Eglise. Les futurs époux sont-ils prêts pour le Sacrement qu’ils désirent recevoir ? En d’autres termes, comment aider les futurs mariés à se situer entre idéal et réalité ?
Les futurs époux, même quand ils vivent ensemble depuis plusieurs années et sont parfois parents, portent en eux une certaine idée du mariage chrétien. Ils veulent donner une valeur sacrée à leur amour. Pour l’Eglise, l’alliance entre un homme et une femme est conçue comme un signe du lien entre le Christ et l’Église. C’est donc un immense idéal que l’Eglise présente aux futurs époux, configurant leur amour à celui du Christ pour l’Eglise.
Voici donc deux personnes qui ont chacune une histoire, parfois éloignée de l’Eglise, qui ont chacune un passé, des rêves, des espoirs et des limites aussi, auxquelles l’Eglise propose rien de moins que de configurer son union à celle du Christ avec son Eglise !
La marche est parfois très haute à franchir surtout si nous présentons le mariage comme parfait dès le jour de sa célébration !
Le pape François, conscient de cette réalité pastorale rappelle un point important : “Le mariage chrétien, reflet de l’union entre le Christ et son Église, se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif et dans une fidélité libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la transmission de la vie, consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce pour constituer une Église domestique et le ferment d’une vie nouvelle pour la société. D’autres formes d’union contredisent radicalement cet idéal, mais certaines le réalisent au moins en partie et par analogie. Les pères synodaux ont affirmé que l’Église ne cesse de valoriser les éléments constructifs dans ces situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage.” (n°292)
L’Eglise domestique constituée par la famille est appelée à cheminer sur la durée d’une vie. Elle s’inscrit dans le temps long et peut vivre “au moins en partie et par analogie” l’idéal proposé par l’Eglise. Il faut pouvoir faire entrevoir aux futurs époux que le mariage est un processus dynamique qui dispose de la durée de la vie elle-même pour intégrer les dons de Dieu.
Si le Sacrement est tout entier, de manière plénière, donné et reçu le jour du mariage, la construction de la famille chrétienne qui s’ensuit s’inscrit dans un horizon fait de moments de grâce, de joies, mais aussi de peines, de combats, de chutes et de pardon, pardon de Dieu, pardon du conjoint.
La préparation au mariage, plus qu’un ensemble de commandements, doit donner aux futurs mariés le sens des responsabilités qui leur incombent l’un vis-à-vis de l’autre. Amour, patience et humilité, pardon réciproque, aideront à faire face aux embûches de la vie. La postmodernité impose des rythmes de vie effrénés. Elle fait courir le risque de la perte d’emploi, la nécessité des multiples reconversions professionnelles. Elle impose parfois de longues séparations pour la formation ou le travail. L’arrivée des enfants va générer de nouvelles contraintes, au-delà des joies. Toutes ces réalités soumettent le couple à de rudes épreuves et il est nécessaire qu’il soit aussi armé que possible pour y faire face. Heureusement, ils ne sont pas seuls. C’est l’intégration.
1.3. L’intégration
L’exhortation Amoris Laetitia en souligne l’importance plus particulièrement à l’égard des personnes en situation de fragilité (migrants, pauvres… n° 46 et s). Mais on peut noter un nombre grandissant de couples dans lesquels l’un des partenaires au moins vit une telle situation de fragilité vis-à-vis de l’Eglise dans laquelle il n’a pas grandi, même s’il a pu recevoir le baptême. C’est une communauté accueillante et ouverte qu’il doit rencontrer, une communauté qui le reçoit comme enfant de Dieu, malgré ses maladresses, son ignorance… C’est cette intégration dans la communauté qui fait trop souvent défaut, parfois à cause de la volonté des personnes elles-mêmes, parfois aussi, à cause de la distance qui peut caractériser certaines de nos communautés paroissiales.
Le rôle des prêtres, diacres, laïcs en mission, et de la communauté toute entière est d’être des témoins de ce qui se vit déjà dans le couple et des révélateurs de ce qui est possible et désirable en terme d’amour, de fidélité, de construction de la famille.
2. Une intention pastorale
Deux termes parcourent l’exhortation Amoris Laetita : grâce et miséricorde.
Dans un long développement relatif au sacrement du mariage en lien avec l’Ecriture et la tradition, le pape François rappelle que “Jésus, qui a réconcilié toutes choses en lui et qui a racheté l’homme du péché, n’a pas seulement ramené le mariage et la famille à leur forme originelle, mais il a aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée ‘‘l’image et la ressemblance’’ de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère d’où jaillit tout amour véritable. Par l’Église, le mariage et la famille reçoivent du Christ la grâce de l’Esprit Saint, pour témoigner de l’Évangile de l’amour de Dieu »” (n°71)
Un peu plus loin le pape affirme : “Le mariage est une vocation, en tant qu’il constitue une réponse à l’appel spécifique à vivre l’amour conjugal comme signe imparfait de l’amour entre le Christ et l’Église. Par conséquent, la décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel.” (n°72)
Ce rappel pourrait sembler bien difficile à porter pour de jeunes couples, souvent éloignés de l’Eglise si n’était annoncées, dans un même mouvement, la compassion et la miséricorde divines : ” Le Synode s’est référé à diverses situations de fragilité ou d’imperfection. À ce sujet, je voudrais rappeler ici quelque chose dont j’ai voulu faire clairement part à toute l’Église pour que nous ne nous trompions pas de chemin… La route de l’Église, depuis le Concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration […]. La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère …” (n°296)
Les situations particulières de l’existence sont toujours à prendre en compte, et pas uniquement pour ce qui concerne les “situations dites irrégulières”, notamment celle des divorcés-remariés.
Le pape nous rappelle qu’Il ne faut pas faire peser sur deux personnes ayant leurs limites la terrible charge d’avoir à reproduire de manière parfaite l’union qui existe entre le Christ et son Église ; parce que le mariage, en tant que signe, implique « un processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu ». (n°122)
2.1. La préparation au mariage: s’inscrire sur un temps long.
Chaque année, nos communautés accueillent des couples qui désirent se marier à l’Église. Les premiers mots du pape François dans son Exhortation apostolique Amoris Laetitia marquent bien ce dont nous sommes témoins en accueillant ces couples : ” La joie de l’amour qui est vécue dans les familles est aussi la joie de l’Église” (N°1). La joie des couples est en effet joie pour l’Eglise qui voit dans leur démarche l’amour de Dieu à l’œuvre.
Plus que jamais, la préparation au mariage exige du temps.
On peut rappeler ici la célèbre phrase du père Caffarel qui en 1948 déjà écrivait: “Les mariages chez nous sont-ils moins bâclés qu’ailleurs ? Quand l’Église veut faire un prêtre, elle y met six ans ; un communiant, trois ans. Quand des parents chrétiens conduisent leur fils ou leur fille à l’autel, ont-ils passé trois semaines à les préparer ? Et les intéressés y ont-ils eux-mêmes réfléchi ? ” (A. Caffarel: l’Anneau d’Or, n°21-22, 1948)
Le Saint-Père aime à répéter cette phrase un peu mystérieuse “le temps est supérieur à l’espace” (n°3). On peut la comprendre de la manière suivante : nous sommes tous liés par nos origines, le lieu de notre naissance, notre hérédité, notre patrimoine génétique… ce sont les lieux que nous habitons, nos espaces naturels et ils sont statiques. Face à ces “espaces”, le temps peut-être notre allié. Il est le paramètre variable qui permet la mise en route, le cheminement, l’évolution, la compréhension et l’entrée dans un chemin de foi et de sainteté.
Le plus souvent le jeune couple, en fonction des possibilités, est reçu par un prêtre ou un diacre. Il est accompagné dans sa démarche par des couples et des familles engagés dans la préparation au mariage. Les accueillants sont de mieux en mieux formés et les pratiques donnent lieu à des relectures régulières. Des documents d’aide sont aussi disponibles pour soutenir les accueillants. La préparation se déroule au moins sur une année soit une dizaine de rencontres, mais ces chiffres peuvent considérablement varier d’un lieu à l’autre et selon les disponibilités de chacun.
En 2002, la Conférence des Evêques de France a publié des Orientations nationales pour la pastorale du mariage. Ce texte a été suivi en 2014 par un autre document intitulé “la préparation au mariage dans le contexte de la nouvelle évangélisation”. Ces deux documents insistent sur l’importance de la durée dans la préparation du mariage et préconisent une proposition de cheminement “de type catéchuménal” pour permettre aux futurs mariés d’entrer dans un temps de maturation de leur projet.
2.2. Renouveler nos propositions
“Les Pères synodaux ont signalé de diverses manières que nous avons besoin d’aider les jeunes à découvrir la valeur et la richesse du mariage Ceux-ci doivent pouvoir percevoir l’attrait d’une union plénière qui élève et perfectionne la dimension sociale de l’existence, donne à la sexualité son sens entier, et qui en même temps promeut le bien des enfants et leur offre le meilleur environnement possible pour leur maturation ainsi que pour leur éducation.” Ainsi s’exprime le pape François dans l’exhortation Amoris Laetitia. (n° 205)
Il distingue trois moments de la préparation du Sacrement : la préparation lointaine proche, immédiate. Ces trois étapes constituent une “pastorale du lien” (n°211) : “La pastorale pré-matrimoniale et la pastorale matrimoniale doivent être avant tout une pastorale du lien, par laquelle sont apportés des éléments qui aident tant à faire mûrir l’amour qu’à surpasser les moments durs”.
Avec le bon sens qu’on lui connait le Saint-Père insiste sur l’aspect pratique de cette pastorale : “Ces apports ne sont pas uniquement des convictions doctrinales, et ne peuvent même pas être réduits aux précieuses ressources spirituelles que l’Église offre toujours, mais ils doivent aussi être des parcours pratiques, des conseils bien concrets, des tactiques issues de l’expérience, des orientations psychologiques” (n°211).
Le pape n’hésite pas à promouvoir le conseil de spécialistes ou celui de familles particulièrement expérimentées pour aider les jeunes à passer des étapes difficiles, à côté de l’indispensable “Réconciliation sacramentelle, qui permet de placer les péchés et les erreurs de la vie passée, et de la relation elle-même, sous l’influence du pardon miséricordieux de Dieu et de sa force qui guérit” (idem).
2.2. 1. La préparation lointaine
“Il convient de trouver les moyens, à travers les familles missionnaires, les familles des fiancés eux-mêmes et à travers diverses ressources pastorales, d’offrir une préparation lointaine qui fasse mûrir leur amour réciproque, grâce à un accompagnement de proximité et de témoignage.” (n°208)
L’époque actuelle, au travers du cinéma, de la publicité, de la vie des stars, présente trop souvent à notre jeunesse des scénarii qui mettent en scène “le coup de foudre”, l’engagement (souvent éphémère il est vrai !) immédiat qui conduit au mariage “pour la vie”… “L’enchantement du début” (n°209) semble devoir durer toujours.
Or il est nécessaire de rappeler, même s’il est difficile de se faire entendre des principaux intéressés, “qu’apprendre à aimer quelqu’un n’est pas quelque chose qui s’improvise ni qui peut être l’objectif d’un bref cours préalable à la célébration du mariage.” (idem) et que “rien n’est plus volatile, plus précaire et plus imprévisible que le désir” (n°209).
Cette préparation dite lointaine, implique bien entendu les familles, les communautés, mais elle doit impliquer de manière toute particulière les mouvements de jeunes comme les scouts, les aumôneries… On ne peut plus faire l’économie, à notre époque de sur exposition médiatique et d’hyper sexualisation de la société, de l’information et de la formation des jeunes en matière affective et sexuelle.
Non sans humour le pape François rappelle que la Saint Valentin peut être un moment précieux pour cette préparation lointaine. A nous d’inverser la tendance pour faire mentir cette idée du Saint Père qu’elle “profite plus aux commerçants qu’à la créativité des pasteurs”(n°208).
2.2. 2. La préparation proche
La première personne que les fiancés vont rencontrer, une fois passée l’épreuve du répondeur téléphonique, des appels sans réponses et des mails, est l’accueil paroissial. Cet accueil doit être inconditionnel et bienveillant. Puis viennent les rencontres avec le célébrant et les membres de l’équipe de préparation. Voici ce que le Saint-Père nous recommande : “Les fiancés devraient être encouragés et aidés à pouvoir parler de ce que chacun attend d’un éventuel mariage, de sa conception de l’amour et de l’engagement, de ce qu’il désire de l’autre, du type de vie en commun qu’il voudrait projeter.” (n°209)
Si des désaccords ou des incompréhensions apparaissent, on doit chercher avec les futurs époux, dans un souci de “développer le meilleur de la personne… avec le ferme objectif de le promouvoir comme être humain”, “des ressources qui permettront de les affronter avec succès” (n°210).
La prise de conscience de la dimension vocationnelle du mariage est essentielle même si elle peut être progressive : “Le mariage est une vocation, en tant qu’il constitue une réponse à l’appel spécifique à vivre l’amour conjugal comme signe imparfait de l’amour entre le Christ et l’Église. Par conséquent, la décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel” (n°72).
Ministres du sacrement, l’homme et la femme qui se marient sont appelés à accomplir une autre mission : celle d’éducateurs”. Ceux qui ont reçu le sacrement de mariage deviennent de vrais ministres éducateurs, car lorsqu’ils forment leurs enfants, ils édifient l’Église et en le faisant, ils acceptent une vocation que Dieu leur propose” (n° 85). Ils sont aussi appelés à être, selon le vœu des pères synodaux “les principaux acteurs de la pastorale familiale” (n°200).
Souvent la demande de mariage religieux recouvre d’autres réalités : désir de faire comme tout le monde, de faire plaisir à sa famille, de rompre la solitude en créant un lien sûr et durable, de “mettre Dieu de son côté”, de souscrire une sorte d’assurance contre les risques de la vie… On le voit, le passage à la prise de conscience de la dimension vocationnelle peut être long.
2.2. 3. La préparation immédiate
Il ne s’agit pas de la fin d’un parcours où toutes les étapes auraient été brillamment franchies ! Pour le pape François : “Aussi bien la préparation immédiate que l’accompagnement plus prolongé doivent assurer que les fiancés ne voient pas le mariage comme la fin du parcours, mais qu’ils assument le mariage comme une vocation qui les lance vers l’avant, avec la décision ferme et réaliste de traverser ensemble toutes les épreuves et les moments difficiles” (n°211).
Toutes les familles qui ont eu à préparer le mariage de leurs enfants se reconnaitront dans la savoureuse description sans concession que fait le pape de la préparation de la célébration. (n°212) : “La préparation immédiate du mariage tend à se focaliser sur les invitations, les vêtements, la fête et les détails innombrables qui consomment aussi bien les ressources économiques que les énergies et la joie. Les fiancés arrivent au mariage, stressés et épuisés, au lieu de consacrer leurs meilleures forces à se préparer comme couple pour le grand pas qu’ils vont faire ensemble.”
Le pape en appelle avec une affection toute paternelle aux fiancés pour les encourager à se comporter différemment : “Chers fiancés : ayez le courage d’être différents, ne vous laissez pas dévorer par la société de consommation et de l’apparence. Ce qui importe, c’est l’amour qui vous unit, consolidé et sanctifié par la grâce. Vous êtes capables d’opter pour une fête sobre et simple, pour placer l’amour au-dessus de tout. Les agents pastoraux et la communauté entière peuvent aider à ce que cette priorité devienne la norme et ne soit plus l’exception”.
La célébration du mariage doit cependant rester un grand moment festif car “La liturgie nuptiale est un événement unique, qui se vit dans le contexte familial et social d’une fête. Le premier signe de Jésus se produit au banquet des noces de Cana : le bon vin du miracle du Seigneur, qui égaye la naissance d’une nouvelle famille, est le vin nouveau de l’Alliance du Christ avec les hommes et les femmes de tout temps […]” (n° 216).
Par ailleurs, de plus en plus souvent : “le célébrant a l’opportunité de s’adresser à une assemblée composée de personnes qui participent peu à la vie ecclésiale ou qui appartiennent à une autre confession chrétienne ou à une autre communauté religieuse. Il s’agit là d’une occasion précieuse d’annoncer l’Évangile du Christ » (idem).
L’essentiel c’est bien ce qui se vit dans la célébration liturgique. Chaque geste, chaque mot, est le signe d’un engagement “si important comme celui qui exprime le consentement matrimonial, et l’union des corps qui consomme le mariage, lorsqu’il s’agit de deux baptisés, ne peuvent qu’être interprétés comme signes de l’amour du Fils de Dieu fait chair et uni à son Église dans une alliance d’amour” (n°213).
Les paroles et les gestes de la célébration ne “peuvent pas être réduites au présent ; elles impliquent une totalité qui inclut l’avenir : ‘‘jusqu’à ce que la mort les sépare’’ (n°214). Liberté et fidélité ne s’opposent plus dans une tension intenable mais au contraire “elles se soutiennent même réciproquement, que ce soit dans les relations interpersonnelles, ou dans les relations sociales.” (idem)
Le pape invite les futurs époux à prier l’un pour l’autre “en sollicitant l’aide de Dieu pour être fidèles et généreux, lui demandant ensemble ce qu’il attend d’eux, y compris en consacrant leur amour auprès d’une statue de Marie” (n°216).
Il appartient aux équipes de préparation au mariage d’initier, quand cela est nécessaire, les futurs époux à cette dimension de la vie : “Ceux qui les accompagnent dans la préparation du mariage devraient les orienter pour qu’ils sachent vivre ces moments de prière qui peuvent leur faire beaucoup de bien” (idem).
2.2. 4. Accompagner les premières années de la vie matrimoniale
La préparation attentive de l’union ne préservera pas les jeunes époux d’épreuves à venir. Pour le pape “il s’avère indispensable d’accompagner les premières années de la vie matrimoniale pour enrichir et approfondir la décision consciente et libre de s’appartenir et de s’aimer jusqu’à la fin. Bien des fois, le temps des fiançailles n’est pas suffisant, la décision de se marier est précipitée pour diverses raisons, et, de surcroît, la maturation des jeunes est tardive. Donc, les jeunes mariés doivent compléter ce processus qui aurait dû avoir été réalisé durant les fiançailles” (n°217).
Un des défis de la pastorale matrimoniale” est d’aider à découvrir que le mariage ne peut se comprendre comme quelque chose d’achevé. L’union est réelle, elle est irrévocable, et elle a été confirmée et consacrée par le sacrement de mariage. Mais en s’unissant, les époux deviennent protagonistes, maîtres de leur histoire et créateurs d’un projet qu’il faut mener à bien ensemble…” (n° 218).
CONCLUSION
En France, la préparation au mariage s’étend aujourd’hui environ sur une année. Des propositions d’accompagnement des premières années de la vie conjugale voient le jour. Les défis restent nombreux dans un monde rapide aux réalités mouvantes. Avec beaucoup d’humilité, le long travail synodal préparatoire a permis à l’Exhortation Amoris laetitia du pape François de présenter la construction de l’amour conjugal comme un processus, une dynamique sans cesse à revisiter en fonction des évolutions de nos sociétés diverses et fragiles.
La mise en place d’étapes dans l’accompagnement des couples apparait de plus en plus souhaitable. Une nouvelle conception des “fiançailles” pour permettre de revaloriser cette période de la vie comme un temps propice au discernement et à l’approfondissement de la connaissance de l’autre et de la vocation du couple.
La préparation au mariage proprement dite pourrait être proposée ensuite, permettant l’approfondissement d’une véritable spiritualité conjugale et familiale. Ce serait un temps proche de celui du catéchuménat.
Enfin, l’accompagnement des premières années de mariage devrait être renforcé.
L’exploration de ces différentes pistes, déjà entreprise en paroisses, et par des mouvements comme CANA ou les Equipes Notre Dame, permettra peut-être, enfin, de voir refluer le nombre de divorces, de stabiliser la vie des familles et par là la vie de la société toute entière.
Evidemment, la récente actualité en France, par l’adoption du mariage pour tous ou encore par les projets en cours d’examen concernant la GPA et la PMA, ne sont pas de nature à soutenir ces orientations. A cet égard, il semble important d’intégrer de plus en plus, au sein des équipes d’accompagnement des intervenants disposant, outre d’une formation pastorale, d’une formation et d’une pratique médicale ou scientifique afin de pouvoir accompagner les couples sur les questions liées à la stérilité.
Aucune famille “n’est une réalité céleste et constituée une fois pour toutes, mais la famille exige une maturation progressive de sa capacité d’aimer” (n°325). C’est pourquoi, et c’est ainsi que se termine l’exhortation du Saint-Père : “Tous, nous sommes appelés à maintenir vive la tension vers un au-delà de nous-mêmes et de nos limites, et chaque famille doit vivre dans cette stimulation constante. Cheminons, familles, continuons à marcher ! Ce qui nous est promis est toujours plus. Ne désespérons pas à cause de nos limites, mais ne renonçons pas non plus à chercher la plénitude d’amour et de communion qui nous a été promise”.