Dans sa première interview sur Paris Notre Dame, le nouvel Archevêque de Paris entend bien garder sa liberté de parole au service de sa passion : l’Evangile
P. N.-D. – Vous avez la réputation d’être un homme au franc-parler. Or, la parole de l’archevêque de Paris dépasse souvent les limites de son diocèse et son écho est national. Appréhendez-vous cette mise en lumière ?
Mgr. Aupetit – Un peu, oui, car je vois bien que lorsque l’évêque de Paris se mouche, cela provoque une tempête ! Donc, je devrai sans doute faire attention à ce que je dis, mais je garderai une parole libre. Car la vraie question, c’est la liberté : par rapport à ce qu’on dira sur moi ; par rapport aux regards des autres. Suis-je capable de porter une parole qui, parfois, peut déranger ? Pourquoi le Christ a-t-il été crucifié, alors qu’il a passé son temps à faire du bien sur terre ? Parce qu’il a dit une parole qui bouleversait. La parole de l’Église peut donc être dérangeante, et il faut accepter qu’elle puisse l’être. Non pour faire du mal, mais pour réveiller les consciences, tout simplement.
P. N.-D. – L’Église est-elle dans son rôle quand elle joue les garde-fous ?
M. A. – L’Église peut être dérangeante, mais elle peut aussi ne pas l’être. Sur certains sujets, elle doit faire entendre sa voix pour permettre aux personnes de prendre conscience. Quand tout le monde va dans le même sens, le danger est que les consciences soient anesthésiées. À nous, catholiques, de savoir réveiller nos concitoyens, en permettant à chacun d’être libre par rapport à la bien-pensance. Que pouvons-nous dire, non pas pour les contrarier, mais pour leur permettre d’avoir une véritable réflexion, au-delà des prêts-à-penser ?
P. N.-D. – Vous êtes une voix qui compte quand on évoque les sujets de bioéthique, de transhumanisme… Sujets qui seront au cœur du débat national en 2018, avec la révision des lois de bioéthique. Est-ce que nous vous entendrons sur ces questions-là ?
M. A. – Oui, certainement. Mais ma passion, ce n’est pas la bioéthique. Ma passion, c’est l’Évangile, c’est le Christ. Et donc l’homme. Ma réflexion a toujours porté sur ce qui faisait l’homme dans son humanité. La bioéthique permet seulement de savoir si les progrès techniques s’accompagnent de progrès humains. C’est cela qui est important. Les gens comprennent très bien qu’un progrès technique peut être bien employé – et il faut être pour le progrès technique –, mais il peut aussi être mal employé. Qu’est-ce qui permet alors de savoir si quelque chose est bien ou mal employé ? La réflexion éthique, tout simplement.