Lorsque des membres du clergé se conduisent mal

Lorsque des membres du clergé se conduisent mal

de Filip Mazurczak, traduit par Rémy L. pour France Catholique :

Il est clair que 2018 n’a pas été une bonne année pour l’Église catholique. Avec l’affaire du cardinal McCarrick, avec le rapport accablant du Grand Jury de Pennsylvanie, avec les scandales religieux persistants en Australie, au Chili, en Allemagne et ailleurs, avec les controverses sur le Synode des jeunes et l’homosexualité, la couverture de l’Église catholique par les médias laïques s’est concentrée sur les abus sexuels commis par des prêtres ainsi que sur les dissimulations par des évêques. Plutôt que de nous décourager dans notre foi, les révélations d’inconduite d’hommes et de femmes d’Église devraient être pour nous une occasion de conversion personnelle et un appel à un plus grand témoignage public de notre vie de chrétien.

Lorsque nous lisons des articles sur les crimes commis par des prêtres contre des jeunes, nous devrions remettre les choses en perspective. Dans son étude intitulée Pedophiles and Priests, Philip Jenkins (un épiscopalien qui a quitté l’Église catholique il y a plusieurs décennies et qui ne peut donc pas être accusé de partialité pro-catholique), historien et expert en justice pénale, estime qu’entre 1,5 et 3,5% des prêtres catholiques aux États-Unis pourraient avoir commis des abus sexuels sur des mineurs. Je n’ai aucune idée des chiffres correspondants pour les membres du clergé d’autres confessions, ni pour les enseignants, les entraîneurs, les médecins ou les autres personnes travaillant avec des jeunes ; mais je suppose que ces groupes se satisferaient d’un tel résultat.

Au cours de l’année précédente, nous avons appris qu’Hollywood était un repaire de prédateurs – chose que nous savions déjà. Le monde du cinéma se considère comme plus saint que nous, mais a réagi aux crimes sexuels de Harvey Weinstein (fermant les yeux sur la dissimulation) de manière peu différente de celle des évêques les plus distants et les plus lâches comme, disons, ceux d’Irlande lorsqu’ils ont répondu aux allégations concernant des abus sexuels commis par des prêtres. Lorsque nous discutons de ces scandales avec nos amis non-catholiques, nous devrions les informer de ces faits, en nous rappelant que l’une des Béatitudes de Jésus était d’instruire les ignorants.

Dans le même temps, il est compréhensible que le monde entier maintienne l’Église catholique, qui prétend avoir été fondée par Jésus-Christ, à des normes plus élevées. Même si les conférences épiscopales de tous les pays du monde adoptent des procédures qui empêcheront tout homme aux tendances sexuelles perverses d’entrer au séminaire, et même si les autorités civiles et ecclésiales réagissent toujours immédiatement et durement aux accusations d’abus – je prie pour que cela continue – le mal sera toujours présent parmi les membres du clergé.

La raison simple en est notre propre nature humaine. À cause du péché originel, nous restons tous capables de faire du mal à nos voisins. Les prêtres sont des êtres humains et nous en avons eu de nombreux exemples scandaleux au cours de l’histoire. Après les croisades, les chevaliers teutoniques – un ordre de chevaliers-moines – utilisèrent l’épée pour convertir les dernières tribus païennes d’Europe dans les pays baltes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un prêtre slovaque, le démoniaque Monseigneur Jozef Tiso, a même dirigé l’un États les plus fous à la botte du nazisme.

Bien que, dans le langage populaire, les termes « pécheur » et « saint » soient souvent présentés comme opposés, il faut savoir que même les saints pèchent. Ce qui fait d’eux des saints, c’est qu’ils sont conscients de leur nature déchue, se confessent beaucoup plus souvent que la plupart d’entre nous (saint Jean-Paul II se confessait toutes les semaines, par exemple) et s’efforcent de s’améliorer.

Nous devrions prier pour la conversion des prêtres qui sèment le scandale, en nous rappelant que même des pécheurs apparemment désespérés sont capables de changer de vie et de rendre témoignage. Ceci est magnifiquement illustré dans le roman de Graham Greene, La Puissance et la Gloire, à propos d’un prêtre alcoolique ayant bafoué son vœu de célibat, mais qui finalement choisit le martyre dans le Mexique des années 1920.

Surtout, quand nous entendons des histoires de prêtres qui salissent la réputation de l’Église, nous devrions donner nous-mêmes un plus grand témoignage chrétien à notre entourage, dans nos familles, dans notre travail, dans nos universités, parmi nos amis et partout où cela est possible.

La plupart des gens lorsqu’ils entendent le terme « Église », évoquent des évêques portant mître, la basilique Saint-Pierre ou peut-être leur curé. Les laïcs, cependant, sont aussi l’Église. Outre les généraux de Rome et les colonels qui dirigent nos diocèses, l’Église comprend plus d’un milliard de fantassins de Dieu non-ordonnés.

Ainsi, lorsque nous pensons au nombre de personnes qui se sont détournées de la foi à cause des méfaits de membres de l’Église, au lieu de critiquer avec suffisance « les prêtres » ou « les évêques », nous devrions nous demander si nos propres actions ont blessé autrui. Sommes-nous de bons messagers des enseignements du Christ dans notre vie quotidienne ?

Si le mal commis par des personnes qui prétendent être catholiques peut éloigner les gens, il s’ensuit logiquement qu’un saint témoin catholique peut les attirer. Malcolm Muggeridge était un journaliste britannique élevé dans une famille athée. En 1969, il se rend à Calcutta pour réaliser un documentaire de la BBC et écrire un livre sur le travail de Mère Teresa au milieu des personnes les plus démunies du monde. Muggeridge fut tellement impressionné par son témoignage qu’à son retour en Angleterre, il se convertit au christianisme puis, finalement, au catholicisme.

La plupart d’entre nous sommes incapables d’actes héroïques de charité à la manière de Mère Teresa, mais nous pouvons nous efforcer de mieux vivre l’Évangile dans notre vie quotidienne. Nous devrions examiner notre propre état de péché, aller nous confesser et réfléchir à ce qu’il faudrait faire pour devenir de meilleurs catholiques. Lorsque nous entendons dire que des prêtres, des évêques ou des cardinaux font des choses abominables, cela pourrait être un appel à commencer à faire du bénévolat dans une soupe populaire ou dans un centre pour personnes handicapées. Si nous avons de la famille ou des amis, nous savons qu’ils ont dû faire face à divers problèmes mais qu’ils n’en ont pas parlé depuis un moment, il est maintenant temps de les appeler. Si nous avons été en froid avec quelqu’un de proche, c’est le moment de nous racheter. La charité s’accomplit même par ces petits actes tournés vers le bien.

Si ce n’est de prier pour eux, les catholiques laïcs ne peuvent en rien influer sur la conduite des membres de la hiérarchie et du clergé (à l’exception peut-être de ceux que nous connaissons personnellement). Cependant, nous faisons toujours partie de l’Église, et nous pouvons certainement influer sur la perception du catholicisme par le public et peut-être même, dans les formes inattendues de la grâce de Dieu, faciliter certaines conversions.

Dimanche 28 octobre 2018

Filip Mazurczak est le rédacteur en chef adjoint du magazine The European Conservative. Il écrit pour le National Catholic Register, le Catholic Herald, le Crisis Magazine et de nombreuses autres parutions.

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