Le 3 mai 2019, répondant à la demande des parents de M. Vincent Lambert, le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) de l’ONU a demandé au Gouvernement français de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier par le Comité. Cette procédure pourrait durer plusieurs années avant que le Comité ne se prononce.
Cette « mesure conservatoire » a été prise pour « éviter qu’un dommage irréparable ne soit causé aux victimes de la violation présumée », suivant les termes du traité par lequel la France a accepté de se soumettre à la juridiction du Comité (Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, article 4). En ratifiant ce traité, le Gouvernement français s’est engagé, suivant les règles du droit international, à respecter de bonne foi cette procédure et son issue. Il lui incombe à présent de notifier au CHU de Reims leur obligation de maintenir l’alimentation et l’hydratation entérales de M. Vincent Lambert.
Si le gouvernement voulait contester ces mesures conservatoires, le Règlement du Comité l’autorise à « avancer des arguments pour expliquer que la demande de mesures provisoires devrait être retirée » (article 64.3).
Ce Comité est une instance composée d’experts indépendants, chargée de surveiller la bonne application de la Convention des droits des personnes handicapées, et à laquelle la France est partie. Plusieurs de ses membres sont d’ailleurs eux-mêmes handicapés. Il est l’instance internationale la plus élevée spécialisée dans la protection des personnes handicapées. En tant que tel, c’est à lui qu’il revient de fixer les normes internationales de référence en la matière.
Comme nous l’écrivions sur Valeurs Actuelles le 26 avril dernier, les chances du recours formé par les parents de M. Lambert devant ce Comité sont réelles. En effet, l’absence de soin dont est victime M. Lambert, sa « détention » dans le CHU de Reims, ainsi que la décision de le faire mourir de soif heurtent évidemment plusieurs dispositions de cette Convention, notamment celles qui interdisent la maltraitance, et les traitements inhumains ou dégradants. Plus encore, l’article 25 oblige les États à fournir « aux personnes handicapées les services de santé dont celles-ci ont besoin en raison spécifiquement de leur handicap », ce qui leur interdit « tout refus discriminatoire de fournir des soins ou services médicaux ou des aliments ou des liquides en raison d’un handicap ». Or, c’est précisément ce que le Conseil d’État autorise en l’espèce. Le Comité des droits des personnes handicapées exige que lorsque l’alimentation et l’hydratation sont nécessaires, celles-ci soient garanties (Observations finales Royaume-Uni, 3.10.2017). Il a également affirmé que « le droit à la vie est absolu et que la prise de décisions substitutive quant à l’arrêt ou la suspension d’un traitement essentiel au maintien de la vie n’est pas compatible avec ce droit » (Examen du rapport soumis par l’Espagne, 19.10.2011).
Le Comité des droits des personnes handicapées a déjà eu l’occasion, dans une autre affaire, de rappeler avec force que, conformément à l’article 26, « les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour assurer aux personnes handicapées l’accès à des services de santé, y compris des services de réadaptation » (X. c. Argentine, 11.04.2014, (§ 8.9).
En conséquence, il n’est pas exclu que le Comité conclut à terme à une violation de la Convention dans le cas de M. Lambert. Entre-temps, il pourrait utilement, et très rapidement, demander le maintien de son hydratation et alimentation, à titre conservatoire. Le Comité surveille l’application de la convention et de ses conclusions par les États parties qui, s’ils ont accepté les mécanismes d’examen de requêtes – comme c’est le cas de la France, ont par là-même accepté d’en respecter l’issue, et de s’y conformer.
ECLJ