D’Antoine Pasquier dans Famille Chrétienne n°2125 :
Ouverture de la PMA, autoconservation des ovocytes, libéralisation de la recherche sur l’embryon… Rarement avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) aura été aussi transgressif.
C’est à se demander si le Comité d’éthique a réellement pris en compte les résultats des États généraux de la bioéthique… Au lieu de faire preuve de prudence sur des sujets aussi clivants que la PMA, le CCNE fonce tête baissée. Son avis constituera à n’en pas douter la base du futur projet de loi du gouvernement. Tour d’horizon.
1. Extension de la PMA : une position maintenue
L’avis du CCNE ne réserve que peu de surprises sur la question de l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Le Comité est resté fidèle à son avis émis en juin 2017, qui donnait son approbation à l’ouverture de la fécondation in vitro pour des cas, non d’infertilité médicale , mais « d’infécondité résultant d’orientations personnelles ».
Toutefois, les membres du CCNE avaient émis des doutes, si ce n’est quelques réticences, à élargir cette possibilité aux femmes seules, estimant qu’il s’agissait là d’une structure familiale blessée. Un an et demi plus tard, le Comité n’y voit plus d’obstacles, estimant que « le statut des familles monoparentales par choix d’une procréation par une femme seule pourrait se révéler fort différent des situations des familles monoparentales actuelles ». Même si « aucune étude convaincante » sur cette affirmation n’existe aujourd’hui…
Le plus étonnant dans cette partie de l’avis portant sur la procréation concerne le revirement du CCNE au sujet de l’autoconservation des ovocytes et de l’assistance médicale à la procréation (AMP) post mortem. Pour la première, le CCNE a finalement donné son accord, après s’y être opposé en juin 2017, notamment en raison des contraintes médicales entourant le prélèvement des ovocytes, de la possible inutilité de cette autoconservation en cas de grossesse naturelle et des risques de pressions sociales et professionnelles pouvant s’exercer sur les femmes. Tout ceci a visiblement disparu en l’espace de dix-huit mois au nom de la « liberté des femmes ». Pour la seconde, l’AMP post mortem, le CCNE s’y dit favorable dans le cadre d’un transfert d’embryon déjà cryoconservé avant le décès du père, et avec des conditions précises (délai, accompagnement psychologique de la conjointe…).
Les membres du Comité d’éthique se disent favorables à « la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme », afin que les enfants issus du don puissent en savoir plus sur l’identité de leur géniteur.
2. Recherche sur l’embryon : une libéralisation assumée
Le lobbying a bien fonctionné. Le CCNE a quasiment accédé à toutes les demandes des sociétés savantes de recherche auditionnées lors des États généraux de la bioéthique. Après 2013 et le renversement de la loi d’un régime d’interdiction avec dérogations à un régime d’autorisation encadrée, c’est à une nouvelle phase de libéralisation de la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires que le CCNE ouvre grand les portes.
Le Comité demande ainsi que soient supprimés deux des trois prérequis nécessaires jusqu’ici pour autoriser les recherches : l’absence d’alternative à l’utilisation de cellules issues d’embryon, et la finalité médicale des recherches. Il estime que la recherche à des fins de connaissances nouvelles – lesquelles ? – est suffisante. Il va encore plus loin en préconisant au législateur de ne pas définir, dans la future loi, ce qui serait interdit ou autorisé, mais de se limiter à fixer un cadre et des garde-fous. Une instance ad hoc aurait la mission de veiller au respect de ce cadre « avec une marge d’interprétation importante »…
Autre point noir de cet avis : le souhait du CCNE de ne plus aligner sur le même régime juridique la recherche sur les embryons et celle sur les cellules souches embryonnaires. La seconde pourrait, selon lui, faire l’objet d’une simple déclaration. Selon le Comité, ce n’est plus l’origine embryonnaire mais leur finalité qui constitue le problème éthique majeur de ces recherches. Si l’on partage effectivement la volonté du CCNE d’encadrer davantage les applications possibles de certaines recherches sensibles (création de cellules germinales à partir de cellules souches embryonnaires ou de cellules IPS rendues pluripotentes en laboratoire, par exemple), on ne saurait balayer d’un revers de main qu’il existe, à l’origine de toute cellule souche embryonnaire, un embryon manipulé et détruit à des fins de recherche.
Pour finir, le CCNE réclame que le législateur se prononce sur de nouvelles « avancées » dans la recherche embryonnaire : la création d’embryons transgéniques (dont le génome est modifié) et la création d’embryons chimériques (mélange homme-animal). Le Comité estime ces deux options possibles, mais dans le cadre de protocoles de recherche uniquement.
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3. Dépistages anténataux : au risque de l’eugénisme
Le pape François avait vu juste avec son expression « d’eugénisme en gants blancs ». Sous couvert d’avancées médicales, et sans que cet eugénisme soit recherché pour lui-même, les propositions du CCNE concernant la médecine génomique laissent entrevoir une dérive eugéniste de plus en plus évidente.
Le Comité d’éthique souhaite que le diagnostic prénatal non invasif – qui permet de dépister la trisomie 21 en analysant l’ADN fœtal circulant librement dans le sang maternel – soit élargi à un nombre supérieur d’anomalies génétiques. À la clé : une probabilité plus forte d’interruption de grossesse. Le CCNE ne s’en cache pas : « L’efficacité de ce dépistage aura probablement pour conséquence de diminuer le nombre de naissances d’enfants porteurs de trisomie 21, même s’il ne s’agit pas d’un objectif affiché en tant que tel. » Ce qui compte pour le CCNE : « Le libre choix des parents ».
Le CCNE propose également d’autoriser le diagnostic préimplantatoire pour la recherche d’aneuploïdies (des anomalies provoquant des échecs d’implantation des embryons lors de PMA). Le DPI n’aura plus uniquement pour objectif d’écarter les embryons porteurs d’affection génétique, mais d’éliminer également les plus défectueux pour « accroître les chances de succès ».
Enfin, le CCNE préconise d’élargir le dépistage génétique préconceptionnel, dont le but est d’éviter une pathologie grave chez un enfant à naître, à toutes les personnes en âge de procréer, avec le risque de donner corps à la revendication d’un droit à un enfant sain.