Cet essai sur la fraternité ou l’amitié politique – selon que l’on se veuille ancien ou moderne – identifie le mal qui ronge nos sociétés malades de l’individualisme.
Chez Guillaume de Tanoüarn, le bien commun, « la fraternité réalisée », suppose une foi commune ou, à tout le moins, un élan commun entre ce que partagent les individus formant le groupe humain.
Récusant le mythe de la sola causa, le libéralisme, le socialisme, la modernité seraient alternativement la cause de nos malheurs, l’auteur pose un diagnostic équilibré sur la résignation politique qui nous touche. Poser un diagnostic implique nécessairement de dépasser les oppositions manichéens à la liberté, l’Etat ou les Lumières.
La fraternité, l’amitié politique, est nécessaire dès lors que notre nature humaine est celle d’un être à qui il manque. Elle est sublimée par le service.
Ni l’individualisme ordinaire ni la juxtaposition de communautés étanches (le multiculturalisme) rendent possible la fraternité.
Elle peut être redécouverte par une « foi commune », elle n’est ni idéologique ni cléricale ni confessionnelle. Redécouvrir la transcendance de l’ordre humain éloigne l’inhumanité moderne et la résignation politique.
Comme chrétiens, Guillaume de Tanoüarn, « personnaliste intégral », nous exhorte à penser la tolérance en la sortant de la sphère idéel et de ses cénacles pour la penser comme une question de personnes.
Toutefois, la fraternité, rappelle l’abbé, n’est pas sans limite et ne peut exister que dans un espace. Elle « est un sentiment trop difficile », il lui faut des limites pour être une réalité politique.
Pour être frères, encore faut-il qu’il y a un père, une matrice commune qui soit plus discriminante que la seule appartenance à l’humanité.
Charge aux chrétiens de renverser l’agnosticisme de principe pour que l’Europe soit toujours féconde.
Telles sont les thèses de Guillaume de Tanoüarn et elles sont clairement argumentées.
La finesse d’analyse et l’ouverture intellectuelle de l’abbé Guillaume de Tanoüarn sont précieuses et à rebours de beaucoup qui usent de réductions et de simplifications trompeuses.
G. de TANOÜARN, Le prix de la fraternité, Ed. Tallandier, 336 p. 18€90