Historienne spécialiste de la Seconde guerre mondiale et homosexuelle, Marie-Jo Bonnet est opposée au mariage, à la procréation médicalement assistée (PMA) et à la gestation pour autrui (GPA). Elle s’insurge contre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) vient de rendre son avis favorable à la généralisation de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules. Vous avez été auditionnée lors des travaux du CCNE, que vous inspire cette décision ?
Hélas, je pense que cette décision est révélatrice des tensions politiques au sein du Comité. C’est également révélateur d’un déficit d’éthique ! Il semblerait que le Comité ait accepté l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires pour pouvoir maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA). C’est une stratégie à courte vue ! Je ne suis pas certaine que cela sauvegarde la prohibition des mères porteuses. Car, derrière les revendications du mouvement LGBT en faveur de la PMA, il y a des hommes qui militent pour la GPA, et qui instrumentalisent les lesbiennes et les femmes seules pour parvenir à leurs fins. En outre, le lobby médico-financier sort renforcé de cet avis. Les laboratoires, les gynécologues, les cliniques : tout cela coûte de l’argent ! Et cela va en coûter à la Sécurité Sociale car c’est la gratuité du don de sperme qui est demandée à travers la revendication de la PMA. La gratuité, et l’anonymat. Or les lesbiennes ne sont pas stériles. Est-il juste de demander à la collectivité de rembourser leur volonté d’avoir un enfant sans père ? Cela me gêne beaucoup que l’on fasse appel à la générosité nationale pour payer des inséminations avec donneur (IAD) à des femmes en bonne santé. Alors que tout le monde ne peut pas se soigner en France ! Il n’y a aucun débat là-dessus. Je crains que ce type de décision n’accélère la déchirure du lien social.
Les partisans de la PMA invoquent une « discrimination » à leur égard, par rapport aux couples homme-femme. Qu’en pensez-vous ?
Nous ne pouvons pas comparer un couple hétérosexuel, dont un membre est stérile, avec un couple de femmes qui ne le sont pas. Nous ne sommes pas dans un contexte d’égalité de traitement entre deux situations comparables. En réalité, cette « égalité » est gagnée au mépris de la justice. Elle consacre l’institutionnalisation du secret de l’origine paternelle de l’enfant. Par ailleurs, en médicalisant cet acte, et en l’ouvrant plus largement, elle fait courir le risque d’un déficit de sperme en France. Pour les couples hétérosexuels, il y a déjà un an d’attente pour une PMA ! Avec l’explosion de demandes, qui va-t-on satisfaire en premier ? À quel prix ? Cela risque de faire sortir le système de santé français de la gratuité…