De la sédation prolongée irréversible à la légalisation officielle de l’euthanasie, il n’y a qu’un pas… sémantique ?
La nouvelle loi Santé se préoccupe-t-elle plus de la mort que de la vie à l’image d’une société qui veut oublier l’homme, l’humain pour faire place à des robots dans la vie de tous les jours, pour vous prendre la tension, vous apporter votre repas à l’hôpital, ou jouer avec vos enfants ? Et l’utilisation médiatique de sportifs de haut niveau pour faire passer la loi sur l’euthanasie ou d’artistes célèbres comme Angelina Jolie pour l’amputation préventive des seins, ne relève-t-il pas du sordide, le la manipulation ?
« L’athlète belge, Marieke Vervoot attire une nouvelle fois les lumières sur l’euthanasie. A son retour de Rio, elle souhaite en finir avec ses souffrances. Un tel exemple peut-il relancer le débat sur l’euthanasie en France ? »[1]. Que Marieke ait fait un choix autorisé en Belgique (depuis 2002) relève de sa liberté. Que ce choix exprimé depuis 2008 devienne un moyen de se mettre en lumière pose question. « Le sujet difficile de l’euthanasie l’a propulsée dans une lumière intense dont elle semble finalement s’amuser », écrit le journal Le Soir cité par le Monde (réf 1) qui ajoute : « d’autant plus que M. aborde facilement le sujet, argumente son choix avec le sourire et retourne la symbolique et le champ sémantique qui entoure habituellement ce mot, euthanasie. Elle en fait un terme associé à la vie et pas à la mort ». Et finalement, décide de surseoir à la sortie des Jeux. Pourquoi tant de bruit si ce n’est une instrumentation dont elle est victime et probablement inconsciente. Porte- drapeau de la mort médicalisée ?
Cette décision personnelle relève de l’intime. Elle ne devrait jamais franchir les portes de la sphère médicale pour se mettre sous les projecteurs des plateaux télé. Cette médiatisation est d’emblée suspecte. Elle sème le doute sur les raisons profondes de ce désir d’ en finir avec l’aide de médecins, depuis huit ans.. Nous pouvons respecter le courage d’une grande malade qui arrive à des performances physiques de haut niveau. Comprendre aussi ses angoisses personnelles sur l’aggravation de sa maladie musculaire qui pourrait l’empêcher de se suicider à temps dans un avenir plus ou moins éloigné, bref tout ce qui probablement dans son cas l’a conduit initialement à faire ce choix potentiel de l’euthanasie. Expérience individuelle, unique de cette femme qui mérite toute notre compassion.
Mais l’utilisation de cette détresse par ceux qui ont transformé cette athlète en chevalier servant de l’escadron d’une mort légalisée est moins respectable. L’euthanasie légale devrait relever du secret médical dans les pays où elle est légalisée, et ne pouvoir en aucun cas devenir un marché comme un autre. Et pourtant[2]!
« L’euthanasie ne veut pas dire “meurtre” pour moi, mais signifie “repos” » dit M.
Propos largement relayé dans la presse, oubliant que le cas exceptionnel d’une patiente qui se paralyse chaque jour un peu plus ne reflète heureusement pas le malade que certains poussent parfois assez violemment à demander l’euthanasie pour des raisons parfois moins nobles ou à subir une mise à mort passive permise par la banalisation de cette « aide à mourir ». M.V. a –t-elle pu envisager les conséquences de cette campagne de marketing pour un nouveau marché ? Son choix personnel peut-il être généralisé au patient lambda et comme Angelina Jolie a accepté la responsabilité de présenter sa double mastectomie préventive au monde entier, la publicité a-t-elle sa place dans des décisions intimes relevant de situations individuelles toujours différentes ? Les conséquences pour des patients moins entourées sont-elles évaluables et mesurées par ces égéries du meurtre légal ou de la mutilation du symbole féminin, les seins ?
Le conditionnement à l’abandon des soins même palliatifs, outil du nouveau management financier de la « médecine » selon Dieu FRIC.
Combien de patients sont-ils euthanasiés sans leur véritable consentement ? Expérience trop fréquente à l’hôpital depuis une vingtaine d’années, survenue avec la transformation des établissements de soins en entreprise, rentabilité et efficience devenant indices de « qualité ». Cette nuit, « on a fait des lits » phrase trop entendue dans un hôpital parisien déjà dans les années 90. Certes il s’agissait de malades en véritable fin de vie qui seraient morts rapidement quelques heures ou jours plus tard, mais de quel droit leur voler leur mort, consciente ou inconsciente, de quel droit priver leurs proches de ce moment capital, de quel droit pousser la seringue de morphine et d’Hypnovel un peu plus vite ? De quel droit traumatiser à jamais des soignants poussés à obéir, qui auront cru un moment rendre service et seront hantés par leur geste fatal des années durant [3] , ainsi que des parents l’ont été après avoir demandé de raccourcir l’agonie de leur enfant, ou pire, de ne pas le réveiller après une intervention chirurgicale, car le pronostic à court terme paraissait mauvais ? Pour qui nous prenons-nous ?
Depuis l’ère de l’hôpital rentable, émissions télévisées et journaux populaires, enseignements médicaux et paramédicaux dédiabolisent ces pratiques, sous prétexte de soulagement, de compassion. Comme les soins palliatifs faisaient partie intégrante des bons soins curatifs, les isoler a permis d’écarter bon nombre de cancéreux des traitements éprouvés, et au total, d’écourter leur séjour terrestre. Chacun sait que le citoyen moyen dépense en frais de santé autant dans les six derniers mois de sa vie que dans tout le reste. Ca ne pouvait pas durer, économies de sécu obligent et depuis les années 2000, pubs sur soins palliatifs et euthanasie se multiplient et l’Etat légifère.
Alors oui, bien manipulés, vieux, mourants, grands malades, handicapés se sentent de trop. Quitter ses proches, parce qu’on coûterait cher à la Sécu, que l’on serait une charge pour sa famille et les soignants qui n’en peuvent plus, ne sont pas assez nombreux, parce qu’on ne voit plus personne, amis ou familles (qui ne veulent pas vous voir «dans cet état-là» pour peut-être garder un meilleur souvenir de vous) , parce que personne ne vous tient la main encore quelques minutes par jour en vous racontant des histoires ou en écoutant Mozart avec vous ? Alors oui, on en voit trop « céder » aux injonctions de soignants, docteurs ou infirmiers ou psy, ou animateurs télé, robots d’un totalitarisme eugénique qui n’avoue pas son nom.
Athée ne refusant pas l’euthanasie au nom d’une foi quelconque, je refuse ce qui sort de la relation personnelle médecin-patient qui a permis depuis toujours le soulagement de malades, dans le secret du colloque singulier, mais légiférer et finalement «normer» l’aide à mourir, puis l’imposer m’horrifie. J’ai trop honte de voir sombrer dans la déliquescence notre société de moins en moins humaine, qui trouve de surcroit le moyen de s’en flatter : « des droits nouveaux » dit la loi de M Touraine et ses décrets récents. Droit d’être abandonné, d’être exécuté au nom de la loi … sous anesthésie ! Quel progrès! Mystification.
Qu’est-ce que l’euthanasie ?
L’euthanasie est un meurtre, c’est tuer quelqu’un. Meurtre qui serait autorisé par le malade lui-même ou son entourage (attention au risque de dérives en particulier successorales…) et par la législation éventuellement. Mais tuer reste un meurtre dont il faut envisager les significations personnelles, sociales, et les conséquences affectives, mentales tardives et souvent définitives pour le «tueur» improvisé. N’est pas tueur ou pervers insensible qui veut, et les cauchemars à répétition, les remords ne s’effaceront pas chez l’individu normal, c’est-à-dire presque tout le monde.
La réflexion éthique, sociétale devrait se garder d’utiliser l’émotionnel immédiat par la surexposition irrespectueuse de la souffrance majeure d’une grande malade sportive transformée en objet de publicité, plus ou moins à son insu (Qui veut être traité comme un objet ?).
Euthanasier, « légalement » ou pas, c’est tuer, c’est transgresser le tabou de l’Humanité, « tu ne tueras point », l’interdit de tuer, fondement d’une société civilisée.
En même temps que début aout 2016, passent discrètement les décrets d’application de la loi Clayes Leonetti votée en début 2016 à mains levées par quelques députés présents (sous-estimant la gravité philosophique et sociale de l’autorisation de tuer), et plus grave encore par les médecins, reniant ainsi les bases de notre engagement et du serment d’Hippocrate, la France est soumise aux attaques terroristes. Les multiples débats sur la radicalisation des plus jeunes mettent en cause l’attraction des jeux-vidéos disponibles sur leur smart phone par les adolescents. Les séries télé quotidiennes banalisent la mort et l’acte de tuer. Difficile d’échapper le soir à des scènes de meurtre plus ou moins horribles. Ces spectacles permanents et ces jeux atténuent la frontière entre virtuel et réel, banalisent le meurtre et l’assassinat dans la réalité et le cinéma qui se confondent. L’interdit de tuer n’est plus au cœur de l’éducation et de l’enseignement depuis la « tendre » enfance de nos jeunes, et les joutes verbales des défenseurs bruyants de l’euthanasie rajoutent une couche dans la perte du respect intransgressible de la vie d’autrui[4]. Quelles conséquences pour l’avenir ?
La logique euthanasique : « Sédation profonde et continue jusqu’au décès » une légalisation de l’euthanasie qui ne dit pas son nom !
Dans l’immédiat, le gouvernement n’a pu se retenir de légiférer ! Probablement pour quelques voix de lobbies aux élections qui s’annoncent, on mime le déclin de Rome. Le 5 août 2016 en toute discrétion, ont été publiés 3 textes règlementaires en application de la loi Claeys-Leonetti [5]. Ces textes précisent les conditions de ces pseudo « nouveaux droits » adoptés le 2 février 2016. Orwell avait bien démontré comment inverser le sens des mots, rien de neuf.
Modification autoritaire et sans la profession, du code de déontologie médicale ! Une gravissime transformation régressive de la société passée inaperçue, et votée dans le silence loin des médecins eux-mêmes.
Le premier décret [6] modifie le code de déontologie médicale pour encadrer le recours à la «sédation profonde et continue jusqu’au décès». Le second décret concerne les directives anticipées, leurs conditions de rédaction et de conservation. Ces directives « s’imposeront, sauf exception, aux médecins ». Elles n’auront plus de limites dans le temps, alors qu’elles devaient jusqu’à présent être renouvelées tous les trois ans. Comment accepter cette loi, ce droit de tuer, qui devient en plus une injonction à tuer ( «s’imposeront aux médecins !») ? Nous avons choisi médecine pour soigner, pas pour tuer sur ordre… Ca ne vous rappelle rien ?
Il faut entendre et comprendre que déjà nombre de personnes âgées ne veulent plus aller à l’hôpital par peur d’être « achevées », et elles ont raison. Quel regard porter sur le médecin qui a le droit de vie ou de mort sur vous, et dont vous ne savez rien ! Pour casser définitivement le lien médecin-patient, on ne pouvait rêver mieux ! Quant aux directives anticipées, n’oubliez jamais que ce sont des paroles de «bien –portants» qui vous enchainent. Au moment crucial, des années plus tard éventuellement, votre avis aura souvent bien changé !
D.Moyse [7] exprime clairement cette évidence oubliée par le législateur : personne ne peut manifester par anticipation un choix qui, au moment crucial, peut se révéler totalement différent : « Il y a peut-être quelque illusion à prétendre connaître nos souhaits à venir face à ce qui, relève de l’inimaginable » et dénonce ainsi le caractère irréversible d’une réaction présumée : « Combien n’ont-ils pas juré qu’ils se suicideraient dans l’hypothèse de telle ou telle maladie grave et qui, comme la plupart en pareille conjoncture, se sont finalement battus quand l’occasion s’est présentée » et appelle à la prudence face au « piège » du « serment à soi » : selon elle, il tend à museler la personne en fin de vie, « pour affirmer le pouvoir sur sa propre vie contre tout ce qui tend à [lui] confisquer». Plus prosaïquement le serment de fidélité du mariage est bien souvent rompu … N’est –ce pas comparable ?
Et dans sa tribune[8] elle rappelle ce qu’explique le livre des morts tibétain de Chôgyam Trungpa, en 1975 : combien il est important « de dire à la personne qu’elle est en train de mourir », expliquant que l’impossibilité d’accomplir un tel geste s’apparente à « un refus (…) terrible, fondamental, de l’amour ». Pour autant, précise D Moyse, «nous pressentons qu’il ne confond l’aide à mourir ni avec le geste létal, ni avec l’endormissement des mourants». Pour lui, « la preuve ultime d’amour serait d’aider un agonisant à apprivoiser l’approche de sa mort, c’est-à-dire de rendre possible qu’il la rencontre».
La « mort par sédation » ou le reniement de nos « devoirs d’humanité » [9]
Lire la suite de l’article du docteur Nicole Délépine