« Jésus étant né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient se présentèrent à Jérusalem en demandant : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile en Orient” ». Ils apprennent qu’il doit naître à Bethléem et se mettent en route : « Voici que l’étoile qu’ils avaient vu en Orient les guidait jusqu’à ce qu’elle vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant. A la vue de l’étoile, ils se réjouirent d’une grande joie … » (Mt 2, 9- 12). Ce qui fait dire à Ambroise : « Ce petit enfant que le manque de foi vous fait trouver méprisable, des mages venus d’Orient l’ont suivi sur un si long parcours, se prosternent pour l’adorer, l’appellent roi et reconnaissent qu’il ressuscitera, en tirant de leur trésor l’or, l’encens et la myrrhe « (In Luc. II, 44).
Si la signification symbolique des présents qu’ils offrent à l’enfant est souvent commentée de nos jours, l’étoile l’est plus rarement, or elle le fut souvent dans les premiers siècles. Elle intéressait fort les tenants de l’astrologie, ce qui conduit Augustin à protester énergiquement : « Cette science ignorante s’imagine que le Christ en naissant a été soumis aux lois fatales des astres » (Sermon 199, 3). Au contraire « Le Christ a fait voir qu’il n’était pas sous la domination de cette étoile mais qu’il en était le maître […] A peine sorti du sein maternel, il fit briller dans les cieux son astre nouveau, parce qu’il est Celui qui, né du sein du Père, a façonné le ciel et la terre » (Sermon 201, 1).
L’étoile – dont la réalité n’est pas mise en cause– s’est levée parce que le Christ est né et non l’inverse : « L’étoile qui obéit à l’enfant manifeste qu’il est le Dieu puissant que les mages, ambassadeurs des nations, ont adoré en lui conférant les honneurs qui lui étaient dus par l’offrande des présents mystiques » dit Gaudence, évêque de Brescia, à la fin du IVe siècle. Se fondant sur la prophétie de Balaam : « Une étoile se lèvera de Jacob, et un homme se dressera en Israël » (Nb 24, 17), son contemporain Ambroise de Milan écrit : « Dans le mystère de l’incarnation, le Christ est l’étoile » (In Luc. II, 45) et encore : « Cette étoile est la clarté même du Christ, car il est “l’étoile brillante du matin” (Ap 22, 16) ».
Mais pour Eusèbe de Césarée, l’étoile en elle-même n’est rien : « C’est Celui qui s’est fait voir aux mages qui a montré symboliquement l’image de l’étoile » (Démonstration 9, 11). Pour Augustin, dans plusieurs sermons sur l’Épiphanie, l’étoile est appelée «la langue du ciel » dont le Fils de Dieu en sa divinité use pour pallier les déficiences de son humanité : « Sur cette terre, il ne parlait pas encore avec sa langue, mais il parlait du haut du ciel par une étoile, et montrait, non par le langage de l’homme mais par la puissance du Verbe fait chair, qui il était et où il était venu […]. C’est lui qui montrait cette étoile dans le ciel et qui montrait qu’il devait être adoré sur la terre » (Sermon 200, 2). Pour certains, l’étoile est une puissance, c’est-à-dire un Ange, qui guide les mages sous l’apparence d’une étoile, ce qui explique que ce soit parfois un ange, et non une étoile qui soit représenté guidant les mages, ou au-dessus de l’endroit où se trouve l’enfant.
Mais surtout l’étoile manifeste la divinité du Christ. Il est « l’étoile du matin, parce qu’il dissipe par sa naissance la nuit de l’ignorance » (Chromace, Sur Matthieu 4, 1). L’étoile manifeste la splendeur de la lumière divine qui illumine les âmes, aussi écrit-il encore : « En pénétrant dans les cœurs des mages, la splendeur de sa lumière les a remplis d’une lumière spirituelle qui les a rendus capables de reconnaître dans le signe de la nouvelle étoile naissante le roi des Juifs, le créateur du ciel » (Ibid.). Cette lumière, au-delà des Mages concerne toutes les nations comme l’exprime Léon le Grand : « Un rayon de vérité instruisit le cœur des mages, plus resplendissant que la beauté de l’étoile qui avait frappé le regard de leur corps » et encore « toute lumière nouvelle qui apparaît dans les cœurs enténébrés émane des rayons de la même étoile » (Sermon 34, 3 ; 38, 1).
On lira avec profit Martine Dulaey, Symboles de Évangiles (Ier-VIe siècles), Paris, LGF « Le livre de Poche », 2007.
par Françoise Thelamon, professeur d’histoire de l’Antiquité
Notre photo, tapisserie du Musée de Tulle