« Les limites de l’autorité du pape dans la doctrine de l’Eglise » – Cardinal Burke

« Les limites de l’autorité du pape dans la doctrine de l’Eglise » – Cardinal Burke

Nous avons longuement hésité à classer cet article dans “Rome”, “Tribune” ou “formation”. Rome, parce que c’est une page des réalités romaines actuelles et que cette conférence est déjà interprétée par certains comme une charge contre le pape François. Tribune, car c’est une position d’un cardinal au cœur d’un conflit délicat et que nous n’en avons pas encore l’intégralité en français. Formation, parce qu’en tant que canoniste sa conférence est une page de formation. Nous avons opté pour la position libre de la tribune, en laissant le lecteur face à la complexité et du propos et de la situation.

 

Edward Pentin du New Catholic Register a donné les grandes lignes de la conférence prononcée par le cardinal Raymond Burke au colloque Où va l’Eglise qui se déroule aujourd’hui à Rome. C’est en tant que prince de l’Eglise que le cardinal a souligné ceci : «  L’autorité du pape dérive de l’obéissance au Christ. » Et il a évoqué un devoir de désobéissance à l’égard du pape si celui-ci n’agit  et n’enseigne pas conformément à la Révélation divine, à l’Ecriture sainte et à la Tradition. De telles expressions du pape doivent alors « être rejetées par les fidèles ».

Cette parole publique du cardinal Burke lors d’une journée placée sous le signe du cardinal Caffarra et où étaient également annoncés les cardinaux Brandmüller, Arinze et Zen, ainsi que Mgr Schneider, constitue sans doute la prise de position la plus nette qui ait eu lieu à ce jour à propos de la confusion qui règne actuellement dans l’Eglise, même s’il n’a pas explicitement nommé le pape François au cours de son allocution. Le contexte était pourtant parlant.

Au cours de sa conférence, intitulée « Les limites de l’autorité du pape dans la doctrine de l’Eglise », le cardinal Burke a mis l’accent sur le devoir des papes de sauvegarder et de promouvoir l’unité de l’Eglise, ajoutant que toute expression de la doctrine ou de la pratique par un pontife romain se doit d’être un « exercice authentique » du ministère pétrinien. Cette autorité, désignée par la plenitudo potestatis, n’est pas,  nonobstant son nom, un pouvoir « magique ; elle dérive de son obéissance au Seigneur. »

C’est en tant que canoniste et préfet émérite de la Signature apostolique que le cardinal s’est également exprimé, se référant aux enseignements du canonistes du XIIIe siècle, le cardinal Henri de Suse, dit Hostiensis et aux écrits du professeur britannique John A. Watt, sur ce qu’on appelle l’absoluta potestas du pape, un pouvoir absolu qui diffère de celui théorisé par Machiavel ou mise en pratique par des dictateurs totalitaires dans la mesure où il sert à « apporter un remède aux défauts » de la loi existante soit que celle-ci « ne soit pas observée », soit qu’elle se révèle « inadaptée à des circonstances particulières ».

Il ne s’agit en aucun cas d’une autorité s’exerçant sur le Magistère de l’Eglise, mais plutôt d’une « nécessité » de la gouvernance «  en pleine fidélité » à l’égard du Magistère de l’Eglise, ce qui oblige à n’en user qu’avec « grande prudence », comme d’un pouvoir ordonné à « la construction, et non la destruction ».

Cette absoluta potestas est donnée par le Christ lui-même,  a ajouté le cardinal, et par conséquent « ne peut être exercé qu’en obéissance au Christ ». Ainsi, un pape peut  décider d’une dispense à la loi, ou encore interpréter celle-ci, mais seulement de manière à aider la loi à remplir son « véritable objet, jamais pour la subvertir ».

Le cardinal Burke a alors souligné que tout acte d’un pape considéré comme « hérétique ou peccamineux », ou qui puisse « favoriser l’hérésie ou le péché, sape les fondements de la société et serait dès lors nul et non avenu ».

Il est bien admis, a expliqué le cardinal, que la plénitude du pouvoir donnée à un pape ne lui permet pas d’« agir contre la foi apostolique », mais qu’il s’agit d’un pouvoir dont il doit user « avec parcimonie, et avec la plus grande prudence ». Et de rappeler que selon Watt, la plenitudo potestatis est ordonnée au service des âmes et à l’unité de l’Eglise, et non pas aux intérêts personnels des individus. « Si le pape devait agir de cette manière sine causa (sans cause) ou de manière arbitraire, il mettrait son salut en péril », a insisté le cardinal Burke.

Ayant établi ces principes,  le cardinal a expliqué comment les abus de ce type de pouvoir peuvent être corrigés. Déjà, Hostiensis avait expliqué que le pape doit être « averti de l’erreur de ses actions, y compris publiquement », et que le collège des cardinaux « doit servir de frein de facto par rapport à l’erreur du pape. » Mais il ne s’agit pas d’un « jugement contraignant » selon Hostiensis. Il soutenait plutôt que si, selon sa conscience bien formée, un fidèle croit qu’un acte pontifical d’exercice de la plénitude du pouvoir est « peccamineux », alors «  il faut désobéir au pape par devoir, et les conséquences de cette désobéissance doivent être endurées avec une patience chrétienne ».

 

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