Il y a une semaine, Oscar Albayalde, le chef de la police nationale philippine, suggérait aux prêtres catholiques de s’équiper d’armes à feu afin de mieux se défendre. Depuis, les médias philippins ont affirmé, le 17 juin, que plusieurs membres du clergé s’étaient déjà armés suite aux attaques contre les prêtres. Les évêques philippins sont montés au créneau, dénonçant cette idée comme contraire au sens même du sacerdoce. Pour le père Jérôme Secillano, du comité des affaires publiques de la conférence épiscopale, le prêtre n’est pas là pour jouer les justiciers, mais pour annoncer la Parole de Dieu.
Plusieurs évêques philippins ont fait part de leur consternation et de leur colère suite à des signalements annonçant que des prêtres catholiques s’étaient armés suite à l’assassinat de plusieurs membres du clergé ces derniers mois. Mgr Pablo Virgilio David, évêque de Calookan près de Manille, confie sa « profonde déception », ajoutant que les prêtres qui veulent porter une arme à feu afin de se protéger devraient quitter le sacerdoce et rejoindre la police ou l’armée. « Ce n’est pas la peine de s’attarder sur la moralité de leur décision. C’est pour le moins un contre-témoignage », martèle l’évêque, suite à des rapports affirmant que plusieurs prêtres de la province de Laguna, dans le sud de l’archipel, s’étaient procuré des armes à feu en secret, suite à l’assassinat de trois prêtres et à l’attaque contre un autre prêtre, en seulement six mois.
Toutefois, Mgr David se dit que ces informations, publiés par les quotidiens nationaux le 17 juin, pourraient être des « fausses nouvelles », destinées à provoquer des réactions négatives à l’encontre des prêtres. « Cela ne fait que remuer le couteau dans la plaie, après la peine causée par les meurtres sauvages contre nos frères prêtres », déplore l’évêque, également vice-président de la conférence épiscopale philippine. Mgr David ajoute que selon lui, si c’est vrai, les prêtres qui ont décidé de porter des armes à feu ont « vraiment besoin d’aide ».
Mgr Romula Valles, évêque de Davao et président de la conférence épiscopale philippine, avait déjà rejeté, un peu plus tôt, toute idée d’armer les prêtres. « Nous sommes des hommes de Dieu, des hommes de l’Église, et cela fait partie de notre ministère de faire face au danger, et même de faire face à la mort s’il le faut », a-t-il déclaré. Le père Jérôme Secillano, secrétaire général du comité des affaires publiques pour la conférence épiscopale, explique que la position de l’Église est très claire, mais il tient à ajouter que les prêtres qui songent à porter une arme à feu doivent d’abord demander la permission de leur évêque.
« Ils dépendent de leur diocèse qui, sur le plan juridique, est un territoire indépendant dirigé par l’évêque. Celui-ci est responsable, juridiquement, des prêtres dont il a la charge », poursuite le père Secillano. Pour lui, c’est « inapproprié et inconvenant » de porter une arme pour un prêtre, qui est « chargé de prêcher la Parole de Dieu, pas de jouer les justiciers adeptes de la gâchette ». « Les prêtres sont des artisans de paix, pas des complices de la violence », soutient le père Secillano.
Apprenez les arts martiaux
Un autre évêque a lui aussi réagit, en suggérant qu’au lieu de s’armer, les prêtres pourraient apprendre des arts martiaux comme le karaté, afin d’apprendre à se défendre. « Vous devez aussi apprendre à vous défendre », estime Mgr Rolando Rirona, archevêque de Caceres, précisant que le fait d’apprendre de telles techniques ne serait qu’une mesure préventive. « Les prêtres ne peuvent pas prétendre ressembler à Superman ou Spiderman, prêts à intervenir au moindre danger », plaisante l’évêque. Le père Edwin Gariguez, secrétaire de la conférence épiscopale pour l’action sociale, estime qu’un prêtre doit être prudent, et « apprendre les arts martiaux peut être un moyen de se protéger ». Mais en revanche, pour lui, armer les prêtres est « contraire au sens même du sacerdoce, qui consiste en une vie donnée par amour ». Selon lui, les prêtres « s’engagent à construire la paix de façon non violente ». « Un prêtre doit être prêt à mourir en martyr, afin de défendre les droits des pauvres, afin de défendre ce qui est juste et vrai. L’autodéfense ne peut justifier de contre-attaquer », ajoute le père Gariguez.
Le chef de la police nationale philippine, Oscar Albayalde, avait déclaré la semaine dernière qu’il était prêt à aider les prêtres à s’équiper d’armes à feu en toute légalité, s’ils le demandaient. Il a ajouté que les prêtres pouvaient s’armer pour se défendre, tant qu’ils possédaient des armes et des permis en règle, et qu’ils apprenaient à s’en servir correctement. « Ils se sentiront plus en sécurité, s’ils portent des armes », a-t-il poursuivi. « Nous les aiderons à aller jusqu’au bout du processus d’acquisition de licence », a même ajouté le chef de la police, assurant le public qu’il n’y avait pas de raison de s’alarmer à propos des attaques contre les prêtres.