211 victimes d’abus sexuels de la part de membres du clergé se sont manifestées auprès des diocèses de France entre 2017 et 2018. 75 cas ont été signalés à la justice civile et 129 clercs ont été mis en cause. Tels sont les principaux éléments chiffrés du Rapport de la Conférence des évêques de France sur la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise, publié le 31 octobre 2018.
Ce document de la CEF d’une quinzaine de pages résulte d’une enquête effectuée auprès des diocèses entre septembre et octobre 2018. Cette recherche ne porte que sur les années 2017 et 2018. Quelques éléments concernant les années 2010 à 2016 y sont également mentionnés. Mais aucune vision d’ensemble n’est donnée sur l’ampleur du phénomène des abus sexuels dans l’Eglise de France sur une période étendue. Ce document fait le point et présente un nouveau rapport d’étape. Il renseigne aussi sur les moyens déployés depuis avril 2016, explique la CEF.
129 clercs mis en cause
Sur les 129 prêtres et diacres mis en cause, 10 ont été mis en examen, 4 sont actuellement incarcérés et 5 ont purgé leur peine. Sur le plan des sanctions canoniques, 49 clercs ont été suspendus de tout ou partie de leur ministère et 9 ont été condamnés à une peine canonique. La CEF signale aussi que 11 des prêtres impliqués sont décédés et que plusieurs signalements peuvent concerner un même individu.
Une nette augmentation des dénonciations
Les dénonciations survenues en 2017-2018 sont nettement plus nombreuses que celles des années 2010-2016. La CEF l’explique surtout par la mise en place dans tous les diocèses de structures d’accueil, la publication en janvier 2017 du nouveau guide Lutter contre la pédophilie, la création d’un site internet dédié, ainsi que la forte médiatisation de quelques affaires. Le rapport relève néanmoins que 14 diocèses n’ont connu aucun signalement pour 2017 et 2018.
La deuxième partie du document fait d’abord un rappel historique des diverses mesures et publications des évêques de France concernant la lutte contre la pédophilie. Il indique ensuite les moyens mis en œuvre aux niveaux national et local.
Le chapitre suivant donne un aperçu des mesures de prévention, de sensibilisation et de formation. Le rapport signale entre autres que, depuis 2017, des interventions spécifiques sont conduites dans les séminaires à partir de l’actualité et de témoignages de victimes. Les séminaristes sont également invités à s’exprimer dans le cadre de l’accompagnement spirituel individuel.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir
Depuis 2016, un travail important a été réalisé tant au niveau national que local, conclut Mgr Luc Crepy, évêque du Puy-en-Velay et président de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie de la CEF. Il s’agit de mieux accueillir et écouter les victimes, de faciliter la dénonciation des faits et le suivi judiciaire des auteurs et d’amplifier le travail de prévention et de formation. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, reconnaît Mgr Crépy. « La culture du secret, la tentation de minimiser la gravité des abus sexuels, l’oubli et le refus d’écouter les victimes et la tentation de vouloir défendre à tout prix l’institution sont autant d’obstacles à surmonter dans l’Eglise. »
Prison ferme requise contre un ancien évêque
Un exemple de cette attitude avait d’ailleurs été mis en avant la veille de la publication de ce rapport, puisqu’on apprenait que le procureur d’Orléans avait requis une peine de prison ferme avec mandat d’arrêt contre Mgr André Fort, 83 ans, ancien évêque d’Orléans. Ce dernier (absent à l’audience pour raisons médicales) avait omis de dénoncer à la justice les atteintes sexuelles sur mineurs commis par l’abbé Pierre de Castelet, 69 ans, pour des attouchements sur des jeunes garçons, lors d’un camp organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes, pendant l’été 1993.
L’évêque d’Orléans de 2002 à 2010, Mgr Fort n’avait pas informé la justice lorsqu’une des victimes lui avait adressé en 2008 une lettre faisant état de ces attouchements. Le prélat s’était contenté d’éloigner le prêtre (contre qui trois ans de prison, dont six mois avec sursis, ont été requis) de tout contact avec les jeunes. Ce n’est qu’après l’arrivée du nouvel évêque, Mgr Jacques Blaquart, que la justice sera saisie.
Le procureur Nicolas Bessone a expliqué vouloir créer un « électrochoc » dans cette affaire qui a été mise en délibéré au 22 novembre. (cath.ch/ag/mp)
Source : cathobel